samedi 23 avril 2011

Mondo cane


Fiche du film :
Réalisateurs : Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi
Scénaristes : Paolo Cavara et Gualtiero Jacopetti
Année : 1962
Genre : Documentaire

Avis sur le film :
Genre apparu suite au succès international de Mondo cane, le "mondo movie" consiste en un assemblage d'images documentées à travers tout le globe, parfois non pas tournées pour le film mais récupérées, et qui suivent une même idée générale qui est de montrer la décadence du monde. Pour se lier au film original, la plupart ont placé le mot "mondo" au début de leur titre, même s'il n'a plus aucun signification ; certains se sont spécialisés dans des domaines, "Mondo topless" ou "Mondo teeno", ou dans des lieux comme avec "St Tropez interdit", "L'amérique à nu" ou "Suède : enfer et paradis".
Le tout premier du genre en tout cas a un titre qui a du sens et qui indique clairement de quoi il va être question : "monde chien", c'est à dire l'horreur partout sur notre planète.
 
 
Nous passons de l'Italie à une île près de la Nouvelle Guinée, des lieux bien différents mais unis par un même caractère grotesque dans les scènes présentées. Malgré le propos tenu, il y a bien vite de quoi se demander si les réalisateurs ont pensé pouvoir faire croire à ce qu'ils donnent à voir et les faire passer pour des images de documentaire, tant la mise en scène est visible par l'exagération de ce qu'il se passe. Un homme est assailli par une cinquantaine de femmes qui lui arrachent sa chemise, et un autre dans un décor plus éxotique se fait poursuivre jusque dans un arbre par des furies en pagne.
Il y a en tout cas un lien logique par une association d'idées qui se fiche de la continuité de l'espace tant que celle du thème est respectée. Tout l'enchaînement des vidéos dans Mondo cane est basé sur ce principe, car une analogie, même des plus simples, permet de passer à un lieu et un sujet atypique différent ; seulement en plus du grotesque des images s'ajoute un lien souvent forcé, grossissant les traits des situations pour que l'une réponde à la précédente, retirant encore plus de sérieux au film. Pour exemple le passage des indigènes aux seins nus sur l'île susmentionnée à une femme marchant sur la croisette à Cannes, suivie par une dizaine de marins, et considérée par le commentateur comme ayant elle aussi la poitrine découverte alors qu'elle porte un bikini.

Il y a pourtant par la suite, dans une certaine mesure, de la finesse dans Mondo cane, qui ne dénonce pas ses sujets directement comme l'ont fait plus tard ses imitateurs, mais présente les images affreuses telles quelles. Les vidéos parlent d'elles-même, le commentaire ne prend pas de haut les cultures différentes que l'on voit, il n'y a aucun racisme apparent envers les tribus présentées, et quoiqu'il en soit le film critique aussi le mode de vie occidental. La perte du poids des femmes aux Etats-Unis est mise en lien avec le gain de poids en Afrique, les deux ayant pour but mutuel de plaire aux mâles, et la comparaison crée un ridicule réciproque entre eux. De même avec ce pays du tiers-monde où l'on nourrit les chiens, suivi d'un autre plus riche où certains propriétaires donnent un tombeau à leur animal de compagnie ; heureusement la caméra est toujours là pour capter ce qu'il faut pour ridiculiser ces pratiques, ici il s'agit de canidés qui urinent sur les tombes, le comportement des humains tel qu'ils le voient étant désigné comme étant aussi étrange que le leur du point de vue des hommes.
Si le film veut montrer du doigt par moments, il le fait de façon assez réfléchie, ne cédant pas trop à la facilité, puisque le message passe par le montage qui utilise des façons simples mais efficaces de se faire comprendre, notamment avec cette scène à procédé purement comique où les femmes noires obèses ayant accouché de plusieurs enfants sont présentées avant celui à qui elles appartiennent, le chef de la tribu, qui arrive en dernier afin que l'on constate avec surprise qu'il s'agit d'un vieil homme maigrelet.


Mondo cane montre des éléments insolites qui existent indubitablement comme la corrida ou cette pratique religieuse italienne où des gens se blessent les jambes avec du verre, d'autres sont plus douteuses comme avec ces enfants qui nettoyent des crânes dans un sanctuaire monastique, mais ce qui est vraiment révoltant est le fait de présenter au public des reconstitutions peu crédibles en prétextant dévoiler la vérité sur l'horreur du monde. Se ressent une grande part de mensonge et d'invention dans ce "shockumentary", le plus honteux étant certainement lorsque la voix-off prétend retranscrire les paroles d'un homme chargé de l'accueil à l'arrivée d'un navire à Hawaï, en se servant de cet alibi du report des propos sur une autre personne pour ridiculiser des touristes retraités américains qui apparaissent peut après, à l'aide d'un assemblage d'images et de texte, l'un étant en décalage avec l'autre.


Etonnamment, Mondo cane n'est pas filmé avec un si grand voyeurisme, à en juger par la façon dont son cadrées les femmes "pinceaux humains" de Yves Klein, nues, mais dont les parties du corps les plus intimes sont respectées, cependant la façon dont les images sont utilisées durant tout le film donnent un résultat tout aussi malsain.
Ce premier mondo-movie se montre très malin dans les deux sens du terme, car le film sait être suffisamment intelligent en même temps que ce qu'il fait est chargé en immoralité.
En dehors de l'atrocité de certaines images incluant des estropiés ramassant des ailerons de requins ou des poissons hideux qui sortent de l'eau pour se retrouver dans des arbres, ce pseudo-documentaire est extrêmement insidieux de par sa capacité à faire passer comme excuse le fait de se poser comme simple observateur, et l'astuce a fonctionné auprès des spectateurs puisque le film a même été nomminé à Cannes en tant que "meilleur documentaire".

Bande-annonce VO :

vendredi 22 avril 2011

Hobo with a shotgun

Avant-première :


Fiche du film :
Réalisateur : Jason Eisener
Scénaristes : Jason Eisener, John Davies, Rob Cotterill
Année : 2011
Genres : Action / Comédie
Acteurs principaux : Rutger Hauer, Molly Dunsworth, Brian Downey
Résumé : Un vagabond débarque dans une ville où le crime est omniprésent, et en voulant aider des innocents il se rend compte qu'il ne peut rien faire, puisque même la police est corrompue par Drake, le gangster aux commandes de Hopetown. Le "Hobo" fraîchement arrivé va devoir s'armer d'un fusil à pompe s'il veut que justice soit faite.

Avis sur le film :
En 2007, en même temps que sortait Grindhouse, un concours fut lancé pour que des amateurs puissent proposer leurs propres fausses bandes-annonces de films d'exploitation, comme celles situées entre les deux parties du diptyque de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino.
Parmi les trailers fictifs placés au milieu de ce double-programme, Machete est devenu un long-métrage grâce à son succès auprès du public, et Thanksgiving d'Eli Roth est déjà annoncé. De façon plus surprenante, Hobo with a shotgun, gagnant du concours, fut lui aussi prévu pour être développé, offrant au réalisateur jusque là totalement inconnu la chance inespérée d'être propulsé sur le devant de la scène en transformant son court-métrage sans prétention en un vrai film.


