mercredi 21 décembre 2011

Tron


Fiche du film :
Réalisateur : Steven Lisberger
Scénaristes : Steven Lisberger et Bonnie MacBird
Année : 1982
Genre : Science-fiction / Action
Acteurs principaux : Jeff Bridges, Cindy Morgan, Bruce Boxleitner, David Warner
Résumé : Flynn, un programmeur de talent viré d'une entreprise, veut retourner dans les bureaux de celle-ci pour retrouver un fichier qui prouvera qu'il est bien le créateur d'une série de jeux-vidéos dont on lui a volé la paternité. Une fois sur place, l'ordinateur hyper-développé de la société piège Flynn en le transférant à l'intérieur de ses circuits. Le génie de l'informatique va devoir non seulement retrouver le fichier dont il a besoin, mais aussi se battre pour sa vie, contre des programmes qui veulent sa peau.

Avis sur le film :
A la sortie de la suite, Tron legacy, aux informations télévisées était montré ce à quoi ressemblait un ordinateur à l'époque, pour voir sur quoi ont été fait les effets spéciaux du premier film.
Rien qu'en voyant ceux sur quoi l'équipe de Tron a bossé pour une bonne partie du long-métrage, je dirais que ça mérite un respect éternel.
Tron est un film audacieux rien que pour le fait que ses FX soient réalisés sur ordinateur à une époque où le matériel était loin d'être aussi perfectionné et facile à utiliser qu'aujourd'hui, mais en plus de ça on nous plonge directement dans un univers vaste qui m'impressionne juste en pensant au temps que ça a dû prendre pour le composer, et ce dès le générique de début. C'est à dire qu'on pourrait penser que l'équipe en est restée au strict nécessaire pour s'épargner du boulot en plus, mais non, avant que le film en soit ait démarré, on a déjà la modélisation d'un décor de dingues. Et je pensais que les scènes dans l'ordinateur ne serait qu'une partie du film, mais non, elles composent la majorité de celui-ci.
Je suis impressionné par la création des décors, des costumes, des véhicules, ... mais ce qui m'a stupéfait, c'est qu'avec des images fabriquées de toutes pièces, lors de la compétition de "lightcycles", il y a un vrai sentiment de vitesse et un suspense qui se créent, alors même que tout ce qu'on voit est le défilement à toute allure d'un décor qui n'existe pas.

 
Je trouve que Tron est audacieux aussi, car en 1982, c'est un film qui considère l'informatique comme un sujet à partir duquel on peut faire un film grand public, en transformant l'intérieur de ces appareils en un monde, ses composants en bâtiments, et ses programmes en personnages. Des nerds ont dû fantasmer en s'imaginant l'intérieur d'un ordinateur doué de vie propre, et ils en ont fait un film, alors même qu'à l'époque les gens ne devaient pas du tout savoir de quoi ils parlent. Si de nos jours je comprends certains termes, une grande partie du jargon informatique reste inconnue pour moi, donc j'imagine qu'à l'époque c'était encore pire.
Mais les choses ne semblent pas compliquées longtemps, et tout est assez simplifié de façon à oublier ce que chaque terme signifie exactement, ce qui compte c'est ce qu'on voit une fois dans l'ordinateur, chaque élément électronique étant assimilé à quelque chose qui existe dans notre monde.
Evidemment, Tron ne serait pas impressionnant visuellement si à la base il n'avait pas son propre univers composé avec clarté. Même s'ils s'appuient sur ce qui existe déjà, les scénaristes ont assez d'imagination. Par exemple, quand un programme se fait frapper, sa souffrance est représentée par une pixellisation de son visage ; c'est amusant.
Dans une phrase qui serait du genre "il pense que...", un programme ne dit pas à un autre que l'ordinateur "pense", mais qu'il "calcule".

