vendredi 29 juillet 2011
Ogroff (Mad mutilator)
Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Norbert Moutier
Année : 1982
Genres : Horreur / Fantastique
Acteurs principaux : Norbert Moutier, Françoise Deniel
Résumé : En plein dans la forêt d'Orléans, dans un vieux cabanon, vit Ogroff, ancien militaire devenu fou et qui protège désormais son territoire des intrus en les décimant à coups de haches. Les autorités sont impuissantes face à lui, incapables même de le trouver ; cependant une femme parvient à trouver sa trace, et rentre dans la gueule du loup.
Avis sur le film :
En 1978 sort Halloween. En 1980, pour surfer sur la même vague que le film de John Carpenter, sort Vendredi 13. Deux films qui ont eu un succès monstre, et qui ont participé à lancer la mode des slashers, qui pullulèrent sur les écrans dans les années 80.
Ce que la plupart des gens ignorent, c'est le titre du premier slasher français : Ogroff.
C'est en 1982 que Norbert Moutier se lance dans le tournage de ce long-métrage, sûrement encouragé par les aventures de Jason Voorhees mais aussi le choc Massacre à la tronçonneuse, qu'il a vu la même année une fois sorti au cinéma après presque une décennie d'interdiction.
L'idée de Norbert Moutier, c'est qu'il ne faut pas rester un cinéphile passif, mais être actif. C'est ainsi que le monsieur, au lieu de demeurer devant un écran 4/3 à regarder des VHS, a enchaîné diverses activités pour apporter sa participation au monde du cinéma, et plus largement de l'horreur et du fantastique : articles dans L'écran fantastique et Impact, romans dans la collection "Gore", création du fanzine "Monsters bis", président de ciné-club, ...
En 1983 il décide de passer au niveau supérieur, en réalisant son premier film. Avec un budget dérisoire, une caméra super-8, et un groupe d'amis et de proches.
Le problème c'est que ce réalisateur en herbe n'a jamais pu avoir de formation, obligé lorsqu'il était jeune de se tourner vers un métier "sérieux" alors qu'il aurait souhaité faire une école de cinéma.
A l'époque d'Ogroff, il n'avait pas encore sa boutique "Ciné-BD" où aujourd'hui la plupart des clients viennent lui demander s'il a encore des cassettes de ses films, mais il était comptable d'entreprise.
Norbert Moutier a une connaissance encyclopédique du cinéma d'horreur, il est en mesure de vous informer sur les différentes éditions existantes de Buveurs de sang, mais malheureusement il semblerait qu'il n'ait pas été capable de tirer de tous les films qu'il a vu la connaissance nécessaire à l'élaboration de l'un d'eux. On pourrait croire qu'à force d'ingurgiter des films il a compris leur fonctionnement et ce qui fait que les fans comme lui aiment ce qu'ils voient, mais ce n'est pas le cas, et il a beau dire avoir pensé au montage et à la construction d'un plan depuis le jour où il a vu Touch of evil, cela ne se retrouve pas dans ce qu'il fait, ce qui est vraiment dommage.
Le faible budget n'excuse pas tout, et Ogroff est loin d'être une œuvre à la Sam Raimi capable de surpasser ses faibles moyens.
La pensée du montage est clairement celle d'un débutant qui est encore loin de maîtriser la technique : la musique diminue soudainement quand quelqu'un parle, et le manque de coupe fait traîner en longueur inutilement. On peut s'imaginer que lors des poursuites, le réalisateur a voulu faire durer le suspense, seulement il n'arrive pas à le mettre en scène, et à la place nous ne trouvons que l'ennui. Comme Michael Myers ou Jason, Ogroff marche tandis que sa victime court, ou elle essaye plutôt, seulement Norbert Moutier se contente de reproduire en surface sans comprendre ce qui crée l'anxiété du spectateur, totalement absente de ces trop longues courses tout le temps filmées en plan large qui rendent bien compte que ni le poursuivi ni le poursuivant ne se presse vraiment, ce qui ne peut pas même être excusé par les pauses de l'actrice qui joue très mal l'essoufflement. Même l'ajout d'une musique d'ambiance angoissante n'aurait probablement pas pu sauver quoi que ce soit. Le film a pourtant sa propre bande-son, assez sommaire, parfois quelques notes aiguës mêlées à un fond sonore faisant penser à une machine à laver en pleine action et entendue de loin. Les meilleurs morceaux de la BO, les plus hypnotiques, se trouvent plus tard, réservées pour des scènes plus étranges comme la charge d'Ogroff à moto.