Nous pouvions déjà le constater avec les trois nomminés du concours, ces court-métrages s’éloignaient quelque peu de l’esprit du vrai grindhouse pour partir dans leur propre délire déviant. Le brillant Maiden of death n’avait pas grand chose du film d’exploitation si ce n’est une soif de démesure, quoique dans ce cas là celle-ci était alimentée par des effets spéciaux sublimes servant à des scènes hallucinées. Hobo with a shotgun correspondait plus au projet de Tarantino et de Rodriguez, à savoir reprendre des thèmes et la folie du cinéma bis des 80’s en lui donnant les moyens de concrétiser ses envies les plus démentes. Le court-métrage de Jason Eisener avait aussi pour lien l’image abîmée traversée de traits noirs, mais cet aspect vieillot disparaît totalement de la version longue.
Le réalisateur trouve un autre moyen plus original de rendre son image kitsch, grâce à des couleurs complètement saturées, de la surexposition, des éclairages aux tons exagérés et des flares recherchés. Cela donne un autre style au film, entre amateurisme ancien et contemporain, tout comme les looks purement modernes des protagonistes jeunes contrastent avec l’époque dans laquelle l’histoire est censée être ancrée, ce qui peut rappeler les réalisations de Lee Demarbre, un autre Canadien à avoir tenté de concilier environnement des années 2000 avec une esthétique grindhouse. Seule la musique de la bande-originale peut vraiment évoquer une autre époque, tout en étant compatible aux goûts d’aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit, Hobo with a shotgun se distingue car il fait le pont entre le genre qui lui a permis d’exister et les productions de Troma, le résultat présenté pouvant très bien appartenir à cette société de production déjantée.


Nous pourrions bien croire que Lloyd Kaufman est au commandes tant par moments nous croirions voir Toxic avenger 4 : du gore à gogo, des filles en bikini ou topless bien sûr, et une ville sans foi ni loi où tous les excès sont permis, où tout le monde peut tuer n’importe qui aussi bien parmi les ordures que chez les innocents, et tous en prennent pour leur grade : la famille, les enfants, les SDF, les prostituées mineures, il ne manquerait plus que les handicapés pour que le tableau soit complet.
Bien entendu une telle liberté dans les actes de violence implique une absence totale de logique et de crédibilité, puisque tout peut arriver sans que personne ne vienne réprimander les malfaiteurs, n’importe qui pouvant décapiter quelqu’un ou enlever un enfant sans que personne ne réagisse. Et quand un clochard s’arme d’un fusil pour dégommer les criminels en tous genres, il ne gêne pas du tout, au contraire c’est tout naturellement qu’on l’acclame.
La trame n’est bien sûr pas tant développée, et si nous regardons la progression de l’histoire en dehors des scènes de glorification de la brutalité, elle se résume à un justicier arrivant dans une nouvelle ville et qui tue les petites frappes jusqu’à en arriver au grand méchant qu’il finit par abattre. Rien de plus classique, il y a toujours eu ça dans bien des genres différents, du western au vigilante movie. Il n’y a pas à se casser la tête non plus lorsqu'on veut se baigner dans une débauche de geysers de sang, et Jesse Eisener préfère évidemment se creuser la cervelle pour inventer de nouvelles façons de mettre en scène la mise à mort, comme avec cette pinata humaine que l'on frappe avec une batte incrustée de rasoirs, ou de nouvelles armes telles que ces géniaux harpons à pendaison.


Cependant, nous pouvons voir dans le choix de l’histoire trop simpliste un exemple de cette volonté de tout salir qui guide le film, y compris le schéma narratif basique et ses moments clés. Le monologue pseudo-attendrissant du Hobo est accompagné d’une musique romantique alors qu’il ne s’agit que de paroles d’un clochard assez timbré ; le projet de création d’une entreprise qui l’unit avec son amie autour d’un même avenir est clairement sot et minable ; la fausse remise en question du Hobo par « do you think you can solve all the problems in the world with a shotgun ? » ; et le discours de prise de conscience d’Abby qui parvient à toucher la foule en colère par sa comparaison entre la rue et le foyer est d’une stupidité bien pensée par le scénariste.
Les personnages principaux non plus ne correspondent pas à ce que l’on attendrait de héros classiques, en dehors même de leur statut de SDF et de prostituée. Ils sont plus proches du Toxic avenger que de John McClane, on oublie l’image du surhomme intouchable qui vainc tout le monde en s’en sortant avec quelques égratignures et une ou deux cicatrices tout au plus, les justiciers dans Hobo with a shotgun ne sont pas des idoles sacrées que l’on ne doit jamais abîmer, bien au contraire. Les protagonistes sont découpés, mutilés, marqués à vie, ils sacrifient leur corps pour une cause juste, et il arrive même de croire qu’ils devraient être morts, car le film ne fait aucun compromis, on y torture sévèrement et le son de viande tranchée décuplé participe à faire penser que le pire arrive aux pauvres bougres qui s’opposent au Mal.
Rutger Hauer, connue pour son rôle de Roy Batty dans Blade runner, a désormais un visage parcheminé parfait pour son rôle de rebut de la société abîmé par une vie de misère, mais par contre il est surprenant de le voir accepter un rôle pareil après avoir côtoyé de grands réalisateurs. C’est tout à son honneur d’accepter de tourner dans un délire pareil, d’accepter de jouer un Hobo qui doit se mettre à genou pour subir son sort, mais qui livre cependant des répliques percutantes à ses « shitlicker » d’ennemis, juste avant de les descendre pour « dormir dans leur carcasse ce soir ».
« A different kind of hero » clamait l’un des posters du premier Toxic avenger. C’est dans ce même état d’esprit que se place Hobo with a shotgun, avec l’idée d’un retour au concept d’anti-héros qui en prend plein la gueule et qui tire sa victoire de sa souffrance extrême.

 
C’est un film violent, fun, impitoyable, fou, inventif, et il est réjouissant de constater que de nos jours on puisse continuer à réaliser des oeuvres pareilles, surtout que celle-ci prend une certaine ampleur avec un budget conséquent dont on se rend compte avec la star en tête d’affiche et avec les lieux utilisés, car il est surprenant que l'équipe ait pu mobiliser des quartiers entiers pour les métamorphoser en gros dépotoirs où la vermine humaine grouille. Cependant, bien que Hobo with a shotgun se place dans la catégorie des films en marge ahurissants qui font abondamment couler l’hémoglobine, et alors même qu'il ne déçoit pas par rapport aux bandes-annonces survoltées, il aurait pu aller plus loin dans son trip, s'il faut le comparer à des long-métrages similaires. Espérons tout de même que Jason Eisener ou d'autres réalisateurs continuent sur la même voie à l'avenir.
 
Fausse bande-annonce :


Bande-annonce VO :


Un autre concours a été organisé avec la sortie de Hobo with a shotgun, les vidéos participantes sont visibles sur le site officiel :

dimanche 17 avril 2011

Scream 4


Fiche du film :
Réalisateur : Wes Craven
Scénariste : Kevin Williamson
Année : 2011
Genre : Horreur
Acteurs principaux : Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette
Résumé : Cela fait dix ans que Woodsboro est redevenue paisible, les survivants des massacres qui se déroulèrent en ce lieu ont pu reprendre une vie normale, et même Sidney a su se remettre de son passé difficile en écrivant un livre sur le sujet. C'est justement pour une séance de dédicace de son best-seller qu'elle revient dans sa ville natale ; malheureusement Ghostface fait son grand retour en même temps, menaçant encore une fois ceux qui ont échappé aux précédents porteurs du masque de fantôme.

Avis sur le film :
A l'orée des années 2000, la saga Scream se clôturait avec le troisième épisode, prévu pour être le dernier. Malgré cela et également des conditions de mise en boîte du film particulières, Kevin Williamson ayant été remplacé par un autre scénariste et Wes Craven étant revenu à la mise en scène uniquement parce que cela lui permettait de prendre les commandes sur une comédie romantique dont il voulait s'occuper, le réalisateur des trois autres films a accepté de revenir pour un épisode quatre si le script était aussi bon que celui du premier.
Ehren Kruger, qui avait écrit le le troisième film, revint lui aussi, mais finalement, officiellement du moins, en dépit d'une controverse concernant ses retouches sur le script, Kevin Williamson est le scénariste crédité.
Malgré une dégradation progressive de la saga depuis le premier opus, en prenant un recul de dix ans, Scream 4 allait-il pouvoir se renouveler ? Wes Craven est considéré comme un maître de l'horreur mais n'a pas été à l'origine que de bons films, si l'on s'en réfère à Swamp thing ou Freddy sort de la nuit, et la création la plus aboutie de Kevin Williamson reste son tout premier script ; les deux sont de retour, mais allaient-ils former un duo gagnant ?