 
Au bout d'un moment, on en oublie l'informatique, ce qu'on voit forme son univers propre, qui ne correspond pas forcément à quelque chose de concret. Par exemple, les personnages trouvent de l'eau, et la désignent en fait comme une "pure source of power". Qu'est ce que c'est exactement ? Je ne sais pas, et finalement je m'en fiche, j'ai trouvé l'idée ainsi que sa concrétisation visuelle charmante.
De toute façon, s'il fallait chercher la logique, il faudrait arrêter de regarder Tron dès le départ. C'est une allégorie. Une allégorie de ce qui se passe dans un ordinateur, et qui prend ses propres libertés en fonction de l'imagination des scénaristes.
Les programmes sont représentés par des humains, et le Master Control Program, en gros le programme qui dirige l'ordinateur, est un tyran qui les commande. Les utilisateurs de l'ordinateur sont comme des dieux, qui ont le pouvoir de créer les programmes, les modifier, les utiliser, etc. Des programmes croient en ces dieux, et dans ce cas-là, le MCP les fait participer à des jeux jusqu'à la mort, à moins qu'ils se convertissent.
En somme, c'est l'ère des martyrs de la chrétienté dans un contexte de SF, à l'intérieur d'un ordinateur.
Les scénaristes ont doué les programmes d'émotions, il y en a un par exemple qui est content d'avoir travaillé pour une compagnie d'assurance. Au début il n'y a que des hommes, ce qui est normal car un programme n'est pas censé être sexué (c'est le cas s'il n'y a rien d'autre que des hommes), mais voilà qu'arrive une femme vers 1h de film. Je suppose que ça n'aurait pas plu à Disney si deux programmes asexués avaient une relation amoureuse, étant donné qu'ils devraient être joués par des personnes du même sexe. La majorité du public n'aurait pas compris qu'il n'y a pas principe d'hétéro ou d'homosexualité, ce sont des programmes après tout.
Il y a aussi une sorte d'animal de compagnie d'un programme, un "bit", un petit bidule qui se promène dans les airs en n'étant capable de donner qu'une réponse positive ou négative à une question. Excellent.


Bon, il y a quelques incohérences : pourquoi l'homme de la compagnie utilise dans son super-ordinateur des vaisseaux qui viennent d'un jeu vidéo ? Pourquoi est-ce que l'homme qui ne semble pas apprécier Flynn, mais va le voir en étant un peu forcé par sa copine, décide carrément de l'aider juste après que Flynn ait simplement raconté qu'il s'est fait voler ses programmes de jeu-vidéo ? Il n'est pas obligé de le croire.
Et lorsque l'ordinateur transfère Flynn, comment fait-il pour récupérer la partie de son dos caché par le dossier du siège ?
Pour une fois je m'en fiche un peu ; il est vrai que Tron brille plus par son univers visuel que pour son scénario qui en reste à des choses simples, mais ça n'est pas dérangeant, et en voyant le film je n'ai pas ressenti un quelconque manque du côté de l'histoire, peut-être car ça passe bien grâce au spectacle.
Je retiens tout de même comme bonne idée du côté de l'écriture cette réplique : "Programs will start to think and people will stop". Preuve qu'on y pensait déjà à l'époque. Cette critique n'est pas tellement exploitée par la suite, et ce n'est pas l'enjeu du film de toute façon, sans quoi il serait parti sur une autre voie bien plus pessimiste. Mais on peut tout de même remarquer qu'alors que l'ordinateur contrôlé par le MCP est censé être du côté de son utilisateur, lui-même opposé à Flynn, le MCP se retourne contre lui en le menaçant de divulguer les informations que Flynn recherche. Comme quoi l'ordinateur en vient à manigancer contre les hommes, et à se retrouver au-dessus des deux partis qui s'opposent.
Les scénaristes ont donc quand même pensé à certaines choses qui font passer Tron au niveau supérieur. A remarquer par exemple : dans la scène de fin, les lignes formées par les rambardes, et les cercles concentriques de la piste d'atterrissage de l'hélicoptère, qui font forcément penser à ces mêmes formes dans l'intérieur de l'ordinateur, surtout qu'on y a passé plus d'une heure.

Bande-annonce VO :

jeudi 15 décembre 2011

Bad biology


Fiche du film :
Réalisateur : Frank Henenlotter
Scénaristes : Frank Henenlotter et R.A. Thorburn
Année : 2008
Genre : Horreur / Drame / Comédie
Acteurs principaux : Charlee Danielson, Anthony Sneed
Résumé : Jennifer est une femme à 7 clitoris qui consomme les hommes comme certains consomment du fast food. Mais si elle est nymphomane, c'est par un besoin physique imposé par son vagin mutant. Elle finit souvent par tuer ses partenaires, plus ou moins accidentellement, mais il se peut qu'elle ait trouvé l'âme soeur en la personne de Batz, un homme au sexe démesuré qui a sa propre conscience.