Il est bizarre que Norbert Moutier, alors qu'il devrait avoir une connaissance plus pointue du cinéma, fasse des erreurs monumentales qui ne passeraient aux yeux d'aucun spectateur, lui inclus, s'il n'était pas aveuglé par le fait qu'il s'agisse de sa propre œuvre. Ainsi sont utilisés des stock-shots sonores tels que je n'en ai pas encore entendus même dans le cinéma Turc. Certainement à défaut d'avoir pu faire crier son actrice de façon crédible, un bruitage de hurlement a été récupéré ailleurs, peut-être enregistré à même la TV, mais auquel s'ajoutent des piaillements d'oiseaux du film d'origine et qui n'ont rien à faire là.
Rien ne vient sauver le manque de budget du film qui, au lieu d'être dissimulé, est accentué par ce genre d'astuces trouvées par le réalisateur. Sûrement dans l'incapacité d'obtenir une autorisation pour tourner dans un poste de police, celui-ci n'est filmé que de l'extérieur, avec une voix-off que l'on devine être celle d'un membre des forces de l'ordre qui, à en juger par son ton morne, s'est levé du mauvais pied ce matin-là. On devine aisément que Norbert Moutier n'a pas réussi à trouver de nombreux collaborateurs, et encore moins des personnes aussi motivées que lui. C'est sûrement ce qui l'a obligé à jouer Ogroff lui-même, et à traîner sa femme dans la même galère en la faisant cavaler pour finir avec de la gouache rouge sur la main et attachée à un bûcher.
On fait avec ce qu'on a, et il en est de même pour les accessoires : la voiture démolie par le tueur appartenait à Norbert lui-même.
Vu la difficulté certaine pour trouver des participants aussi bien derrière que devant la caméra, il est inutile de dire que les acteurs ne sont pas des pros. En dehors de Mr et Mme Moutier, il y a Françoise Deniel dans le rôle de l'héroïne (on ne connaît pas son nom d'ailleurs, il n'y a personne pour le prononcer, c'est un peu comme dans le Rebecca d'Hitchcock), qui était la copine d'un ami du réalisateur, et qui a été choisie car elle correspondait à la fille type "Vendredi 13" recherchée.
Restons-en là plutôt que de parler du reste du casting, pratiquement muet. Si aucun des personnages ne parle, ou alors de façon complètement inaudible, Ogroff, lui, grogne, ce qui n'aide pas davantage à comprendre l'histoire déjà bien chaotique.
Il n'y a que quelques pistes floues pour que l'on devine une histoire, mais aucune confirmation ne nous est vraiment apportée en l'absence de dialogues, Norbert Moutier n'arrivant pas à conférer à ses images seules le pouvoir narratif d'un film muet classique.
On peut au moins comprendre qu'Ogroff est un ancien soldat, c'est ce qu'indiquent des articles de journaux que trouve l'héroïne, bricolés avec du papier et des ciseaux et sur lesquels on se permet des titres incomplets comme « quatre jeune gens… » ; de plus il y a dans la version longue du film une scène d'introduction où l'on voit Ogroff perdre son oeil dans une opération qui donne peut-être suite à la guerre à laquelle il a participé.
On ressent une envie de faire comme ses modèles du cinéma Américain, ça se voit dans ce qu'on peut percevoir du scénario, sorte de grand fouillis d'histoires-type que l'on a déjà vu ailleurs.