Williamson affirme sa présence par une scène d'introduction qui, tel que c'est devenu la tradition dans la saga, doit être d'emblée un moment très fort. Une décennie s'est écoulée depuis le dernier film, et le scénariste en profite pour faire un bref bilan sur ce qu'il s'est passé entretemps, avec l'apparition du torture-porn surtout. Un pique est lancé aussi à la sortie de suites à répétition qui délaissent la qualité au profit de la quantité, par le biais d'une mise en abyme multiple ; seulement même si ce début est très drôle, Williamson cède là à la facilité alors qu'il livrait des échos au cinéma bien plus pensés au sein même des précédents épisodes.
La mode du gore extrême façon Hostel ou Saw, bien qu'il s'en moque, Scream 4 l'adopte, mais avec la volonté de placer les scènes crades entre des passages d'un vrai scénario. Il est quand même troublant de voir assez tôt un corps éventré, les tripes dehors, qui a recoloré toute une pièce. L'image en elle-même n'est pas dérangeante, mais c'est le fait de voir ça dans cette saga qui était loin d'effrayer ou de dégoûter jusque là, à part probablement les jeunes spectateurs les plus sensibles. C'était le propos sur le slasher qui était passionnant avant tout, et l'étalage d'hémoglobine dans cette suite laisse à craindre qu'un nouveau spectacle, celui qui veut écoeurer par ses images, ait pris la place de la réflexion sur le film d'horreur.


Randy est mort et certainement enterré, et cette fois il n'est pas question de le faire revenir par une autre VHS qu'il aurait enregistré au cas où il y aurait eu une troisième suite au massacre de Woodsboro, mais sa place est visiblement prise par deux nouveaux cinéphiles. Ce qui pourrait être une facilité scénaristique qui consisterait à créer des personnages dont on a besoin peut s'expliquer par l'idée du film de donner l'impression de voir un "remake" du premier. Ainsi nous retrouvons aussi quelques autres figures similaires, comme la policière maladroite et le petit ami menaçant que l'on soupçonne tous deux à cause de leur comportement suspect qui se manifeste à un moment ou un autre, bien qu'il serait trop facile que ce soit eux. Par contre, la venue de la cousine de Sidney, elle, paraît plus que les autres servir à remplir une fonction précise. Elle n'a jamais été évoquée, et elle apparaît car c'est pratique pour engager cette suite avec un nouveau membre de la famille Prescott à menacer. Cela rappelle d'une certaine façon la série des Halloween, qui faisait rescussiter des personnages quand ça arrangeait les scénaristes successifs, mais Scream 4 n'a pas de recul par rapport à ça pour que ce soit traité avec ironie.
Concernant les éternels survivants, les trois seuls à s'en être tiré finalement, Sidney est devenue connue, a sorti un livre, raison pour laquelle elle revient dans sa ville natale, ce qui relance les meurtres. A se demander comment elle fait pour ne pas devenir complètement folle, avec toutes ces fois où Ghostface l'a attaquée.
Dewey et Gale sont encore ensemble, et heureusement il n'y a plus de retour en arrière dans la relation comme dans Scream 3 où ils s'étaient perdus de vue.
L'attachement au trio persiste, bien qu'ils soient assez peu mis en avant dans ce quatrième opus.
Le scénario ne traite que brièvement du fait que chacun est plus âgé, et concernant Mr et Mrs Riley il y a un début d'histoire où quelqu'un essaye de s'immiscer dans le couple, mais qui est assez vite abandonné, les personnages secondaires étant assez peu développés aussi et, comme le fait remarquer une fille dans l'introduction, sont pour la plupart présents uniquement pour mourir.


Le problème du propos est assez vite dépassé, car contrairement au troisième film qui tentait de trouver des règles là où il n'y en avait pas, cette nouvelle suite assume le fait qu'il n'y a pas de règles. Scream 4 n'a pas de propos nouveau sur le slasher, et cela s'accepte au fil du film, lorsque nous voyons qu'aucun des cinéphiles ne sort de discours décrivant le cinéma d'épouvante tel qu'il est aujourd'hui.
Il faut accepter ce principe, et le film fait en sorte pour que ce soit le cas en nous amenant doucement à la conclusion que, effectivement, de nos jours il n'y a plus de grand mouvement qui régit le cinéma d'horreur.
La bande-annonce était mensongère, mais dans le cas présent c'est bien mieux ainsi. Contrairement à ce que l'on voulait nous faire croire et que nous pouvions craindre, le quatrième opus n'invente pas de sottises comme "les vierges peuvent mourir" ou "les meurtres doivent être filmés" afin de faire exister son script.
Les blondes à forte poitrine ne sont pas forcément stupides, n'importe qui peut mourir, Ghostface peut faire ce qu'il veut : il n'y a plus de règles prédéfinies et à partir de là tout peut arriver dans Scream 4.
Dénué de message ou de sous-texte, cet épisode joue avant tout la carte du fun. Les meurtres sont beaucoup plus nombreux, plus trashs, plus douloureux, et à la fois plus plaisants à voir. Il y a de très bonnes idées, bien surprenantes, que ce soit dans la façon de tuer ou dans la mise en scène qui amène doucement à l'assassinat.
Suite plus comique également, mais heureusement, encore une fois, pas de la façon dont le laissait penser cette bande-annonce fort heureusement trompeuse. Pas de "Allo, quel est ton film d'horreur favori ? - C'est pour toi." ou de "Les vierges peuvent mourir - Ca veut dire que j'ai moins de chances qu'elles ?". Ce n'est pas plus fin non plus dans la version finale de ce long-métrage, il y a des phrases drôles maladroitement placées dans un contexte dramatique, mais il y a de bonnes répliques, Gale entre autres étant - comme elle le dit - encore en forme, des gags visuels efficaces, et un humour qui s'allie facilement au sadisme de certaines des mises à mort.
Il faut croire aussi, par rapport à des passages dévoilés lors de la promotion, que plusieurs scènes ont été coupées ou modifiées (le plan où Gale parle justement de l'info sur le net, Gale qui dit au tueur de la frapper si il l'ose, le texte "What's your favorite scary movie ?" en lettres de sang), ce qui n'est pas plus mal car, tel que l'on peut imaginer leur place dans le film, le rythme est plus fluide, et quelques passages trop décalés par rapport au ton de l'ensemble ont certainement été retirés, notamment la réplique "Fingers crossed on some nudity for a change ?", qui aurait eu du mal à trouver sa place.


La webcam et la diffusion d'images en streaming remplacent la caméra cachée et le moniteur vidéo du premier film, les personnages peuvent regarder sur leur iphone ce qu'il se passe en direct, et le caractère portatif de l'objet permet de multiplier les passages angoissants où le tueur est vu par l'appareil avant d'être vu par la victime.
Ce qui est intrigant c'est que Williamson ne se soit pas tellement servi de la démocratisation contemporaine du téléphone portable qui aurait sans aucun doute pu avoir une place plus importante dans le scénario, alors qu'ici il sert principalement à faire se dérouler en extérieur des scènes qui, il y a quelques années, se seraient passé en intérieur.
Le scénariste est tout de même toujours aussi imaginatif, il prouve qu'il a encore des idées superbes qu'il veut partager avec le public, mais certains points clés de l'intrigue qui amènent à des scènes très plaisantes posent problème.
Comme souvent, après un spectacle réussi où le tueur est insaisissable et a tranché à tout-va, la révélation de son vrai visage est délicate, puisqu'on ne peut tellement concilier la logique des meurtres commis avec la crédibilité de l'identité. Le dévoilement dans Scream 4 est difficilement acceptable, de même pour le plan du tueur, qui est suivi d'une sorte de révision de la scène d'auto-mutilation dans Fight club trop grand-guignolesque. Certains ont ri dans la salle, même s'il est compliqué de déterminer si l'intention était d'en faire un passage comique, et si c'est le cas, c'était inapproprié.


