samedi 9 juillet 2011

Analyse d'une bande-annonce : Sortilège

Après son Pheobe in wonderland, Daniel Barnz revisite un autre conte rendu très célèbre par sa transposition à l'écran par Disney, La belle et la bête, avec Beastly, qui devient un film romantique contemporain pour adolescents, et n'échappe à aucun des clichés que cela implique, au contraire il semble les décupler. Il suffit pour juger de cela de voir la bande-annonce, qui est de celles qui racontent tout le film, et laisse deviner aisément le reste, car annonce un long-métrage sans surprises et sans originalité, se servant d'un conte connu depuis le 18ème siècle pour finalement le détourner de sorte qu'il comporte tout ce qui a déjà été vu dans les comédies romantiques sans imagination de notre temps.

Pas besoin de gâcher 1h26 pour ce long-métrage, ces 2mn31 suffisent :


Avec un tel protagoniste, difficile de faire dans la finesse, et pourtant le cinéaste réussit à rajouter en manque de subtilité avec cette façon de présenter toutes les facettes d'un personnage pauvre avec une facilité déconcertante, par cette première apparition de Kyle qui nous dit de lui-même et d'emblée qu'il est fortuné et séduisant, comme pour prévenir d'avance qu'il est sans aucune profondeur, et pour éviter au scénariste le travail de caractérisation passant par des scènes qui dressent peu à peu un portrait.
Ce serait comme si Freddy Krueger apparaissait dans un rêve de Nancy pour déclarer être l'un des plus gros salauds de l'univers, plutôt que de nous laisser le découvrir par nous-même, ou si Darth Vader tenait un discours similaire mais en précisant qu'il lui reste tout de même une part d'humanité au fond de lui ; quoique le héros de Beastly paraît déjà bien moins développé que ça, aux antipodes de la complexité. Et au cas où quelqu'un n'aurait pas compris que Kyle est également orgueilleux, une voix féminine vient nous le préciser.
Pour confirmer ce que l'on sait déjà du personnage et l'enfoncer encore plus dans le cliché, nous voyons plus tard sa surprise en apprenant que ses proches ne l'aimaient pas, et ici encore cela ne se fait pas en finesse, puisqu'ils écrivent tout simplement sur Facebook qu'ils sont soulagés de son départ.

Contrairement à ce que le film veut faire penser, la transformation de Kyle n'est pas un tel bouleversement, car premièrement intérieurement il reste le même, et deuxièmement sa métamorphose physique n'est pas aussi horrible que veut bien le dire le personnage, et cela pour ne pas trop décevoir les jeunes filles arrivées dans la salle de cinéma pour retrouver le héros de Stormbreaker et I am number four. Comme me l'a justement fait remarquer Nhoj, la déformation est de style "tuning", il y a quelque chose d'esthétique dans cette modification du corps et que seuls les personnages du film considèrent comme réellement laide, tout cela pour donner l'impression de l'horreur sans oser la montrer au public ; le nouveau Kyle ressemble surtout à un adepte du tatouage et autres transformations corporelles.
Le personnage de Robert Downey Jr dans Tropic thunder faisait remarquer à celui de Ben Stiller que son problème était que dans l'un de ses films il était allé "full retard", c'est à dire qu'il était entré complètement dans la peau d'un attardé, contrairement à Tom Hanks et Dustin Hoffman, respectivement pour Forrest Gump et Rain man, ce qui n'avait pas perturbé le public et leur avait valu un oscar chacun ; Beastly fait de même en n'allant pas "full ugly", et il est certain que les choses auraient été différentes si son héros avait pris l'apparence de John Merrick, l'elephant man.
 
Dans l'univers du film pourtant, l'apparence de Kyle est considérée comme trop horrible, et c'est pourquoi le jeune homme reste cloîtré chez lui. La preuve que le personnage n'a pas changé intérieurement, contrairement là encore à ce que le film veut faire croire, c'est qu'il préfère ne pas sortir pour briser l'image que l'on avait jusque là de lui et demeure enfermé pour conserver un certain confort, que l'intrigue entretient même, de par le fait que le personnage n'a pas à faire le premier pas et sortir pour évoluer, puisque l'aide vient à lui en sonnant à sa porte. Avec Beastly naît un nouveau principe : ne t'aide pas, le ciel t'aidera.
 
La chance de Kyle est d'autant plus forcée qu'un autre évènement l'aide à se rapprocher de celle qui pourra rompre le sort ; c'est sous l'apparence d'un drame que survient leur rencontre, mais évidemment l'agression de Lindy n'est que positive pour l'intrigue, surtout que le hasard veut que ce soit la fille dont on connaît la préférence pour la beauté intérieure qu'extérieure.
Le film propose un message qui favorise l'intériorité de quelqu'un plutôt que son apparence, alors que sa démarche est en réalité l'inverse, comme le prouve tout ce que nous avons vu concernant le physique de Kyle, le choix de Vanessa Hudgens dans le rôle de la fille salvatrice, et cette réplique : "j'ai déjà vu pire", qui confirme premièrement que le look du héros n'est pas si repoussant et ensuite qu'il y a tout de même une limite pour apprécier les gens laids ; limite que ce film ne franchit pas, bien entendu.
Cela correspond bien à une génération qui dit aimer le principe de la mise en avant de la beauté intérieure, tout en s'extasiant sur le physique de quelqu'un, mais aussi à un public qui, au cinéma du moins, ne peut accepter que des personnages soient beaux à l'intérieur uniquement.

"Au delà des apparences" nous dit la bande-annonce, qui pourtant présente une histoire d'amour qui se bâtit uniquement sur celles-ci.
Tout d'abord, l'échéance d'un an accordé au héros gâche tout ce qu'il peut entreprendre, elle fausse chacun de ses actes car il est difficile à chaque fois de ne pas leur accorder la même intention, c'est à dire qu'elles sont toutes implicitement guidées par le même but qui est pour Kyle de ne pas rester comme il est à vie. Dès l'instant où le sort lui a été jeté, le spectateur se doute que c'est pour cela que le personnage se démène autant, surtout en ayant connaissance de son égoïsme, qui n'aurait pas pu disparaître si soudainement si sa démarche avait été désintéressée.
"Je voulais faire quelque chose de beau de cet horrible endroit", encore une fois la question des apparences et de la beauté relative, surtout que si le héros cherche à conquérir la fille en construisant une serre remplie de roses, et si elle tombe sous le charme de cette façon là, c'est que tout deux prônent non seulement les apparences mais aussi le matérialisme.

Il est aussi très probable qu'à la fin, certainement touchée, la sorcière rend à Kyle son apparence première, pour satisfaire le public-cible féminin ; gratification qui leur donne la bonne impression d'avoir appris une leçon sans pour autant avoir les inconvénients qui vont avec. Concernant le personnage, il est récompensé pour n'avoir rien fait devant l'adversité, s'être mis dans une mauvaise position tout seul ce qui du coup a fait qu'il n'a pu respecter l'échéance, et il est félicité pour être resté en partie le même. Ce film ne punit pas les personnes orgueilleuses comme Kyle, il les conforte dans leur position, puisque que le personnage soit beau ou moche il réussit tout de même, sans trop se fatiguer qui plus est, et au final de son état passager durant lequel il était laid, il ne retient aucun désagrément mais seulement des avantages, dont sa relation avec Lindy.

Après vérification sur Wikipedia, Kyle redevient beau, en effet, donc les suppositions ci-dessus sont correctes.
A noter que dans le livre sur lequel le film est basé, Lindy n'est pas belle, mais évidemment pour une adaptation au cinéma cela aurait sûrement été intolérable.

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