mardi 31 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 7)


Mardi 17 mai - Jour 4 :
Avant le séance pour Snowtown, petit tour dans le Palais en passant par "L'entrée des artistes", que je n'avais pas vu jusque là. Nous comptions prendre un café, puis aller dans la salle où des dizaines de journalistes se réunissent pour écrire leurs articles sur le net, mais il était trop tôt et la salle était vide.
Peu avant, un de mes comparses me lisait sur son iPhone un article évoquant la malédiction des micro-endormissements propres à ceux vivant le festival, et ce introduit dans une critique d'Hors Satan.
Car en effet, à Cannes, on ne fait que deux choses : voir des films, et attendre de voir des films, souvent infructueusement dans le dernier cas. C'est en tout cas ce qui, malgré mes efforts, m'a empêché de voir trois films par jour, ayant conservé une moyenne stable de deux au cours de mon séjour. En tout cas, c'est dans l'incertitude de pouvoir voir ce qu'on veut qu'on se rend dans la file d'attente d'une séance, arrivant parfois très tôt pour avoir plus de chances d'avoir une place alors que la veille il a fallu veiller tard à programmer le lendemain et prendre des notes sur les films vus, et n'oublions pas d'ajouter à cela les heures passées à marcher d'une salle à une autre ou à rester debout dans une file d'attente.

Pour ma part, l'endormissement contre mon gré, je l'avais déjà subi dès le premier jour avec Porfirio, mais je sentais que ça allait me revenir avec Snowtown, étant donné le peu d'heures de sommeil que j'avais eu la nuit précédente.
C'est effectivement ce qui s'est passé, bien que cette fois-ci j'ai lutté, et j'ai ainsi vécu un phénomène étrange qui m'a situé entre rêve et réalité, les deux se brouillant encore plus curieusement que dans un film avec Freddy Krueger.


Snowtown


Fiche du film :
Réalisateur : Justin Kurzel
Scénaristes : Justin Kurzel et Shaun Grant
Année : 2011
Genre : Drame
Acteurs principaux : Lucas Pittaway, Daniel Henshall
Résumé du programme du Marché du film : When 16-year-old Jamie is introduced to a charismatic man, a friendship begins. However as the relationship grows so do Jamie's suspicions, until he finds his world threatened by both his loyalty for, and fear of, his newfound father figure, John Bunting : Australia's most notorious serial killer.

Avis sur le film :
J'aurais préféré The beaver mais il ne passait pas si tôt. Nous avons donc opté pour Snowtown, qui avait déjà attiré mon attention quand j'ai regardé les projections dans la file d'attente pour Porfirio, grâce à l'histoire du serial killer auquel le héros se lie d'amitié. Je m'imaginais tout de même que ça pouvait se révéler être un film d'auteur qui insiste sur la lenteur, comme ce Hors satan dont j'ai eu des échos, qui cite le diable dans son résumé mais qui serait d'un ennui terrible par un grand manque de quelconques actions ou paroles.
En réalité le résumé ici aussi est mensonger, il laisse à penser que l'adolescent rencontre John quand il est déjà serial killer, alors qu'il ne le devient qu'après... et "Australia's most notorious serial killer", si le personnage est caractérisé ainsi, c'est parce que ça ne correspond qu'à 11 victimes ; on est loin des USA.


Snowtown, comme je m'en doutais, est empreint de lenteur, mais à intervalles. Le long-métrage alterne lenteur, crudité, lenteur, brutalité, lenteur, etc...
Cela correspondait assez bien à l'état de somnolence dans lequel je me trouvais, m'asoupissant pour me réveiller quand quelque chose de plus dynamique se déroulait.
L'idée qui ressort du film serait celle d'un environnement calme, celle de n'importe quel quartier banal que l'on connaît, duquel surgit la violence sans qu'on la voie venir, tout comme pour ce personnage de John, charmant en apparence et tout d'un coup très brusque, et d'autres fois obscène.
Cela correspond aussi à ce monde où la violence repose sous une fine couche qui n'est que surface, en attente d'être révélée, car finalement omniprésente, en témoigne le serpent comme animal de compagnie qu'on nourrit avec des souris, ou l'enfant qui dit "je t'ai tué" lors d'une partie de jeu vidéo.


Le film accumule les scènes assez dénuées d'intérêt afin de mieux surprendre ensuite, que ce soit par une sodomie entre frères assez incongrue ou de la torture. Il y a eu à un moment une scène visiblement insoutenable pour une dizaine de personnes parties carrément en courant ; je ne l'ai pas trouvée si horrible, mais en tout cas assez bien réalisée, jouant sur la durée pour faire partager le caractère insupportable du moment entre le spectateur et le personnage de Jamie, qui finit par mettre fin à ce supplice en achevant la victime.
Snowtown soulève ainsi des questions pertinentes sur les limites de la culpabilité, la contamination de la violence, et plus simplement sur la morale, avec une idéologie questionnable de la part des personnages qui font preuve eux-même de la même inhumanité que ceux qu'ils punissent.