On ne peut tellement en vouloir non plus à Scream 4 pour ses incohérences, grosses comme un camion mais présentes dans des scènes assez brèves pour ne pas déranger trop longtemps, puisqu'en contrepartie il procure un grand plaisir.
Il y a des affrontement violents et inattendus, une cruauté maline, des références amusantes à la culture cinématographique d'hier et les réalisateurs les plus décomplexés d'aujourd'hui, et beaucoup de bonnes idées malgré le fait qu'on en soit arrivé à l'épisode quatre.
De plus, Wes Craven, malgré ce que peut laisser penser l'affiche de La colline a des yeux dans le ciné-club du lycée, n'a pas de tant de prétention. En tout cas pas celle qui lui faisait dire, avec son scénariste, dans Scream 2, que les suites sont meilleures que l'original.
Ce quatrième fragment de la saga s'affiche plus ou moins comme un remake, mais si le personnage de Kirby perd à la question concernant les nouvelles versions battant l'original, c'est que le réalisateur et le scénariste ne cautionnent pas cette tendance, et sont conscients que leur Scream original était le meilleur.
"Don't fuck with the original", nous dit Sidney, ce qui a le mérite d'être clair.
Craven et Williamson savent définitivement maîtriser l'auto-dérision sans saboter leurs oeuvres non plus, celles-ci pouvant toujours être bonnes, même si cela ne veut pas dire être au même niveau d'habileté que Scream premier du nom.

Bande-annonce VOST :

mercredi 13 avril 2011

Scream 3


Fiche du film :
Réalisateur : Wes Craven
Scénariste : Ehren Kruger
Année : 2000
Genre : Horreur
Acteurs principaux : Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox
Résumé : "Stab 3" s'apprête à être réalisé, il s'agit de la nouvelle suite du film inspiré des meurtres de Woodsboro, mais le tournage est interrompu par de nouvelles manifestations d'un tueur en série. Non seulement il s'en prend aux survivants des massacres antérieurs, mais il s'attaque aussi aux acteurs de la version cinématographique.

Avis sur le film :
Scream 2 avait obtenu un plus gros budget que le 1, et avait rapporté un peu moins, mais le bénéfice était suffisamment gros pour qu'un épisode trois soit réalisé, déjà prévu alors même que Kevin Williamson écrivait le second film. Pour cette autre suite, il était aussi prévu pour l'écriture, mais fut remplacé par un autre.
De quoi placer le second retour de Ghostface sous de mauvaises auspices, puisque Wes Craven a failli ne pas être de la partie non plus, mais accepta de revenir au poste de réalisateur lorsque le studio Miramax accepta de lui laisser les commandes pour la comédie dramatique La musique de mon coeur, un de ses seuls films à ne pas être liés à l'épouvante.


Contraitrement aux slashers des 80's où les protagonistes changeaient sans cesse car leur durée de vie était très limitée, la trilogie Scream a ses figures récurrentes, et la plupart du temps ce sont les nouveaux venus qui meurent ; cela permet déjà d'intéresser rien qu'en montrant au public ce que sont devenus les héros. Avec ce troisième épisode, la saga étend son univers propre en même temps qu'elle y fait allusion, se basant sur ce qu'avaient bâti les précédents films, ce qui fonctionne comme des clins d'oeil aux spectateurs fidèles qui comprennent de suite les indices habilement placés dans le scénario concernant ce qui est arrivé à un protagoniste depuis la dernière fois. Cotton a réalisé son rêve de célébrité, Sidney est enfin traitée comme une personne traumatisée qui est sûrement dégoûtée du reste du monde et de l'idée d'avoir un petit-ami, bien qu'elle ait trouvé un moyen de ne pas totalement se couper du monde, et Dewey travaille sur le tournage de "Stab 3". Par contre, Gale n'a pas progressé mais régressé, la voilà aussi égoïste qu'avant, visiblement pour que le troisième film présente de nouveau une évolution positive en elle, sans quoi il y aurait eu un enjeu en moins. Globalement, les personnages principaux sont fidèles à ce qu'ils étaient , et ce n'est pas là que le changement de scénariste se remarque.
Ehren Kruger fait ce qu'il peut pour imiter Kevin Williamson, et reprend les caractéristiques que ce dernier avait attribué aux deux premiers films, comme le fait que l'introduction rentre directement dans le vif du sujet. Elle n'est pas aussi forte qu'auparavant, mais a le mérite de présenter un plan machiavélique du tueur, et de surprendre en assassinant d'emblée un personnage important, le retirant immédiatement de la liste des suspects dont il faisait partie depuis l'épisode 1.


Si Scream 3 s'appuye beaucoup sur ce qui avait été établi par ses deux prédécesseurs, il en subit aussi les choix scénaristiques qui rendent difficile la création d'une autre suite. Comme l'évoquent les acteurs de "Stab 3", la mort de l'un des personnages cruciaux dans "Stab 2", Randy, a mécontenté les fans, et en plus de cela il était celui amenant la plupart des réflexions pertinentes sur le cinéma d'épouvante, c'est à dire la base même de la saga. Le film trouve une autre solution pour nous plonger dans le même milieu : donner une place plus importante dans l'intrigue au tournage des "Stab", dont le premier épisode était déjà apparu dans Scream 2. Cette fois nous nous intéressons à la critique du cinéma d'horreur de série B, car c'est clairement dans cette catégorie que se place "Stab 3", depuis l'intérieur, avec le point de vue des cinéastes et des acteurs. Il y a des plaintes de leur part concernant la traditionnelle scène de douche injustifiée, concernant les personnages accessoires destinés à mourir, ou les trop nombreuses modifications du script ; mais aussi l'introduction dans l'intrigue des problèmes survenus durant les tournages de Scream 1 et 2, voire même du 3. Le réalisateur fictif se plaint d'avoir à faire de l'horreur avant de pouvoir s'occuper de sa comédie romantique, et les différentes versions du scénario de son slasher, écrites afin que, comme dans la réalité, la fin ne soit pas dévoilée sur le net, trouvent dans le récit une fonction servant au suspense.
Randy ressurgit néanmoins, le scénariste voulant sans aucun doute réparer l'erreur du second opus qui l'a mis dans l'impasse, mais le moyen de faire réapparaître cet ancien protagoniste est grotesque, invoquant le personnage de la soeur que l'on n'a jamais vu avant et qui vient apporter une cassette que son frère cinéphile a enregistrée avant sa mort, en prévision d'une troisième attaque de Ghostface. La scène échoue à être émotionnelle par le ridicule du dispositif pour faire revenir de l'au-delà un défunt, et ce dernier ne livre même pas de bonnes remarques sur les épisodes trois conclusifs, certaines des règles qu'il cite pouvant s'appliquer tout simplement à certaines sagas d'horreur entières telles que Vendredi 13 ou Les griffes de la nuit.


Scream 3 n'a plus tellement à dire sur le slasher, surtout que tout ce qui pouvait être évoqué se trouve dans l'original et sa suite, l'un et l'autre se complétant, et au delà d'un épisode deux il n'y a plus réellement de règles à dégager, quoiqu'en dise ce film de Wes Craven.
Le propos a toujours été l'essentiel dans cette saga, car du côté du traitement plus classique du film d'horreur, la série n'est pas connue pour ses frayeurs ou pour son gore, le sang ayant même diminué au fil des années. Ce nouvel épisode s'abaisse même à tenter d'effrayer par des procédés si faciles qu'ils en sont depuis longtemps devenus honteux : l'utilisation du cauchemar, et de personnages apparaissant sans prévenir à l'écran.
Pendant un moment, le film divertit par la confrontation des héros à leur doubles de cinéma, quelques décès cruellement inventifs, et des caméos, dont celui de Carrie Fisher et de Jay et Silent Bob, faisant suite au jeu de réponses entre Kevin Smith et Craven, l'un ayant placé Clerks dans Scream, l'autre ayant fait jouer son collègue dans une de ses réalisations se déroulant aussi, en partie, dans les studios de Miramax. Ces apparitions sont placées trop gratuitement, bien qu'elles fassent forcément plaisir à voir, mais pendant ce temps le scénario se dégrade au fur et à mesure que l'intrigue se développe pour dévoiler où on veut en venir.
Comme pour tout nouvel ajout non prévu, Scream 3 essaye désespérément de se lier à ses prédécesseurs, mais n'y parvient pas correctement. Ce qui était affirmé dans le premier épisode est remis en question, et des faits antérieurs sont inventés afin d'explorer ce qui jusque là n'était nullement porteur de mystère, et pas même évoqué ; en cela le film reprend un principe vu ailleurs, comme dans certaines suites d'Halloween, mais n'a pas assez de recul et prend au sérieux, et non plus avec ironie, cette histoire de passé trouble dissimulé dans la famille de Sidney.