Le traumatisme de la guerre qui rend fou déjà, c'est un sujet de film typiquement post-Vietnam, avec Taxi driver en tête. Pour le serial killer en forêt, inutile de préciser d'où ça vient, sauf que Norbert Moutier rajoute quelque chose qui n'a jamais été expliqué pour Jason Voorhees : pourquoi les autorités ne se sont pas encore intéressées à son cas ? Pour Ogroff, le réalisateur a pensé à tout : la police est incapable de le trouver, il connaît trop bien la forêt, alors bon, tant pis hein...
Les distributeurs de la VHS en ont bien profité en américanisant les noms sur la jaquette : France Deniel, Alan Petit, Peter Pattin, John P. Putters, oh yeah.
Enfin il y a l'histoire bien classique du personnage à part qui trouve quelqu'un ressemblant à un être qui lui a été cher. On ne sait pas si, comme Jason, l'héroïne sans nom rappelle à Ogroff sa mère, ou si, comme Dracula, c'est sa bien-aimée défunte, puisque le tueur ne fait que grogner comme à son habitude tout en comparant un portrait d'une femme à sa prisonnière. Je ne pencherais pas trop pour la mère, quoique ça ajouterait une sorte d'inceste au film, ce qui serait amusant, car en effet la fille couche avec Ogroff, et elle emménage dans sa cabane dont le décorateur a sûrement été Leatherface, et elle étend son linge... Apparemment on peut être un tueur fou borgne avec un masque sur la tête en permanence et se trouver une copine. Je pense que même si le film avait été doté de dialogues, aucun d'entre eux n'aurait pu faire passer ce retournement de situation. Précisons aussi, car le film ne nous l'indique pas mais le résumé de la jaquette si, qu'Ogroff est trépané, en plus de ça.
Ce qui est plus intéressant par contre, c'est la reprise du thème de la frustration sexuelle, présente chez tous les tueurs en séries que j'ai en tête, mais trop peu représentée au cinéma. Le meilleur exemple dans un film qui a osé aborder cette question-là, c'est Massacre à la tronçonneuse 2, avec cette scène à la fois angoissante et excitante où les jambes de Caroline Williams sont bien mises en avant.
Norbert Moutier à l'époque ne pouvait avoir vu cette scène, mais il représente tout de même la sexualité d'Ogroff, de façon pour le moins étrange, puisque ce barbare place sa hache entre ses jambes et la maintient vigoureusement tout en se tortillant. On peut tout de même accorder à Norbert Moutier le mérite d'avoir en quelque sorte présagé des années avant l'analogie que ferait Tobe Hooper lui aussi entre l'arme du tueur dégénéré et son sexe.
Le scénario a beau être faible, le réalisateur/scénariste/acteur a tout de même tenté d'y implanter un message critique, comme dans la plupart des bons films fantastiques des 80's tels ceux de John Carpenter. Sans que l'on puisse vraiment y attribuer une raison, Ogroff semble sacrément remonté contre les figures de Disney, puisqu'il écrase un Journal de Mickey avant de tuer un bambin, et plus tard il laisse du sang couler sur un sticker Donald. Je ne saurais expliquer cette attaque directe au géant du divertissement pour enfants, à moins que Norbert Moutier veuille juste se venger de la société qui a produit le premier film qui l'ait marqué de façon déplaisante, à savoir Les trois caballeros ? La figure du canard de dessin animé souillé par l'hémoglobine, serait-ce une façon de couvrir une vision trop colorée de la vie contre une autre qui montrerait de façon plus crue la réalité des choses dans notre monde de violence, histoire de vouloir retirer le tissu de mensonges dont on couvre la face de nos enfants dès leur plus jeune âge ? Possible.