Deux ou trois beaux plans, des effets ingénieux pour représenter l'ébriété ou la crudité d'une séance photo chez un pédophile (par le procédé du flash, très bruyant et froid), le film est assez astucieux par rapport à son sujet mais, et c'est en lien avec le système mis en place pour nous marquer, parfois trop ennuyeux. La musique atonale instaurant le trouble, omniprésente dans la dernière partie du long-métrage, finit par lasser aussi. Du côté de la fin toujours, l'incompréhension concerne trop de scènes, peu explicites et énigmatiques.
De bons éléments régulièrement, mais un film qu'on ne peut totalement apprécier.
Bande-annonce VOST :


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Drôle encore une fois : le fait que pleins de gens soient sortis de la salle ; j'ai vu ça incroyablement souvent à Cannes, ce qui peut s'expliquer par la gratuité des séances, mais qui fait que certains ont du attendre longtemps pour finalement quitter le film.
Je n'imagine pas ce qu'a du donner la projection de A Serbian film l'an dernier, en dehors de la personne qui se serait cassé le nez.

A défaut d'aller voir The beaver, mon droogie et moi retournons au Marché où nous prenons des cartes de visite au stand Asylum, qui nous permettront sans doute d'avoir accès à n'importe quelle soirée hype, nous revoyons pleins de bêtises et nous tombons sur un stand qui est celui des détenteurs d'un film dont on avait vu le poster, marquant, précédemment, de Zenitram, qui parlerait apparemment d'un super-héros Argentin agissant dans les toilettes. Il y avait aussi Little blue pill à côté, une comédie sur des pillules du genre viagra, et un plagiat très clair d'Alien, tout cela sur un présentoir à prospectus.

Mon comparse avait déjà récupéré des goodies au Marché, dont des badges "Anarchie" et un autre se référant aux films de la Lithuanie au stand de ce même pays, mais cette fois il récupéra un porte-clé-lampe-laser et un porte-clé en forme de caméra ailleurs, puis nous nous sommes rendus aux stands couverts, comme des petits cabanons, dans une sorte de village international à côté du Palais. Nous y avons pris des bonbons-nounours à l'Allemagne (pas assez mous), du Ricola en Suisse, un stylo en Italie, un badge représentant une bobine à dents de scie au Québec (à défaut d'avoir les sacs vus le samedi, désormais épuisés), un crayon je ne sais plus où.

Durant le trajet de retour, j'apprends que DSK aurait violé quelqu'un. Au festival, j'étais comme coupé du reste du monde, m'étant équipé d'oeillères cinématographiques.

J'aurais tant aimé rester plus longtemps, pouvoir continuer à mener ce train de vie qui ne laisse pas respirer, divisé en deux temps qui sont le court repos la nuit et l'enchaînement des films le jour, et poursuivre le rituel qui consiste à montrer son badge pour entrer dans certaines zones comme si ce simple objet donnait de l'importance à son propriétaire.
Ce que je regrette également, c'est qu'on n'ait pas pu prendre le temps d'aller consommer dans un établissement quelconque, dans lequel on aurait éventuellement pu voir des têtes connues. On n'a pas vu tant de films pourtant, mais comme dit précédemment, tous les déplacements, les attentes, et les consultations du programme entre les séances nous ont occupés.

Bonus :
J'ai trouvé ce qu'est Fred the movie. Voici la bande-annonce. Il serait difficile de trouver plus insupportable que ça.


Des nouvelles de Samy :
http://www.parismatch.com/People-Match/Cinema/Actu/Samy-Naceri.-Deux-interpellations-a-Cannes-295043/

jeudi 26 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 6)


Lundi 16 mai - Jour 3 (suite) :
Dans l'impossibilité de rentrer pour Tree of life, car il n'y avait absolument aucune place suppémentaire pour l'accès de dernière minute, je me rends à un autre cinéma pour The devil's double, que mes comparses m'ont proposé d'aller voir. Il ne reste qu'une place après que la presse soit passée, et elle est donnée à une femme plus âgée. Mon groupe est allé voir le documentaire sur Michel Petrucciani à la place.
Je décide de tenter un film d'horreur, Birthday, qui passe au même hôtel-ciné que Red state plus tard.
Le même ouvreur que la veille m'indique à quelle femme m'adresser pour avoir une invitation : une dame d'un certain âge à la voix effacée, qui contrastait à mes yeux avec le film dont elle s'occupait.

Birthday

(absolument aucune image n'est disponible sur internet)

Fiche du film :
Réalisateur : Alex McCall
Scénariste : Robert Beedham
Année : 2011
Genres : Horreur / Fantastique
Acteurs principaux : Shian Denovan, Patrick Bergin, Robert Cavanah
Résumé : Chaque année, une jeune femme est hantée par sa mère défunte, le jour de son anniversaire.