Avis sur le film :
C'est après avoir vu Frankenhooker il y a un ou deux ans que je me suis un peu plus penché sur la carrière de ce dément qu'est Frank Henenlotter, un réalisateur peu productif mais assez culte, à qui on doit Frères de sang (Basket case) et Elmer le remue-méninges (Brain damage). Je ne sais plus si j'avais déjà vu Basket case avant ou non, mais je crois bien que c'est après celui-là ou Frankenhooker que je me suis intéressé davantage à la carrière de ce monsieur. J'ai regretté que son dernier film en date, Bad biology, réalisé 14 ans depuis son dernier (Basket case 3) ne soit pas disponible en France.
Enfin, c'était avant de découvrir qu'en fait, dans l'hexagone, on le connaît sous le titre vraiment déplacé de "Sex addict", dont j'avais vu la pub pour le DVD sur le site Ohmygore. Bon, c'est quand même moins cool d'acheter un film nommé ainsi plutôt que "Bad biology".
Malgré les avis assez négatifs que j'avais lu, dont un sur IMDB qui disait qu'il y avait tous les ingrédients d'un Henenlotter d'antan sans que ce soit aussi bien, j'avais bien envie de voir ce film, toujours marqué par le réjouissant délire qu'avait été Frankenhooker. D'ailleurs ça doit être le seul qui m'ait plu bien comme il faut, car je n'avais pas trop aimé Basket case, et été assez déçu par Brain damage.

 
Si visuellement, avec les avancées technologiques concernant la vidéo, ce Henenlotter du nouveau millénaire s'écarte de ses prédécesseurs, c'est vrai qu'on retrouve pas mal de thèmes du réalisateur, aussi courte qu'ait été jusque là sa carrière. Il y a une ambiance un peu similaire, mais aussi des ressemblances de par les scènes de sexe bizarres et le garçon qui est soumis à une partie de son corps qui est "autre", comme dans Brain damage, et le fait que pendant que le personnage rêve, une part de lui s'échappe pour forniquer, comme dans Basket case. Et comme dans ce dernier film, on retrouve aussi un passage en stop-motion, qui laisserait presque à penser qu'on n'a pas trop avancé dans ce domaine depuis 26 ans.
De par les thèmes qui traitent du corps, de ses malformations ou déformations, et le mélange entre le sexe et la mort, je rapprocherais un peu Henenlotter de Cronenberg, même s'ils ne sont pas du même niveau.
Pour les deux personnages principaux, chaque copulation a des conséquences assez néfastes, et en dehors de ça, il y a l'héroïne qui est une photographe s'intéressant à capturer du sexe bizarroïde sur sa pellicule. Elle mitraille ses amants de son appareil photo, ce qui rend des images déformées de leur visage, et comme on le lui fait remarquer, et que j'ai trouvé intéressant : on ne saurait dire s'ils sont en train de se faire tuer au moment de la prise de vue, ou s'ils ont l'orgasme de leur vie. C'est bien là un truc qui aurait intéressé Cronenberg, je pense, et ça aurait probablement donné un film qui m'aurait ennuyé du genre de Crash.

 
Jennifer est une nympho parce qu'elle a 7 clitos et doit satisfaire un désir plus grand que les femmes normales. Au début, elle parle longuement de ce sujet, y revient plusieurs fois, comme si c'était une part réelle de sa vie, à laquelle elle a pensé maintes fois, et que pour le spectateur elle déversait enfin tout ce qu'elle avait sur le cœur jusque là à ce propos. Jennifer a une véritable histoire concernant son vagin, elle évoque les évolutions au fur et à mesure de sa croissance, a ses réflexions là-dessus, et ce qui paraît ajouter un peu de vécu à ce qu'elle raconte, c'est qu'elle puisse dire par exemple que l'accouchement (2h après fornication) est presque plus agréable que la relation sexuelle.
A un moment, elle en vient à décrire cette douleur, comme "une flamme liquide", qui lui parcourt tout le corps et lui donne envie d'une bite comme un camé a besoin de sa dose, et c'est fait avec précision et des termes assez recherchés pour qu'on y croie un peu.
Plus tard dans le film arrive le second protagoniste, celui qui a un pénis intelligent et qui redéfinit lui aussi (comme pour Marquis, par exemple) l'expression "penser avec sa bite".
Pour se masturber, il doit utiliser une machine, et il y a une idée pas mal dans la scène où il s'en sert, la fumée qui se dégage après que l'appareil ait été poussé au maximum, et son arrêt progressif et lent après qu'il ait été mis en déroute, créant une amusante métaphore de la phase post-éjaculation.
Tout n'est que figuré au début. Un peu comme une sorte d'Elephant-man (got it ?) phallique, le monstre dans Bad biology n'est pas montré avant une certaine avancée dans le film, et une fois le moment venu, alors que c'est censé être un passage important dont Henenlotter a ménagé l'attente, on découvre un FX bien ridicule.