Le besoin de trouver un tueur, quel que soit les moyens employés, se ressent encore plus dans ce Scream 3. Malgré des bonnes idées toujours présentes et des références toujours plaisantes au cinéma, cet épisode est celui de trop, n'ayant plus que peu à offrir par rapport au principe qui était la base de la saga, et le faisant tout de même, en dépit des incohérences qu'entraîne le scénario qui sert à disposer ces quelques trouvailles.

Bande-annonce VF :

dimanche 10 avril 2011

Scream 2


Fiche du film :
Réalisateur : Wes Craven
Scénariste : Kevin Williamson
Année : 1997
Genre : Horreur
Acteurs principaux : Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette
Résumé : Un an seulement après le massacre de Woodsboro par un tueur masqué surnommé "Ghostface", d'autres personnes se font assassiner au couteau par quelqu'un portant le même costume. Parmi les survivants du premier drame, Sidney s'inquiète, bien que certains de ses amis ne pensent pas qu'ils soient en danger.

Avis sur le film :
Grand succès qui rapporta plus de dix fois son budget, Scream relança le genre du slasher vers la fin des années 90 et début 2000, puisqu'il fut suivi par d'autres films réunissant un groupe de jeunes traqués par un tueur comme Souviens-toi l'été dernier ou Urban legend. Comme la plupart des slashers, ils donnèrent lieu à plusieurs suite, et l'oeuvre de Wes Craven qui les a lancés ne fit pas exception. Ce n'était pas prévu originellement, mais Kevin Williamson dut s'atteler à un second épisode, et le rattacher tant bien que mal au précédent film.


Scream 2 reprend les personnages principaux quelques années après qu'ils aient été laissés, et le scénariste trouve un moyen de réunir tout le monde ; le prétexte est clairement affiché, mais il est plaisant de constater ce que chacun est devenu. Il est étrange que Signey s'en soit remise au point qu'elle ne soit pas révoltée qu'on lui fasse un canular téléphonique en imitant la voix du tueur, mais pour Gale Weathers il est intéressant et ironique de la voir elle-même harcelée par des journalistes pour avoir été témoin des meurtres. Comme pour la plupart des protagonistes que l'on retrouve, elle a peu changé, et continue d'être caractérisée en adéquation avec le premier film. Bien qu'elle ait sauvé les autres, Gale reste une manipulatrice dont l'égoïsme, qui a persisté malgré ce qu'elle a vécu, fait voir différemment son acte de bravoure dans la fin du précédent opus. Quant à Randy, il suit tout naturellement des cours de cinéma. De façon commode pour le film, son professeur lance le sujet des meurtres avant que les élèves n'enchaînent sur les suites cinématographiques, certains jugeant qu'elles sont meilleures que l'original ; de quoi faire passer un message aux spectateurs de Scream 2 en les brusquant. La classe est agitée, les étudiants enchaînent de nombreux exemples en passant par du très connu avec Le parrain 2 à du plus obscur avec House II, et encore une fois Kevin Williamson détache ses dialogues du réalisme, ici celui d'un débat en classe trop recherché pour être vrai, mais de façon trop poussée pour ne pas déranger un minimum par le principe, avec ces phrases trop visiblement placées dans le seul but de défendre le film dans lesquelles elles se trouvent.


Cette suite a encore des sujets à évoquer concernant le cinéma d'horreur, et s'occupe de parler de ce qui avait été oublié dans le premier film, mais place cela dans le scénario avec une facilité quelques fois excessive. Les deux premières victimes sont un couple qui a lu des magazines de cinéma qui leur ont fait remarquer que la communauté noire est mal représentée dans les films d'épouvantes, et il se trouve qu'ils sont eux-même afro-américains, qu'ils vont voir au cinéma l'adaptation du livre sur les meurtres de Woodsboro, et qu'ils sont la cible du nouveau tueur car leurs noms sont liés à ceux des victimes du massacre qui a eu lieu un an plus tôt. Il est amusant de voir l'aspect raciste du slasher traité et détourné, mais en plus du manque de crédibilité dû au fait que tout s'agence selon ce qui arrange le plus le scénariste, Scream 2 verse rapidement dans la caricature avec ces gens de couleur à la diction atypique exagérée et qui ne peuvent se taire devant un film. Il est drôle également de voir l'épisode 1 reproduit sur l'écran de la salle de cinéma de la séquence d'introduction - volontairement moins bien réalisé et penchant plus vers des clichés du genre, comme la traditionnelle scène de douche - basé sur le livre de Gale Weathers, montrant que Williamson et Craven se sont créé un univers qui leur est propre et qui permet des mises en abymes ; mais là encore, ce début de film en fait trop. Les spectateurs sont déchaînés, il y a des Ghostface de partout car le costume du serial killer a été distribué à l'entrée ; cela sert à créer une ambiance oppressante mais le bon sens est abandonné, à voir tous ces spectateurs qui courent, ces bras levés, ces hurlements, ces jets de pop-corn, alors que ces gens sont venus voir un film.


Ironiquement, le passage du meurtre en ce lieu particulier illustre aussi parfaitement le propos servi plus tard concernant la réalité imitant la violence de la fiction, proposant dès lors une mise en abyme multiple doublée d'une anticipation de ce qu'il se passe plus tard dans le scénario, prouvant que l'écriture de Williamson est bien plus pensée qu'il n'y paraît.
La fin de l'introduction, par la grande presence de masques et par la mise en scène et musique théâtrales, évoque clairement une tragédie Grecque, mais le contexte rend la scène quelque peu ridicule.
L'idée revient plus explicitement plus tard, avec une volonté de rapprocher la survivante la plus importante qu'est Sidney de l'héroïne antique, ce qui peut se rapporter à toute femme issu d'un slasher et ayant eu à affronter un tueur plus d'une fois tandis que tous ses proches meurent, comme un fardeau du destin qu'elle doit porter. Cette scène-ci affirme l'idée et même en dehors de cela fonctionne mieux, jouant sur la confusion, la mise en abyme du spectacle, les éclairs, les masques, les apparences probablement trompeuses qui laissent le doute quant à ce qui a peut être été vu ou non.
Pourtant, dans Scream premier du nom, c'était le propos tenu sur le slasher qui l'emportait en intérêt sur les scènes de traque, faibles en suspense une fois le moment fort de l'introduction passé. Ce n'est plus tellement le cas dans cette suite, car bien que la peur ne soit toujours pas présente, il y a de l'inquiétude pour les personnages que nous avons suivi et vu changer. En effet, si Sidney reste qui elle est et confirme qu'elle est la femme forte en faisant toujours montre de la même assurance, Gale, qui se retrouve elle aussi en danger, suit un schéma évolutif pour devenir plus altruiste.
Le développement des personnages est en lien direct avec le nouveau tournant que doit prendre l'histoire : après le slasher classique au tueur inconnu, ce second épisode traite des répercussions de l'incident et le renouvellement des évènements, avec une liste de suspects créée à partir des survivants et des nouveaux venus. Le procédé d'écriture varie donc, mais Williamson se débrouille très bien pour placer des scènes amenant le doute sur certaines personnes sans pour autant délaisser la logique.