Avis sur le film :
Si j'avais vu Birthday autrement, à savoir d'une autre façon que gratuitement au Marché du film, j'en aurais écarté mon regard de suite. J'avais effectivement envie de quitter la salle dès le début, comme certains des acheteurs l'ont fait sans se gêner dès une dizaine de minutes voire moins, malgré la présence de membres de la compagnie s'en occupant au Festival, mais je n'avais rien à faire d'autre en attendant Red state qui serait projeté deux heures plus tard.
Ce qui dérange immédiatement dans le film, et qui marquera clairement de sa trace indélébile tout le reste du long-métrage, c'est ce caractère abusif qui entache la bobine. Un abus visuel déjà, avec ce ciel bleu d'une artificielle laideur et censé créer une atmosphère plombante de film d'angoisse, et de très nombreux abus concernant les actions présentes dans le scénario dont le grotesque est souligné par la mise en scène, notamment avec cette femme surprise par son portable et qui se verse du vin rouge sang sur sa robe, ou cette voix caverneuse de fantôme qui ne fait pas dans la dentelle en prononçant des "die bitch" bien directs.

Il y a bien, vers le début, un ou deux effets de styles acceptables, avec par exemple cette façon de poser le décor dans un musée qui consiste à faire apparaître des masques anciens par flashs, mais cela s'inscrit déjà dans l'excès caractéristique du film, qui se fait encore plus prononcé par la suite, surtout avec ces zooms et cette musique tonitruante horripilants par le fait qu'ils essayent de nous remplir le crâne avec des clichés de film d'horreur poussés au delà des limites, pour s'assurer qu'on saisisse dans quel genre se place le spectacle auquel nous assistons, à défaut de pouvoir faire peur.
Le scénariste a aussi pour intention de faire légèrement dans le trash, puisque l'héroïne s'urine dessus et vomit à un moment, les deux en même temps.

Je dois avouer que là encore, je me suis endormi dans le film, mais sciemment, ce qui doit être une première me concernant, dans une salle de cinéma du moins. Il faut dire que Birthday s'y prêtait bien : on ne pouvait me reprocher de rester, même en roupillant, alors que nombreux sont ceux qui sont partis, et d'ailleurs je me suis demandé comment d'autres que moi et l'équipe du film avaient pu rester, surtout qu'ils étaient au moins une dizaine quand je me suis retourné, n'ayant plus grand monde devant moi.
Quoiqu'il en soit, je ne comprenais pas plus après mon sommeil qu'avant, et je précise que ce n'était pas à cause de l'accent anglais des acteurs.
Le film s'inscrit soit dans une temporalité qui m'a échappé, soit il n'est pas tellement porteur de sens. L'introduction est un assemblage de scènes en vrac, comme un clip si on se base sur la chanson qui se fait entendre en même temps, mais il s'agit en réalité, tel qu'on le découvre après, d'images du film éparpillées. Ni preview du film, ni résumé, ni foreshadowing, ce n'est qu'un mélange confus de vidéos jusque là incompréhensibles, une mauvaise idée pour ouvrir son long-métrage.
Même plus tard, avec les vidéos dans le bon ordre et accompagnées de paroles, des questions restent sans réponses. Qui est cette femme blonde qui apparaît soudainement quand le méchant jette un sort, et qui se retrouve aux côtés de l'héroïne plus tard comme si sa présence était normale ? Pourquoi est-ce que Victor prétend depuis le départ être le gardien de la demeure alors qu'il en est le propriétaire ? De plus, les scènes et lieux qu'elles présentent paraissent être raccordés sans se suivre.

La présence de cette femme à l'air innocent qui m'a donné une invitation m'a tout de même rappelé le côté humain de l'industrie du cinéma, qu'on oublie trop souvent afin de démolir une création. Quand aux effets de style du début, ils m'ont fait me rendre compte que derrière ce film il y a un réalisateur qui a eu des intentions de mise en scènes et qui a tenté de les mettre en application.
Pourtant les acteurs ne sont pas mauvais, et finalement il y a trop d'erreurs qui ne peuvent être attribuées qu'au réalisateur, au scénariste, et au monteur (une scène démarre tandis qu'on voit que l'actrice attend avant de fermer le coffre de sa voiture ; la facticité est ici visible alors qu'une coupe arrivant plus tard n'aurait rien laissé remarquer).

Clip vidéo :


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A la sortie de Birthday, je m'asseois pour prendre des notes, et à un certain moment je vois l'ouvreur arriver et dire à une femme "T'as vu la file pour Red State ?". Je me précipite : une quarantaine de personnes attendent. En sachant qu'il n'y a que 45 places. Je retourne voir l'ouvreur, qui me dit de ne pas compter essayer d'avoir des invitations, et je reviens vers la file, à laquelle quelqu'un d'autre s'est ajouté.

Il faut savoir que tous les gens présents n'étaient pas acheteurs mais des gens avec simplement leur badge. J'ai attendu 15 à 20 minutes, les acheteurs entraient les uns après les autres grâce à leur badge bleu à rayure mauve.
Un homme discutait avec la femme de IM global aux billets dans la main, essayant de négocier, voir s'il y aurait d'autres séances.
Il ne restait plus que deux places à un moment, je me souviens qu'on nous l'a signalé. Pleins de gens sont dès lors partis, même celui que j'avais entendu dire "je l'ai suivi depuis mon enfance", sûrement en parlant de Smith, alors même que d'autres arrivaient encore.
Les gens sont partis au fur et à mesure, et je me suis dit que j'attendrais encore, au cas où un acheteur sortirait rapidement, comme pour Birthday ou Yakuza weapon, et une nouvelle file s'est formée pour ceux souhaitant récupérer leurs places.
Je me donnais 15mn, j'en ai attendu 37 environ, je me suis retrouvé en tête de la nouvelle queue, deux personnes derrière moi, un groupe ayant tenu longtemps parti quelques instants plus tôt, et me demandant à quoi servait encore ma détermination.
C'est fou, au bout d'une dizaine de minutes un autre acheteur arrivait : il peut se permettre d'arriver en retard en pensant pouvoir entrer, ce qui doit être possible pour lui dans d'autres cas, alors que d'autres doivent attendre à la porte.
Un acheteur sort, mais fausse alerte : il revient.