Une grande inspiration du film est Massacre à la tronçonneuse, qui couvrait les écrans de cinéma de crasse après des années de films d'épouvantes trop clean. Norbert Moutier n'arrive pas à recréer le dégoût procuré par le film de Tobe Hooper, mais du personnage de Leatherface il reprend des caractéristiques pour son propre tueur, en faisant de lui davantage un défenseur de la nature et des traditions, comme s'il était un dérivé du redneck US. Ainsi Ogroff ne livre pas seulement bataille contre les innocents qui osent entrer dans sa forêt et que les crânes en plastique éparpillés autour de chez lui n'ont pas dissuadé de venir, mais aussi contre les nouvelles technologies. La voiture finit démolie par exemple, et on assiste à un vrai combat entre deux valeurs à un moment, avec Ogroff armé de sa bonne vieille hache, alors que son adversaire, un pauvre bûcheron qui n'a rien demandé à personne, est armé d'une tronçonneuse ; ce qui est assez ironique quand on connaît les origines du personnage de Moutier. Le bûcheron semble, de plus, reproduire les mouvements de Leatherface à la fin de Massacre à la tronçonneuse qui, lui, sciait effectivement dans le vide. Veut-on nous dire qu’Ogroff vainc son prédécesseur, le surpasse ?
Naturellement, c'est l'objet d'antan qui gagne contre l'horreur mécanique, après une lutte sans merci à base de champ/contre-champs infernaux et de coups dans le vide impitoyables. Ogroff en voulait à l'avancée technique qui aurait risqué de le détrôner, et non à l'homme lui-même, comme le prouve la destruction de la tronçonneuse plutôt que son appropriation.
Le curieux mélange qu'est Ogroff devient encore plus bizarre par la suite, comme si un savant fou rajoutait un peu de ci et de ça dans une éprouvette d'où déborde déjà un produit dangereux en pleine effervescence.
La genèse de ce long-métrage comprend aussi l'envie de Norbert Moutier de transposer son fanzine en film, ce qui n'est pas sans rappeler le projet de "Métal hurlant", devenu un film à sketchs. Sauf que pour le contenu de "Monster bis", tout finit dans une même histoire, à laquelle au tueur en série finissent par s'ajouter des zombies, qui sortent inexplicablement de la cave d'Ogroff, et un prêtre vampire, qui passait par là en voiture.
C'est pour ces rôles là que Norbert Moutier a fait appel à ses camarades : Alain Petit auteur de fanzine, Benoît Lestang qui débutait sa carrière de maquilleur (RIP), notamment sur les courts-métrages de Pierre Pattin (RIP) lui aussi acteur ici-même, le journaliste Christophe Lemaire, ...
Howard Vernon, que Moutier avait interviewé auparavant, était passé, et a fait une apparition amicale dans le rôle du vampire. Etant le plus connu du casting, son nom figure en haut de la jaquette American video, alors même que le réalisateur avait demandé à ce qu'il n'y figure pas, pour ne pas fâcher l'acteur en question, ce qui arriva finalement.
Jean-Pierre Putters, célèbre créateur de Mad movies, que Moutier avait connu en se rendant de temps en temps à sa boutique, a lui aussi eu un rôle, proposé alors qu'il était venu un jour pour voir comment se passait le tournage. Il garde comme souvenirs aujourd'hui encore l'odeur des boyaux, biens réels car moins chers que des faux, qu'il a dû arracher en jouant un zombie, et le plaisir de la réunion entre amis qu'a été ce tournage.
Ogroff, en dépit de sa qualité, c'est sûrement ça avant tout à en croire l'ambiance dont a attesté le réalisateur : du bon temps passé entre amis, à mon avis conscients de ce dans quoi ils tournaient, mais est-ce que ça importait ?
(Par contre il y a eu trahison d'Alain Petit, qui a voulu vendre sa VHS collector réservée aux participants sur ebay en 2008, le filou...)
Ogroff est un film mou, avec seulement de temps à autres quelques éléments amusants sans que ça ait été voulu, et ça ne vaut pas la plupart des autres séries Z que j'ai vu, mais il a quand même une place importante dans mon cœur. J'ai mis six mois à le chercher désespérément, et si j'ai eu un goût amer en bouche lors du générique de fin en constatant que ce n'était pas si ultime que ça, je ne regrette pas.