Ce qui cloche dans cette suite, comme pour l'original, c'est sa fin, dans laquelle on ressent en partie le besoin de trouver un tueur, qui que ce soit, même si son motif ne tient pas debout. La conclusion est pourtant sur certains points meilleure, car en détournant un élément de la fin de Scream qui lui-même se référait à un principe du slasher, elle pousse le regard critique plus loin, en ayant un recul qui s'associe à l'auto-dérision du reste du long-métrage. Il reste également des défauts concernant la représentation des caractères humains, avec les protagonistes qui se remettent bien vite de la mort de proches, peu avant que le long-métrage ne se clot sur quelques chansons enjouées.
Le film contient de nombreux rebondissements, un certain sens du suspense, des incohérences, mais avant tout de bonnes idées dans la lignée de ce qu'avait fait le premier opus.
Scream 2 n'est pas à Scream ce que Le parrain 2 est au Parrain, mais objectivement, à condition de délaisser la déception probable d'une première vision, notamment concernant la mort d'un personnage principal, il s'agit dans l'ensemble d'un bon film qui fait suite à un autre qui était excellent.

Bande-annonce VOST :

jeudi 7 avril 2011

Scream


Fiche du film :
Réalisateur : Wes Craven
Scénariste : Kevin Williamson
Année : 1996
Genre : Horreur
Acteurs principaux : Neve Campbel, Courteney Cox, David Arquette, Rose McGowan
Résumé : A Woodsboro, une lycéenne et son petit ami on été assassinés, près d'un an après une autre affaire de meurtre. Les élèves de la ville et le corps étudiant composent la liste des principaux suspects, mais personne n'est en sécurité. Cela n'empêche pas que certains des jeunes ne s'en inquiètent pas, et le tueur va profiter de leur insouciance pour faire de nouvelles victimes.
 
Avis sur le film :
Bien qu'il n'ait presque jamais quitté le fantastique au cours de sa carrière, avec son film précédent, Un vampire à Brooklyn, Wes Craven s'éloignait de l'horreur pour une oeuvre plus ouverte au grand public. Lui qui avait pourtant réalisé Les griffes de la nuit et Shocker, refusa tout d'abord de s'occuper de Scream, le jugeant trop violent, avant de se résigner à l'accepter pour satisfaire ses fans parmi lesquels La colline a des yeux est souvent considéré comme son meilleur film.
Malgré la présence d'un réalisateur reconnu aux commandes, le succès était inattendu, de plus que l'histoire est signée par Kevin Williamson, qui n'avait jusque là rien écrit pour le cinéma. Le film s'inscrit dans les années 90, l'âge d'or du slasher étant passée, mais justement l'inspiration du scénariste est venue au cours d'une discussion où il apprit de son interlocuteur que de nos jours le nom de Jason Voorhees était évocateur sans que le film d'où il est issu ait été vu, ou du moins connu correctement, puisque la vraie identité du tueur dans le premier épisode a été oubliée. Ce cas particulier est le signe d'un phénomène couvrant un plus grand nombre de personnes qui ont délaissé une part du passé cinématographique formant la culture populaire actuelle, un large public contemporain noyé par les suites et nourri au ouï-dire plutôt qu'à l'objet fondateur en lui-même.


Scream est comme une revanche des cinéphiles sur le reste du monde, et nous présente un tueur amateur de films d'épouvante qui règle son compte à la fille jouée par Drew Barrymore, fabuleuse dans la scène d'introduction, qui a certainement d'autres préoccupations que le cinéma et ne connaît pas assez bien ses classiques pour ne pas mourir, rapportant un film de Jason à la saga qui l'englobe ou plaçant toutes les suites de Les griffes de la nuit sous la même valeur. Par la même occasion, Williamson s'adresse à ceux dans la salle qui étaient dans l'erreur, signalant une faute que la plupart devaient ignorer, comme pour ces innombrables personnes à croire que Tim Burton est le réalisateur de L'étrange Noël de Mr Jack, en rétablissant la vérité concernant le premier Vendredi 13. En tant que fan d'horreur frustré par la méconnaissance d'autrui des oeuvres qu'il doit porter dans son coeur, se heurtant certainement à ceux qui pensent connaître toute une saga en ayant vu Freddy vs Jason, d'ailleurs représentés dans Scream par un personnage confondant Wes Craven et John Carpenter, le scénariste indique à un certain groupe auquel il appartient lui-même qu'il l'a compris.
Cependant il ne s'agit pas d'un film de fan borné qui ne reste que sur cette même idée de rendre justice avec un tas de références à un cinéma quelque peu négligé pour délaisser tout autre plaisir, car le scénariste montre aussi qu'il a compris le slasher et est capable d'en dégager des règles jamais enoncées comme telles mais justes, et parvient à s'en servir pour l'intrigue.


Kevin Williamson montre déjà une certaine connaissance de la télévision et du cinéma dont il a assimilé le fonctionnement, et qu'il replace sous forme d'allusions ou de métaphores comiques dans ses répliques. Les personnages ne sont pas naturels, à travers chacun d'eux se reconnaît le mordu d'audiovisuel qui voit le septième art partout, mais il est très drôle d'avoir ses comparaisons entre la vraie vie et la censure ou les genres de films au cours de dialogues entre un couple d'adolescents.
Seul le personnage de Randy, employé de vidéo-club, correspond tout à fait à cette image du monde donnée par Williamson, incarnant certainement son double fictif. Il est probablement le plus drôle et le plus attachant des protagonistes, et aussi celui qui permet le plus librement d'évoquer le cinéma sans détours. Si c'est l'occasion de faire quelques clins d'oeil à d'autres films cultes tel que Clerks, c'est évidemment l'horreur qui est mise en avant, Randy s'inspirant du contexte des meurtres dans sa ville de Woodsboro pour tracer des parallèles avec Le bal de l'horreur ou autres fictions qui lui donnent l'impression d'avoir appris à comprendre les tueurs mieux que la police.
En dehors du tueur, il a vu suffisamment de fois Halloween pour avoir remarqué des règles qui régissent le slasher et qu'il fait partager avec son public ; mais derrière lui le scénariste ne fait pas que les formuler, il s'en sert pour tourner en dérision le genre auquel il rend hommage, ou au contraire fait remarquer à ses personnages ce qu'il faut éviter dans ces films-ci pour ne pas se faire tuer alors même qu'ils tombent dans le panneau peu après, dans la panique, inconsciemment, ou simplement parce qu'ils n'y croient pas.
Ainsi sont repris des éléments vus si souvent qu'ils sont devenus des clichés, mais par le procédé prouvant qu'il est conscient des défauts du genre auquel il appartient, Scream évite le ridicule. Il joue sur ce principe constamment, les victimes potentielles comparent les faits avec ce qui arriverait dans un film, que ce soit pour l'identité du tueur, ses moments d'arrivée ou les gens qui vont mourir, et brouille les pistes en ne laissant pas savoir si l'intrigue va suivre un schéma classique de slasher ou s'en détacher.


Les morceaux de la bande-son sont très bien sélectionnés, évoquant selon les cas une jeune génération désinvolte ou l'angoisse ; Scream est une oeuvre à plusieurs facettes qui, peut être involontairement, peut plaîre à divers publics. Les fans d'horreur sont sans cesse visés, mais l'énorme succès du film peut s'expliquer par le fait qu'il est aussi accessible aux néophytes, pour qui des règles à leurs yeux nouvelles sont expliquées en détail, et qui peuvent comme tout le monde être pris par une maîtrise du suspense, même si celle-ci est à son sommet dans la scène d'introduction à la fois intrigante et malsaine par le sujet du jeu qui tourne mal.
Le principal défaut du film est sa fin, trop excessive, qui fait éclater le cabotinage de Matthew Lillard jusque là amusant. A part quelques incohérences, cette collaboration entre Craven et Williamson est extrêmement intelligente par rapport au sujet choisi, et pas dénuée de surprises non plus puisque l'intrigue n'en reste pas au recul pris par rapport au slasher mais a aussi sa part d'originalité qui maintient l'attention jusqu'au bout.