Nous n'étions plus que deux à la fin, deux places se libèrent justement, mais deux acheteurs me passent devant : mon badge ne donne pas accès à la salle, et je n'ai pas d'invitation.
L'autre homme demande pourquoi les deux acheteurs sont passés, et l'ouvreuse répond qu'ils avaient un badge à rayure mauve.
Elle me demande si je ne savais pas que mon badge ne pouvait fonctionner ici, je dis que je n'ai pas demandé d'invitation à la femme qui tenait tous ces tickets, désormais partie avec les autres employées de sa société, car à ce moment là j'étais encore dans la foule, à quoi bon lui en réclamer ?
Je ne peux entrer.
Je tourne les talons et pars sans mot dire, en espérant que l'ouvreuse comprenait, non pas tant en colère, car même dans l'incertitude de pouvoir entrer en salle je n'arrivais pas à me fâcher, mais un peu dégoûté. Dégoûté surtout d'avoir vu un film d'horreur misérable ayant baissé la qualité moyenne des films vus à Cannes, à la place de Red state. Et si j'avais su, je serais allé voir The greatest movie ever sold, de Morgan Spurlock, à la place.

mardi 24 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 5)

Un sosie de Spielberg membre de Rael, distribuant des prospectus "ET cherche producteur"



Lundi 16 mai - Jour 3 :
En apprenant le jour d'avant qu'il faut apparemment des invitations pour assister aux projections du marché du film, même quand le programme n'indique pas "invitation only" ou "buyers only", je me suis rendu compte que je devais en prendre une pour Red state, le dernier film de Kevin Smith à l'histoire tourmentée.

Retour au Marché du film donc, afin de trouver le stand de IM Global qui s'occupe de Red state durant le festival. La carte "Cinetel" récupérée par un de mes acolytes en poche, me préparant en retenant les informations inscrites dessus, je me rend au stand et une fois arrivé je fais mine de feuilleter le programme des projections. Je parle de celle qui m'intéresse à un responsable, qui me demande rapidement si j'ai ma carte de visite. L'hésitation survient quant à m'engager dans un mensonge qui pouvait m'entraîner trop loin, et je ne me suis donc pas trop avancé en disant ne pas avoir la mienne mais celle du vice-président de Cinetel films, sous-entendant que je travaillais pour lui. Hésitation de nouveau quand on me demande si je suis stagiaire, je réponds sans trop savoir si je m'embrouillais ou si j'embrouillais l'autre, un peu des deux, en disant que je suis français et que je dois voir le film (comprendre : le voir pour Cinetel, du moins c'est ce que je voulais dire).
En demandant à voir mon badge, la personne me signale que les places sont limitées, qu'il ne pouvait m'en donner, mais si je me présentais à la salle avec mon accrédication je pourrais peut être entrer. La projection se faisait dans le même hôtel que Yakuza weapon, je voyais donc de quoi il s'agissait.
Le représentant de IM global ne savait pas combien de tickets restaient. Dix, peut être, d'après son estimation.

A défaut d'avoir pu me procurer une invitation, j'ai poursuivi ma visite du marché du film, cherchant le stand de The Asylum, ayant vu la compagnie dans la liste des exposants aussi, en cherchant celui de Red state, et n'ayant pas vu leur stand précédemment.
La femme au bureau d'Asylum avait l'air maussade, mécontente d'être là. Elle s'est penchée pour se dissimuler quand j'ai fièrement pris en photo ce lieu où exposaient les géniteurs de Titanic 2 et Megashark vs Giant octopus ; je me doute qu'elle n'aime pas qu'on vole son âme, mais l'idée qu'elle puisse avoir honte d'être là est plus amusante.

J'ai hésité entre Hors Satan, Snowtown et L'Apollonide pour la suite des évènements, et j'ai choisi ce dernier en sortant, essayant ce que j'avais appris la veille, à savoir avoir des places de dernières minutes. Ce fut moins difficile que pour The artist, puisqu'il y avait moins de monde cette fois.
Quelqu'un proposait des invitations, je ne savais pas s'il les vendait ou les donnait, en tout cas comme j'avançais dans la file nous nous sommes dit que ce n'était pas la peine. Il aurait du les donner plutôt à une de ces personnes attendant des heures devant le Palais des festivals, surtout que le matin même je voyais des pancartes de gens cherchant à voir ce film précisément.
Cette fois, pour ne pas avoir à jeter ma boisson et mes produits alimentaires, je les ai dissimulés pour ne pas qu'ils soient récupérées par les vigiles lors de leur fouille. A l'accueil du Palais cependant, mes produits ont été découverts et... j'ai dû les mettre au vestiaire. Illogique, mais tant mieux pour moi.