J'ai tout de même un grand respect pour Norbert Moutier, en tant que grand amateur de fantastique qu'il est, mais aussi parce que, comme tous les réalisateurs de films bis que j'aime quand même, dans le fond, il a tout mis en oeuvre pour concrétiser ce qu'il voulait réaliser, et ça, tout comme son désir d'être un cinéphile actif, c'est admirable.
Et en plus de cela il a persévéré malgré les railleries, et a quand même réussi à tourner pour les USA. Je ne sais pas ce qu'il vaut à la fin de sa carrière de réalisateur avec le téléfilm Brooklyn cop, en tout cas j'aurais tant aimé qu'il se trouve un vrai budget pour donner vie à ses autres projets tels que El saloon, Burning road, et Soho maniac (qui, à en croire le titre, correspond certainement à son roman "L'équarisseur de Soho"). J'aurai souhaité aussi pour lui qu'il puisse se lancer dans le film d'action comme il l'aurait voulu... ou qu'il finisse Death camp, en stand-by depuis une décennie au moins ! La vision de Moutier sur le western, le road-movie, et le film de women in prison, ça aurait été fabuleux.
Il n'y a plus tellement d'espoir de voir du nouveau de sa part de nos jours : l'époque où les éditeurs de VHS éditaient de tout et n'importe quoi est révolue, Death camp risque de ne jamais avoir l'argent pour ses effets spéciaux manquants, et de toute façon Norbert Moutier semble avoir pris totalement conscience du fait que ce qu'il avait réalisé était du pur Z.
Extraits :
Sources : Monsterbis.free.fr, Nanarland, fanzine Maniacs #7, interview de 1kult, libération.fr, Norbert Moutier et Jean-Pierre Putters.
samedi 16 juillet 2011
Etat du blog
Comme certains auront pu le remarquer, le nombre de messages mensuel sur Mayhem cinema a diminué. La cause en est un manque de temps, puisque celui-ci est, de préférence, mis à profit pour ingurgiter plus de films, de séries, de comics, de romans, et pour l'écriture de courts et long-métrages, qu'ils se concrétisent un jour ou non.
Le blog sera donc de moins en moins actualisé, mais je tenterai d'y poster un article dès lors que j'aurai quelque chose de réellement pertinent à écrire, que ce soit avec mon avis sur un film qui me tient à coeur (comme ce Super, à voir prochainement, réalisé par James Gunn, ancien scénariste de Troma) ou des articles de types divers comme le dernier qui avait pour sujet Beastly. Peut être que j'évoquerai prochainement certains aspects du cinéma de nos jours, ou que je mettrai en place des dossiers sur un thème précis, peu importe, tant que le plaisir à l'écriture et à la lecture sera là.
Vous pourrez autrement me retrouver sur les sites suivants :
http://www.senscritique.com/fry3000/
http://deadbydawn.users-board.net/forum
En attendant, quelques conseils :
Un film : Dellamorte Dellamore
Une série : Dilbert
Un comic book : Hack/Slash
Un roman : A l'estomac
Un jeu-vidéo : Sam & Max saison 1
Le blog sera donc de moins en moins actualisé, mais je tenterai d'y poster un article dès lors que j'aurai quelque chose de réellement pertinent à écrire, que ce soit avec mon avis sur un film qui me tient à coeur (comme ce Super, à voir prochainement, réalisé par James Gunn, ancien scénariste de Troma) ou des articles de types divers comme le dernier qui avait pour sujet Beastly. Peut être que j'évoquerai prochainement certains aspects du cinéma de nos jours, ou que je mettrai en place des dossiers sur un thème précis, peu importe, tant que le plaisir à l'écriture et à la lecture sera là.