Bande-annonce VF :

mardi 5 avril 2011

La machine à démonter le temps


Fiche du film :
Réalisateur : Steve Pink
Scénaristes : Josh Heald, Sean Anders, John Morris
Année : 2010
Genre : Comédie / Fantastique
Acteurs principaux : John Cusack, Craig Robinson, Clark Duke, Rob Corddry
Résumé : Deux amis et le neveu de l'un d'eux veulent remonter le morale d'un quatrième compère qui a tenté de se suicider. Ils se rendent dans une station de ski qui ravive des souvenirs de leur jeunes années, mais le lieu n'est plus aussi charmant qu'il l'était. Tout s'arrange quand les quatre compagnons reviennent en 1986, grâce à un jacuzzi à remonter le temps.

Avis sur le film :
La machine à démonter le temps, passé totalement inaperçu lors de sa sortie en salles dans l'hexagone, sera renommé pour sa commercialisation en DVD "Very hot tub". Derrière ces titres extravagants s'éloignant de plus en plus de celui original pour se rapprocher d'une tromperie sur la marchandise qui exploitera la crédulité de clients libidineux se cache "Hot tub time machine", le dernier film de Steve Pink, réalisateur surtout connu pour son High fidelity. Il retrouve l'acteur John Cusack, accompagné de quelques figures comme Craig Robinson et Clark Duke appartenant à la bande de Judd Appatow, pour un film beaucoup plus excentrique que ce qu'il a fait jusque là, autour d'une histoire imaginée par Josh Heald dont c'est la première création.


La présentation de quelques vieux amis se fait un à un, chacun ayant une situation actuelle des plus déplorables. Les personnages disent eux-même bien rapidement dans le récit qu'ils ont connu des temps meilleurs, tandis qu'ils constatent la disparition de lieux de leur jeunesse ou la décrépitude d'un hôtel où ils ont passé des soirées mémorables. L'introduction à ces quatre amis ne durant qu'une dizaine de minutes, elle ne se fait pas avec finesse : des situations extrêmes rendent comptent de leur misère, seuls sont abordés leurs malheurs comme le divorce, l'envie de suicide et un travail montré sous son aspect le plus dégoûtant ; et de plus en si peu de temps ont déjà été placées deux blagues scatophiles.
Les protagonistes sont immatures, de grands enfants avant même d'avoir retrouvé une nouvelle jeunesse en revenant dans les 80's, et ils regrettent le passé maintenant que la vie les a délaissés sur le bord de la route. S'ils ont vieilli ils ne sont sûrement pas plus adultes qu'ils l'étaient autrefois, à en juger par leurs blagues qui restent au ras du sol, sûrement car la plupart visent sous la ceinture quand il n'est pas question de vulgarité gratuite. Les situtations autour d'eux et les autres personnages qu'ils croisent n'ont pas de quoi les assagir, pour preuve ce porteur handicappé loin d'être un modèle de politesse et qui, incarnant un gag médiocre rien que par le fait qu'il soit chargé de transporter des valises alors qu'il lui manque un bras, n'est guère plus drôle.


Une fois que le groupe a remonté le temps grâce au fameux jacuzzi, Hot tub time machine reprend les règles basiques du voyage temporel déjà posées dans d'autres fictions, sauf que les personnages âgés et leurs alter-egos jeunes occupent le même corps afin que des stars comme John Cusack ne soient pas totalement remplacées par d'autres comédiens moins expérimentés et surtout moins connus, aperçus uniquement lorsque les héros se regardent dans le miroir dans le passé. Situations cocasses venant de l'incompréhension des personnages et obligations afin d'éviter les effets papillons sont dès lors les éléments qui apportent le plus de gags, ou du moins les meilleurs, car persistent encore des sottises de bas-étage qui touchent le fond lorsque Chevy Chase pète, au milieu d'une discussion, sans raison.
Le scénario se montre plus inventif quant à l'exploitation des principes du retour vers le passé, avec des évènements qui n'arrivent pas comme ils auraient dû, ou d'autres prévus mais dont on ne connaît pas encore les conditions et que nous attendons de découvrir, comme l'identité du père de Jacob, ou la perte du bras de Phil qui semble être proche plusieurs fois pour narguer le spectateur et se fait attendre.


Finalement les quatre losers se fichent de toutes les contraintes fixées pour le respect du continuum espace-temps et font ce qu'ils veulent, pour finir sur une morale très classique sur la prise en main de son destin pour une vie meilleure, le futur n'étant pas écrit comme dirait Doc Brown. D'ailleurs, avec Crispin Glover à proximité et les termes employés fréquemment, Retour vers le futur n'est jamais loin, bien qu'aucune allusion directe n'y soit faite.
Il n'y a pas à douter que Hot tub time machine est un film bête et qui s'assume comme tel mais, contrairement à l'orange et bleu qui envahit l'image pour changer la couleur des vêtements et donner aux visages un air maladif, n'est pas totalement désagréable à condition de tolérer certaines aberrations.

Bande-annonce VO :

samedi 2 avril 2011

Sucker punch


Fiche du film :
Réalisateur : Zack Snyder
Scénaristes : Steve Shibuya et Zack Snyder
Année : 2011
Genres : Fantastique / Action
Actrices principales : Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone, Vanessa Hudgens, Jamie Chung
Résumé : Après la mort de sa mère, Babydoll est enfermée par son beau-père dans un asile psychiatrique où, d'ici cinq jours, elle se fera lobotomiser. Elle a donc peu de temps pour s'échapper, et commence dès son arrivée à établir un plan.

Avis sur le film :
Prévu depuis 2007 mais mis de côté en faveur de Watchmen, le projet Sucker punch est écrit pas Zack Snyder et Steve Shibuya. Ce dernier n'a travaillé que sur cinq films depuis 1988, mais doit sa présence sur ce blockbuster grâce à la bande-son originale qu'il a écrite et sur laquelle le scénario de cette nouvelle production de Warner Bros est basée.
Snyder déclara vouloir réaliser un film d'action dépourvu des contraintes de la réalité et qui aurait tout de même du sens, mais aussi qui puisse critiquer la tendance au sexisme dans la culture geek. Pourtant, bien qu'aucun slogan ou déclaration ne le dise clairement, il suffit de voir les affiches ou les bande-annonces pour comprendre quelle est l'intention profonde de Sucker punch : tout simplement réaliser un rêve d'hommes logiquement impossible qui consiste en l'association de belles filles à de la castagne surdimensionnée.


Evidemment toutes les interprètes ont été sélectionnées pour leur physique, et qui plus est de sorte à correspondre à peu près aux goûts de tous, plutôt que pour leur force physique car aucune ne serait vraiment capable de sauter, courir et frapper pareillement, ni tirer, couper et démonter au cours de virevoltes tant d'ennemis. Surtout qu'en plus de la tonne de maquillage en permanence appliqué sur leur visage, elles portent des talons hauts et des petites tenues qui, dès le premier décor enneigé, devraient normalement leur faire attraper un rhume.
Mais justement afin de se séparer des chaînes du concret et du plausible qui empêchaient un tel fantasme de se réaliser, Sucker punch nous emmène dans les rêves d'une jeune fille qui a besoin d'une échappatoire. Ou plutôt dans le rêve de tout homme hétérosexuel pour qui ces femmes magnifiques, affublées de noms comme "Baby doll" ou "Blondie" qui les transforment en poupées objets de désirs, allient beauté et caractère badass.
Il serait ridicule de voir dans ce film un manifeste féministe, au contraire les personnages se plient à une image voulue par les spectateurs mâles. Evidemment l'histoire dans laquelle elles agissent est dès lors des plus simples, voire même trop simpliste pour ne pas être absurde au vu, entres autres, de certains raccourcis scénaristiques.
Toutes les internées de l'hôpital psychiatrique sont superbes, et un père peut facilement y enfermer sa fille en payant un gardien pour qu'elle soit lobotomisée, le marché se faisant même en présence de la concernée.
Zack Snyder semble littéralement dans un tout autre monde, le manque de logique se retrouve aussi bien dans la part imaginée de son histoire que dans celle censée se passer dans la réalité. Les limites lors du passage de l'un à l'autre sont brouillées, comme lorsqu'un personnage finit dans le monde réel ce qu'elle avait dit dans le rêve, mais rien ne peut expliquer certaines des grosses failles du script.