L'Apollonide : Souvenirs de la maison close


Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Bertrand Bonello
Année : 2011
Genre : Drame
Actrices principales : Adèle Haenel, Hafsia Herzi, Jasmine Trinca
Avis sur le film :
Visuellement, L'Apollonide nous plonge dans une ambiance qui se veut assez inquiétante si ce n'est malsaine, un environnement crasseux malgré ses décorations chics d'un autre siècle, mais c'est là le premier défaut qui saute aux yeux : ce jaune pisseux entouré de zones sombres, cliché de la modification colorimétrique censée créer le malaise, trop visible pour fonctionner en finesse.
Il y a toutefois, en dehors de ces modifications des tons, une esthétique appliquée qui n'a rien à envier à certains tableaux, par le travail en clair-obscur, les jeux d'ombres, ou tout simplement le thème de la femme de joie observée et peinte en toute simplicité.
A des images qui font penser à des œuvres picturales classiques s'ajoute pourtant une stylisation purement cinématographique, qui sert à présenter la vie au bordel en simultanée grâce à des split-screen, ou les sensations des personnages grâce à la création d'une ambiance s'appuyant sur un grand travail du son et de l'image qui produit un ralentissement, une certaine paisibilité similaire à celle des personnages endormis par l'alcool et l'opium.
Par contre il y a parfois trop d'artificialité, comme lorsque nous suivons des personnages différents quand une scène se répète, ce qui ne sert à rien dans ce film-ci.

  
Malgré les tentatives pour faire penser qu'il y a des avancées scénaristiques, de par l'arrivée d'une nouvelle fille, l'augmentation du loyer, ou la mutilation d'une des prostituées, ce dernier incident servant comme base pour le résumé du programme du Marché du film, ces évènements ne servent qu'à entrecouper les scènes de simple représentation de la vie à la maison close, et font même partie des situations qui participent à cette description.
Beaucoup de gens sont partis de la salle de cinéma, et ça peut se comprendre, mais selon les situations j'étais plus ou moins d'accord avec cette attitude.
Le film donne régulièrement l'impression de vouloir choquer de façon assez gratuite, que ce soit par la présence d'enfants dans le bordel ou des propos de clients parmi les plus fous. Le spectateur doit parfois supporter les sornettes que ces "freaks" sortent, l'un d'eux nous dit que les hommes devraient regarder plus souvent dans le sexe des femmes, et on sombre ainsi assez facilement dans la déviance au fil du film, avec une soirée libertine assez tordue et des fantasmes bizarres dont l'un incluant une femme-poupée aux membres comme difficilement articulables.
Ce qui est amusant, c'est que des personnes ont quitté la séance après les paroles du fou qui dénonce le fait que l'on délaisse trop souvent l'intérieur du vagin, comme s'il se posait en connaisseur qui ose aller plus loin que les autres, et ainsi le seul départ de certains spectateurs les désigne tacitement comme des frustrés sexuels.


L'Apollonide est un film dérangé et dérangeant, cette scène avec les "larmes" d'une des femmes prend visuellement au pied de la lettre une imagerie poétiqe pleine de souillures parcourant le film ; ça m'a éberlué, ne m'imaginant pas que c'était possible d'oser faire ça.
Il y a également ce jeu pervers avec le couteau dans la bouche, qui s'amuse avec les nerfs et les craintes du public.
Pour parler rapidement de la fin : je ne vois pas où Bonello veut en venir, est-ce qu'il dit que la misère des prostituées n'est pas inhérente à une époque mais simplement à leur métier ?
Film tantôt facile, tantôt très travaillé, assez osé et décidément troublant, L'Apollonide peut s'apprécier ou rebuter, ça ne dépend pas seulement des personnes mais aussi des éléments très divers qui tissent le film et qui provoquent des réactions très variées.

Teaser VF :

dimanche 22 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 4)


Dimanche 15 mai - Jour 2 (suite) :
Je n'avais pas compris le fonctionnement des projections du Marché : certaines se font dans des cinémas hors du Palais, et pour Yakuza warrior cela se déroulait dans un hôtel équipé de plusieurs salles de projections, ce qui m'a été difficile de trouver au départ.

Une fois le lieu repéré, je reviens le temps de m'acheter une boisson pour remplacer celle jetée le matin même au nom du dernier film de Michel Hazanavicius. De retour à l'hôtel, je vois des gens sortir de la projection précédant celle qui m'intéressait, et devant la salle se trouve un groupe d'américains parlant à l'ouvreur.
Comprenant qu'il s'agit de l'équipe du film, je jette un oeil aux prospectus présentant leur oeuvre, Love stalker, disposés sur une table basse à côté du fauteuil où j'étais. Quelqu'un du groupe veut les récupérer, je demande à en garder un ; je demande s'il est de l'équipe du film et j'apprends que la personne en question est le réalisateur. Gêné de ne pas avoir vu son film, j'explique avoir eu des places pour un autre en compétition, et me rendant compte qu'il peut mal le prendre je dis que je m'intéresse aussi à d'autres... (comment dire ça sans vexer ?) moins connus.
Voulant rassurer le cinéaste, je dis peut être aller voir sa réalisation un autre jour, seulement c'était là la seule projection. Je me rattrape en disant le voir à une potentielle sortie, ajoutant que je le verrai sur le net, ce à quoi heureusement le réalisateur répond d'aller voir le trailer sur facebook.