Vous pourrez autrement me retrouver sur les sites suivants :
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En attendant, quelques conseils :
Un film : Dellamorte Dellamore
Une série : Dilbert
Un comic book : Hack/Slash
Un roman : A l'estomac
Un jeu-vidéo : Sam & Max saison 1
samedi 9 juillet 2011
Analyse d'une bande-annonce : Sortilège
Après son Pheobe in wonderland, Daniel Barnz revisite un autre conte rendu très célèbre par sa transposition à l'écran par Disney, La belle et la bête, avec Beastly, qui devient un film romantique contemporain pour adolescents, et n'échappe à aucun des clichés que cela implique, au contraire il semble les décupler. Il suffit pour juger de cela de voir la bande-annonce, qui est de celles qui racontent tout le film, et laisse deviner aisément le reste, car annonce un long-métrage sans surprises et sans originalité, se servant d'un conte connu depuis le 18ème siècle pour finalement le détourner de sorte qu'il comporte tout ce qui a déjà été vu dans les comédies romantiques sans imagination de notre temps.
Pas besoin de gâcher 1h26 pour ce long-métrage, ces 2mn31 suffisent :
Avec un tel protagoniste, difficile de faire dans la finesse, et pourtant le cinéaste réussit à rajouter en manque de subtilité avec cette façon de présenter toutes les facettes d'un personnage pauvre avec une facilité déconcertante, par cette première apparition de Kyle qui nous dit de lui-même et d'emblée qu'il est fortuné et séduisant, comme pour prévenir d'avance qu'il est sans aucune profondeur, et pour éviter au scénariste le travail de caractérisation passant par des scènes qui dressent peu à peu un portrait.
Ce serait comme si Freddy Krueger apparaissait dans un rêve de Nancy pour déclarer être l'un des plus gros salauds de l'univers, plutôt que de nous laisser le découvrir par nous-même, ou si Darth Vader tenait un discours similaire mais en précisant qu'il lui reste tout de même une part d'humanité au fond de lui ; quoique le héros de Beastly paraît déjà bien moins développé que ça, aux antipodes de la complexité. Et au cas où quelqu'un n'aurait pas compris que Kyle est également orgueilleux, une voix féminine vient nous le préciser.
Pour confirmer ce que l'on sait déjà du personnage et l'enfoncer encore plus dans le cliché, nous voyons plus tard sa surprise en apprenant que ses proches ne l'aimaient pas, et ici encore cela ne se fait pas en finesse, puisqu'ils écrivent tout simplement sur Facebook qu'ils sont soulagés de son départ.
Contrairement à ce que le film veut faire penser, la transformation de Kyle n'est pas un tel bouleversement, car premièrement intérieurement il reste le même, et deuxièmement sa métamorphose physique n'est pas aussi horrible que veut bien le dire le personnage, et cela pour ne pas trop décevoir les jeunes filles arrivées dans la salle de cinéma pour retrouver le héros de Stormbreaker et I am number four. Comme me l'a justement fait remarquer Nhoj, la déformation est de style "tuning", il y a quelque chose d'esthétique dans cette modification du corps et que seuls les personnages du film considèrent comme réellement laide, tout cela pour donner l'impression de l'horreur sans oser la montrer au public ; le nouveau Kyle ressemble surtout à un adepte du tatouage et autres transformations corporelles.
Le personnage de Robert Downey Jr dans Tropic thunder faisait remarquer à celui de Ben Stiller que son problème était que dans l'un de ses films il était allé "full retard", c'est à dire qu'il était entré complètement dans la peau d'un attardé, contrairement à Tom Hanks et Dustin Hoffman, respectivement pour Forrest Gump et Rain man, ce qui n'avait pas perturbé le public et leur avait valu un oscar chacun ; Beastly fait de même en n'allant pas "full ugly", et il est certain que les choses auraient été différentes si son héros avait pris l'apparence de John Merrick, l'elephant man.