Contrairement à ce que je craignais quand j'ai démarré le film, celui-ci ne fait pas si amateur que ça, malgré quelques défauts dans le jeu des acteurs par exemple. Les signes d'amateurisme ne pointent leur nez que plus tard, comme avec cet écran bien fake de caméra SD que l'on voit l'héroïne utiliser, ou ce pénis qui, à chaque apparition, qu'il soit représenté par un objet en dur ou une marionnette molle qu'on peut actionner, est vraiment mal foutu. Et le fait que ce soit un sexe mutant n'excuse pas tout.
Comme quoi l'aspect "film d'exploitation cheap" n'a pas totalement disparu de la carrière d'Henenlotter, il revient même en force vers la fin de ce film-ci.
Le pénis s'échappe, et sa ballade est vraiment trop longue, il aurait fallu couper beaucoup plus, parce que là, ainsi que dans toute la dernière partie de Bad biology, ça manque terriblement de rythme. Ca fait même film porno amateur, tant on répète les situations où des femmes nues tentent mollement de s'échapper (il y en a une qui se retrouve par terre on ne sait trop comment, censée avoir l'air tétanisée j'imagine, mais on dirait plutôt qu'elle attend l'arrivée du pénis à elle), et tant on s'attarde sur ces corps, la caméra étant toute proche d'eux tandis qu'un faux pénis difforme est agité par un assistant juste à côté, hors-champ. Oui, et évidemment, à chaque demeure où le pénis de Batz se rend, il trouve une belle jeune femme, seule, et en petite tenue si ce n'est complètement nue.


Ca meuble énormément tout d'un coup, surtout qu'une fois que la présentation individuelle des deux personnages principaux a été faite, on sait que l'unique but n'est plus que leur rencontre, car on nous fait bien comprendre que leurs corps sont fait l'un pour l'autre. Jennifer était excitée à fond rien qu'en voyant le corps de la prostituée, animé par les orgasmes persistants après le rapport sexuel avec Batz.
La scène de la voisine qui se plaint, celle chez l'éditeur, ... même si c'est plutôt marrant, ça n'apporte rien de nouveau, ça ne fait que répéter ce qu'on sait déjà, et surtout ça retarde le moment crucial.
C'est dans ce passage de vide à remplir que le ridicule éclate vraiment, avec la trop longue séquence que j'ai mentionnée du pénis qui s'en va, mais aussi une scène où l'on fait du massage cardiaque à une bite, et une autre qui mêle dieu dans tout ça, sorte de point d'orgue du film qui assume, là du coup, plutôt bien son aspect grotesque.
Il y a quand même une irrégularité dans le ton du film, qui n'était pas aussi ridicule que ça jusque là, mais plutôt sérieux voire appliqué malgré son sujet, et c'est dommage.

 
Au moins, Henenlotter ne se contente pas de faire ce qui est attendu même pour la fin, il conclut autrement que ce qui était prévu.
Je ne savais pas encore que penser du film, alors qu'il m'avait bien diverti jusque là, la dernière partie se montrait particulièrement faible, mais rien que pour la toute fin mal foutue mais assez tarée pour moi, je mettrais un 6 au lieu de 5/10.
Henenlotter a quand même de bonnes idées ; j'ai apprécié l'ambiance créée chez le dealer de façon un peu originale, de par cette dispute entre deux camés, dont une femme qui gueule en réclamant son "jiggyjig" face à un toxico qui essaye de lui faire entrer dans le crâne qu'il ne comprend pas ce qu'elle veut dire. Ils s'insultent, se renvoient pleins de vannes, sans pour autant s'attaquer physiquement, juste s'entrechoquer car trop défoncés, et on y croit plutôt bien.
J'ai aussi particulièrement apprécié cette idée digne d' "Elvifrance" (et plus précisément, Gozzo, pour les connaisseurs), avec ces "vagina-faces". Ce qui est génial, c'est qu'à cette idée de malade, Henenlotter trouve une signification valable : ça représente le fait que les femmes ne sont vues de nos jours que comme des êtres sexués.
Malgré les défauts de Bad biology, je trouve qu'Henenlotter a plutôt bien réussi son passage au 21ème siècle, et ça ne me dérangerait pas de voir plus de productions de ce genre.
Je ne pense pas revoir le film, mais j'ai bien envie de me procurer le DVD rien que pour voir le making-of, ça doit être intéressant, déjà que je sais que le tournage s'est fait en 21 jours et que la maquilleuse a dû, à la dernière minute, remplacer une des femmes topless à tête de vagin...

Bande-annonce VO :