Tant qu'à être en présence de la personne, je demande une dédicace au cours de la discussion, "if you become famous", dis-je maladroitement et sans tellement le penser, l'autographe devenant un objet dénué de son sens. Le réalisateur fait également signer l'actrice, que je reconnais sur l'affiche malgré le fait que son visage n'y apparaisse qu'à moitié.
J'ai perdu un stylo noir qu'ils ont emporté, mais je gagne des dédicaces... l'échange aurait peut être été plus honnête si ç'avait été Tarantino, tout de même.
Quoiqu'il en soit, je pense réellement voir ce film, quand il sera disponible, pour le respect et la certaine admiration que j'ai désormais envers ces gens, qui ont pu réaliser leur oeuvre malgré les conditions d'amateurs, qui réussissent à le présenter à Cannes, et qui se déplacent pour l'occasion alors même qu'il ne s'agit que d'une unique projection dans une petite salle.
Il y a de plus désormais un aspect humain lié à ma perception de ce film qui me donne envie de le voir, pour avoir rencontré les membres de l'équipe, par ailleurs sympathiques, et pour avoir eu des dédicaces sans même avoir assisté à leur projection. C'est donc également un devoir, une marque d'honnêteté tacite envers eux, que de voir leur création.
Pour la séance de Yakuza weapon, j'apprends qu'il me faut une invitation, que l'on pouvait obtenir au marché.
J'attends tout de même, selon les conseils de l'ouvreur, l'arrivée éventuelle d'une personne de la société distribuant le film, avec quelqu'un d'autre dans le même cas que moi.
Il se trouve justement qu'une femme arrive et nous fournit des invitations, ayant simplement demandé "Are you from the festival ?", et non "are you buyers ?", après quoi nous lui avons montré nos badges.
Peu avant, je demandais au passage à l'employé de l'hôtel si l'équipe du film sera présente, ce qui selon lui est rare. Il demande si je les connais, ce à quoi je lui dit que non mais lui évoque cette nouvelle vague de gore asiatique, où tous les créateurs sont un peu liés entre eux... je n'en étais pas sûr du tout, mais après vérification depuis, l'un des réalisateurs l'a aussi été pour Meatball machine et Battlefield baseball, et l'autre a été acteur dans Versus et Tokyo gore police.


Yakuza weapon


Fiche du film :
Réalisateurs et scénaristes : Tak Sakaguchi et Yûdai Yamaguchi
Année : 2011
Genres : Action / Science-fiction
Acteurs principaux : Tak Sakaguchi, Shingo Tsurumi, Akaji Maro

Avis sur le film :
Je n'avais pu voir Naked soldier, ou même Bong of the dead, la veille, mais là je pouvais voir Yakuza weapon, qui m'intéressait déjà bien plus.
J'avais une idée de la démence de ce à quoi j'allais assister, mais on nous annonce tout de même à quoi s'attendre avant même le film, avec la courte vidéo présentant la société "Sushi typhoon", qui consiste en un plan d'un maki soigneusement préparé qui soudain explose.
Le début du film annonce aussi immédiatement la suite des évènements.
En ouverture, une définition austère de ce qu'est le yakuza, qui ne peut certainement pas être prise au sérieux en se doutant de ce qui va surgir après.
La première séquence nous présente le héros dans toute sa splendeur, tenant debout tandis que des militaires s'effondrent autour de lui en se faisant toucher par balles. Shozo, lui, reste dressé sur ses pieds, et nous fournit une information utile : "you only get hit when you're afraid to get hit". Ainsi lui est-il possible de sauter sur des mines sans crainte, tant qu'il hurle à pleins poumons "willpower !".
Le ton est donné, pour ce film qui allie action dénuée de toute raison et humour idiot, souvent scabreux. Ce dernier passe plus ou moins bien selon les cas : un ennemi qui imite une pose de combat où il est accroupi, craquant alors son pantalon et pétant, ce n'est pas drôle, malgré l'intention première acceptable. Un chef qui sort des toilettes en disant que le boucan l'a déconcentré alors qu'il déféquait, par contre, c'est déjà plus comique, mais la différence tient à peu de choses.