Dans l'univers du film pourtant, l'apparence de Kyle est considérée comme trop horrible, et c'est pourquoi le jeune homme reste cloîtré chez lui. La preuve que le personnage n'a pas changé intérieurement, contrairement là encore à ce que le film veut faire croire, c'est qu'il préfère ne pas sortir pour briser l'image que l'on avait jusque là de lui et demeure enfermé pour conserver un certain confort, que l'intrigue entretient même, de par le fait que le personnage n'a pas à faire le premier pas et sortir pour évoluer, puisque l'aide vient à lui en sonnant à sa porte. Avec Beastly naît un nouveau principe : ne t'aide pas, le ciel t'aidera.
La chance de Kyle est d'autant plus forcée qu'un autre évènement l'aide à se rapprocher de celle qui pourra rompre le sort ; c'est sous l'apparence d'un drame que survient leur rencontre, mais évidemment l'agression de Lindy n'est que positive pour l'intrigue, surtout que le hasard veut que ce soit la fille dont on connaît la préférence pour la beauté intérieure qu'extérieure.
Le film propose un message qui favorise l'intériorité de quelqu'un plutôt que son apparence, alors que sa démarche est en réalité l'inverse, comme le prouve tout ce que nous avons vu concernant le physique de Kyle, le choix de Vanessa Hudgens dans le rôle de la fille salvatrice, et cette réplique : "j'ai déjà vu pire", qui confirme premièrement que le look du héros n'est pas si repoussant et ensuite qu'il y a tout de même une limite pour apprécier les gens laids ; limite que ce film ne franchit pas, bien entendu.
Cela correspond bien à une génération qui dit aimer le principe de la mise en avant de la beauté intérieure, tout en s'extasiant sur le physique de quelqu'un, mais aussi à un public qui, au cinéma du moins, ne peut accepter que des personnages soient beaux à l'intérieur uniquement.
"Au delà des apparences" nous dit la bande-annonce, qui pourtant présente une histoire d'amour qui se bâtit uniquement sur celles-ci.
Tout d'abord, l'échéance d'un an accordé au héros gâche tout ce qu'il peut entreprendre, elle fausse chacun de ses actes car il est difficile à chaque fois de ne pas leur accorder la même intention, c'est à dire qu'elles sont toutes implicitement guidées par le même but qui est pour Kyle de ne pas rester comme il est à vie. Dès l'instant où le sort lui a été jeté, le spectateur se doute que c'est pour cela que le personnage se démène autant, surtout en ayant connaissance de son égoïsme, qui n'aurait pas pu disparaître si soudainement si sa démarche avait été désintéressée.
"Je voulais faire quelque chose de beau de cet horrible endroit", encore une fois la question des apparences et de la beauté relative, surtout que si le héros cherche à conquérir la fille en construisant une serre remplie de roses, et si elle tombe sous le charme de cette façon là, c'est que tout deux prônent non seulement les apparences mais aussi le matérialisme.
Il est aussi très probable qu'à la fin, certainement touchée, la sorcière rend à Kyle son apparence première, pour satisfaire le public-cible féminin ; gratification qui leur donne la bonne impression d'avoir appris une leçon sans pour autant avoir les inconvénients qui vont avec. Concernant le personnage, il est récompensé pour n'avoir rien fait devant l'adversité, s'être mis dans une mauvaise position tout seul ce qui du coup a fait qu'il n'a pu respecter l'échéance, et il est félicité pour être resté en partie le même. Ce film ne punit pas les personnes orgueilleuses comme Kyle, il les conforte dans leur position, puisque que le personnage soit beau ou moche il réussit tout de même, sans trop se fatiguer qui plus est, et au final de son état passager durant lequel il était laid, il ne retient aucun désagrément mais seulement des avantages, dont sa relation avec Lindy.
Après vérification sur Wikipedia, Kyle redevient beau, en effet, donc les suppositions ci-dessus sont correctes.
A noter que dans le livre sur lequel le film est basé, Lindy n'est pas belle, mais évidemment pour une adaptation au cinéma cela aurait sûrement été intolérable.
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