L'histoire est tellement basique, il s'agit d'une évasion qui pourrait être racontée en moins d'une heure, qu'il y a besoin d'agrémenter le film de rêveries spectaculaires.
Cependant, le passage du réel à l'imaginé n'est même pas expliqué. Contrairement à ce que laissaient croire les bandes-annonces, la thérapie du docteur Vera Gorski, qui dit à ses patientes pour qu'elles parlent de leur trauma qu'elles peuvent reconstruire des évènements du passé et contrôler la part d'imagination qu'elles y introduisent, n'a en fait aucun rapport avec la plongée dans la fiction pure dans la tête de Babydoll. Sans que l'on sache pourquoi, à chaque fois qu'elle se met à danser, elle ferme les yeux et se voit dans un champ de bataille à affronter des troupes d'ennemis. Le combat qu'elle invente mentalement représente la victoire d'elles et ses amies sur les employées de l'asile mais la fiction n'a aucune influence sur la réalité, et si l'une d'elles arrive à dérober un objet aux gardiens de l'institution, ce n'est pas dû à la victoire qu'a pu monter Babydoll dans son esprit.
La danse, à en croire ce qu'en disent les personnages, est tellement sublime qu'elle détourne l'attention des hommes, ce qui permet aux autres filles de voler ce dont elles ont besoin. Malheureusement on ne verra jamais cette fameuse danse, et à la place, puisque les deux se correspondent, nous avons les batailles épiques qu'imagine l'héroïne.
Dans les songes éveillés de Babydoll, Snyder livre un imaginaire en pagaille, mélangeant tout et n'importe quoi tant que c'est cool. Des nazis zombies dans un monde post-apocalyptique dévasté et traversé de tranchées sous un ciel rempli de zeppelins, des créatures démoniaques géantes inspirées du folklore Japonais, des mythes médiévaux qui rencontrent des créatures façon Tolkien, et un monde futuriste avec des robots. Les filles les anéantissent tous par des tranchages et coups de feu qui se ressemblent mais qui paraissent se renouveler grâce à une débauche d'effets visuels insensés, une caméra qui peut accéder à tous les recoins du décor, des ralentis qui permettent aux actrices de prendre la pose, des accélérés qui ont de l'impact, une stylisation constante, et quelques variations sur un même thème selon l'usage de l'environnement.
Un des trucaces les plus impressionnants n'est pourtant pas dans un combat mais dans une scène sans action, dans la loge des artistes, quand la caméra passe littéralement de l'autre côté du miroir, comme l'héroïne la plus connue de Lewis Caroll, ce qui ironiquement peut renvoyer à un des premiers slogans du film qui était "Alice in wonderland, with machine guns".

 
S'appropriant aussi un monde de jeu vidéo au début carrément jouissif, comme si Babydoll réussissait un level dès le premier coup en évitant comme il le faut les tirs du méchant gigantesque bien qu'elle prenne quelques coups déments qui rappellent forcément l'exagération de Watchmen, Sucker punch bénéficie d'un univers qui pioche de toutes part ses influences et donc très vaste, mais qui s'épuise assez vite. Il n'y a pas à nier que c'est magnifique et que même les créatures purement fictives que sont les dragons sont eux aussi très réalistes, la façon de reproduire ces éléments aux origines très hétéroclites est remarquable, mais l'admiration passe assez vite et rien ne vient la relancer. Malgré les petits changements, chaque combat se ressemble plus ou moins, comme le dit l' "homme sage" dans les songes il suffit d'aller dans un lieu et de tuer tout ce qui bouge, mais ce qui est dommage c'est surtout qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu dramatique ou de sensation de danger : nous savons qu'elles vont gagner, et à chaque fois qu'un personnage est en difficulté il est évident qu'elle ne va pas mourir et que les autres vont surgir et tirer sur tous les ennemis. En effet, puisque nous nous trouvons dans l'esprit de l'héroïne, elle contrôle tout et ne peut se laisser mourir virtuellement. Les adversaires ne font que menacer sans oser tirer lorsqu'ils sont armés de pistolets, et même les coups les plus massifs que peut se prendre Babydoll ne lui font rien, elle se relève sans problèmes après s'être enfoncée dans le sol ou contre un pilier, et il lui suffit de quelques coups de sabre pour abattre un adversaire dix fois plus grand qu'elle.
Zack Snyder, pour une fois qu'il ne se charge pas d'une adaptation ou d'un remake, délaisse le scénario et mise tout sur les sensations qu'il peut transmettre au spectateur.
La séquence d'ouverture est une grande réussite, arrivant tout à la fois à éblouir par les images, imposer son rythme lent et pesant par des ralentis bien dosés, et transmettre une émotion au mieux grâce à une musique très bien dirigée en parfaite adéquation avec le montage, le tout très maîtrisé. Si Snyder n'arrive pas tant à s'exprimer par les répliques, il le fait merveilleusement bien avec les images, qui offrent comme une perception accrue de ce qu'il se passe, qu'il faille pour cela marteler la pellicule d'images de synthèses à foison et de tournoiements de caméra impossibles physiquement ou qu'il faille filmer des objets en gros plan pour les fétichiser et faire ressortir leur esthétisme à travers une contemplation de l'excès qui n'est pas sans rappeller des gros plans de Brian De Palma.

 
La fin présente cependant tout le film sous un angle nouveau, de façon complètement inattendue, car les révélations qui nous sont faites ouvrent à une profondeur du propos qui ne s'était pas fait remarquer jusque là. L'affiche Américaine disait bien "You will be unprepared" mais il n'y avait pas à prendre jusque là au sérieux ce qui semblait n'être qu'un divertissement décomplexé, or tout d'un coup Snyder dévoile que depuis le début il fallait ne pas prendre le récit à la légère, sans avoir prévenu qu'il fallait faire attention à autre chose que le grand spectacle. Seuls les spectateurs venus uniquement pour voir des sylphides démolir des monstres divers et gardant ça en tête jusqu'au bout peuvent ne pas être troublés, mais cela en ignorant seulement ce qui se cache vraiment dans Sucker punch. La part du public qui prend conscience de ce que Snyder a voulu faire de son film par contre atteignent un autre niveau de compréhension, mais qui embrouille rapidement. Le réalisateur a eu tort de se prendre pour Christopher Nolan car n'a pas réussi à donner à son film l'importance qu'il aurait pu avoir, le faisant passer pour un divertissement décérebré, ni même à faire coexister correctement la part de plaisir pur avec la part de scénario qu'il veut plus intelligent mais qui est finalement très illogique et cryptique concernant le passage d'un rêve à un autre ou à la réalité, et les liens entre eux.
"Rien ne sert d'avoir des images claires si les idées sont floues" disait Godard ; avec ses CGI présents jusqu'aux plans les plus simples qui prouvent que Zack Snyder préfère dans l'artificiel une beauté qu'il ne peut voir dans le naturel, Sucker punch a des images plus nettes que net qui font de l'émerveillement visuel sa plus grande qualité, mais le scénario et le fonctionnement de l'univers qui a été créé reste encore trop brouillon. Peut être faudra-t-il attendre le director's cut pour plus d'explications.
Cependant avec cette dernière réalisation, qui ne correspond plus à une oeuvre déjà existante à laquelle il ne fait qu'ajouter sa mise en scène qui en met plein la vue, Snyder fait preuve d'un esprit créatif qui, s'il continue sur cette voie en s'améliorant, pourrait faire de lui un artiste à part entière. Comme il l'avait déjà prouvé avec Watchmen et le confirme avec Sucker punch, il ne manque pas de talent pour quelques superbes idées de mise en scène, mais reste à voir l'évolution de son travail avec ses prochaines créations originales.
 
Bande-annonce VOST :