Il y a des passages brefs qui paraissent s'aventurer dans d'autres genres, comme des intrus totalement abscons, comme avec ce plan au ralenti sur une perruque qui vole au vent durant un combat, ou ce soutien-gorge d'une ennemie qui, curieusement, tombe après qu'elle ait été anéantie.
Pour perpétuer la tradition de Robo-geisha ou Battlefield baseball, l'humour crétin est couplé avec une violence amplifiée et basée sur de l'excentricité qui se renouvelle toujours : des chaussures-à-crampons-perceuses, ou un lance-missile dans le genou.
Etrangement, dans Yakuza weapon est inclue une histoire dramatique apparemment plus sérieuse, se basant sur des flashbacks du héros avec un ami de longue date, dont la soeur a été violée et qu'il veut venger. Il y a là une tentative honorable de vouloir approfondir l'histoire en explorant le passé du personnage principal, avec toujours des touches d'humour de temps à autres, en même temps que nous assistons à son retour dans son quartier après des années d'absence. Cependant ce tournant est trop inatendu, et certains retours en arrière perdent au premier abord le spectateur s'attendant à un spectacle totalement décérébré du côté de son scénario.


Le retour au délire complet ne tarde heureusement pas, avec l'équipement bionique du personnage principal en sus.
Les effets spéciaux numériques sont très médiocres, le sang est clairement faux, les explosions aussi, et les astuces utilisées pour installer une illusion sont visibles : le bâton de TNT en CGI quitte l'espace visible avant de pouvoir exploser, hors-champ.
Les combats quant à eux ne sont pas mauvais mais trop banals, quoiqu'un renouvellement s'effectue avec un plan-séquence phénoménal en moitié de film qui permet de rendre impressionnant ce qui était devenu une simple répétition de coups de pieds, de poings, et de tirs à la sulfateuse.
L'autre idée très marquante qui arrive en seconde partie du long-métrage est cette femme littéralement objet, transformée en une arme obscène dont tous les orifices et toutes les positions sont mobilisées pour tirer des coups, et toutes les possibilités sont exploitées à partir de cette même idée de départ pour en obtenir le maximum.


La fin, jusqu'au-boutiste et complètement absurde, s'inscrit dans une certaine logique puisqu'elle donne en quelque sorte la définition détournée de "yakuza" d'après les réalisateurs, comme en réponse à celle plus traditionnelle du début, les deux se rejoignant dans une certaine mesure, puisque pour les géniteurs du film, la figure Japonaise qu'ils évoquent dans le titre est caractérisée par une détermination et un courage sans faille. Le héros se montre digne de son statut de yakuza, quitte à se tuer en emportant d'autres personnes avec lui dans une explosion titanesque, cela afin de déjouer les plans d'un fou qui a mis une ogive nucléaire à son entrejambe.

Bande-annonce VOST :



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A noter que c'est la première séance du Marché du film à laquelle j'ai assisté, et que j'ai été surpris par les déplacements incessants des acheteurs, rentrant ou sortant n'importe quand, attirés à l'extérieur par un appel de portable ou peut être en ayant simplement marre de voir un long-métrage où on troue la tête de quelqu'un avec une chaussure à crampons.
A la sortie, je demande à divers personnes, dont l'ouvreur, qui n'est plus le même qu'auparavant, si le réalisateur est présent. Il semblerait que non, et même la femme ayant donné les invitations a disparu ; l'ouvreur me dit qu'en général ils ne restent pas longtemps. Dommage, j'aurais aimé rencontrer les géniteurs de la folie que je venais de voir.
A la sortie du cinéma, je revois Samy Naceri, plus calme, prêt à poser avec les gens autour de lui sans s'énerver. Le voir deux fois en deux jours, c'est beaucoup trop pour être un hasard ; mécontent de ne pas pouvoir se présenter à Cannes pour un film, il devait traîner dans les rues à chercher le regard de ceux l'appréciant.
Mes acolytes l'ont revu le lendemain aussi, et à en croire un journal que j'ai lu depuis mon retour, l'acteur semblait réellement doué d'ubiquité durant le festival.

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 3)


Dimanche 15 mai - Jour 2 :
Le matin, une fois arrivé à Cannes, je me rends compte que j'ai oublié mon badge.
Je refais l'aller-retour.
J'ai su dès lors que les prochains jours j'allais être animé d'une paranoïa, à me tâter régulièrement le cou pour voir si mon badge y pendait encore, cet objet sacré dans le cadre du festival car permettant, à condition de l'arborer fièrement, d'assister à de nombreuses séances et d'accéder à divers lieux librement.
Heureusement la séance de 11h à laquelle j'avais prévu d'aller ce jour là, à savoir celle de The Prodigies, était en 3D.
De plus, durant ma promenade servant à passer le temps dans le Village international assez dénué d'intérêt, j'apprends que mes compagnons de route n'ont pu rentrer, la presse étant passée en priorité jusqu'à ce qu'il ne reste aucune place de libre.

Après un déjeuner uniquement composé de sandwichs préparés le matin même et consommé sur un rebord d'espace vert à l'extérieur du Palais des festivals, je suis le groupe, qui veut faire la queue dans la file "accès de dernières minutes", pour essayer d'avoir des places pour la projection de The artist. C'est alors que j'ai eu connaissance de ce système : les personnes dotées d'invitation passent de suite, tandis que ceux qui ont uniquement leur badge peuvent essayer d'attendre qu'il reste des places supplémentaires. Ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre de ces objets doivent attendre des heures sous le soleil, parfois en vain comme ils s'en rendent compte en fin de journée, pour que quelqu'un de privilégié daigne leur donner ou leur vendre une invitation.

Nous avons attendu un bon moment sous un soleil mettant à l'épreuve la résistance de la peau de notre nuque. En suivant les autres, j'ai sacrifié ma séance pour Ducoboo, qui devait commencer 30mn avant The artist. Incertain au départ de pouvoir entrer pour ce dernier, j'avais proposé la séance de Polisse à la même heure, mais qui devait quoiqu'il en soit attirer autant de monde, donc il aurait été tout aussi peu sûr de pouvoir le voir en voulant s'y rendre.
Deux d'entre nous se sont fait offrir des invitations, tandis que j'ai attendu avec les autres sous ce même soleil jusqu'à ce qu'on nous fasse passer la grille en nous demandant de jeter nos bouteilles d'eau.
L'accès au Palais ne signifiait pas forcément l'accès à la salle, car, bien qu'en me dépêchant en ne me prenant pas en photo sur le tapis rouge contrairement à d'autres, je suis arrivé sans être sûr de pouvoir rentrer. Heureusement, alors que tout semblait fini, j'ai entendu à une entrée autre que celle où je me trouvais l'annonce d'une place restante, que j'ai pu occuper en dépassant un homme en couple hésitant à attendre sa compagne ou non.

 
The Artist
 

Fiche du film :
Réalisateur : Michel Hazanavicius
Année : 2011
Genre : Comédie
Acteurs principaux : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman
Résumé : Une star du film muet tombe amoureux d'une inconnue sur un tournage. Leurs chemins se séparent en même temps qu'au cinéma apparaît le son, ce changement apportant la faillite pour l'un des deux et la gloire pour l'autre.

Avis sur le film :
Mel Brooks avait déjà essayé de faire un film muet dans un contexte contemporain, ce n'était pas une réussite selon moi, et ça fait peut être partie des éléments qui ont fait que je n'étais pas tenté par The artist.
La grande différence ici, c'est tout de même qu'il y a de la musique au piano, comme dans les salles de cinéma d'avant les années 30, alors que Brooks optait pour le silence complet, forcément ennuyeux au bout d'un moment.
La musique du film d'Hazanavicius est magistrale, et évidemment une grande importance lui est accordée puisqu'elle couvre tout le film. Je pensais qu'elle allait finir par lasser à la longue, mais au bout d'un moment on est trop pris par le film pour que ça n'arrive.
Comme pour Mel Brooks, l'imaginaire du film muet, repris dans un contexte moderne, est lié aux grands studios de cinéma vus depuis les coulisses auxquels on attribué une esthétique rétro. Dans Silent movie, Brooks ne faisait pas dans la finesse, aussi bien concernant ses gags que pour son scénario dans lequel il se mettait en scène essayant d'instaurer son film muet à Hollywood.
Hazanavicius se montre plus malin. La mise en abîme du début, où le film dans le film est vu en plein écran ou intégré sur l'écran d'une salle de cinéma des années 20 où le public est hilare, fait déjà preuve d'un regard empli de tendresse sur une autre époque, et ça se poursuit dans le scénario mêlant une histoire d'amour avec celle d'une ère du cinéma reproduite avec respect, liant la rupture réelle entre le muet et le parlant à la difficulté de la relation entre deux personnages.


Bien que français, le film se permet d'avoir des stars américaines grâce à l'absence de paroles unifiant le casting par un langage seulement gestuel, ainsi John Goodman a-t-il un rôle important, tandis que Malcolm McDowell fait lui aussi acte de présence mais pour une scène mineure où il ne sert qu'à montrer sa tête.
L'acteur principal est tout de même francophone, il s'agit de Jean Dujardin, qui fait le clown comme d'habitude, toujours doté du même visage souriant d'un air niais ; mais il arrive à s'adapter aux mimiques caractéristiques du muet.
Le film arrive à ressembler énormément aux vrais films de l'époque, de par son esthétique travaillant sur les ombres ou des plans comme celui frontal sur un grand escalier, ou des coups de génie dans la mise en scène qui ramènent dans le passé en faisant penser à de réels films muets, comme avec l'ingénieux passage du rideau qui se lève pour dévoiler progressivement les jambes d'une actrice, astuce purement visuelle qui fonctionne à merveille. Ce faisant, The Artist arrive à éviter le cliché de la représentation trop directe, en faisant subtilement appel à la vision que nous avons de ces films.


L'usage des codes du cinéma muet est à la limite de la parodie sans non plus être exagéré, au contraire, puisque les règles sont respectées, mais leur utilisation se place intelligemment à la frontière de la dérision. Le scénariste parvient à réintégrer les cartons de texte, ou les retirer pour créer un trouble, mais de sorte à leur offrir une fonction nouvelle qui correspond à un regard neuf et analytique sur ce qui fait le film muet.
Avec des éléments connus, Hazanavicius arrive à innocere et à créer de la surprise.
Le long-métrage se place également entre film muet crédible et oeuvre aux éléments que l'on n'aurait pas oser utiliser à l'époque, jouant notamment sur les principes du code Hayes mais en étant conscient de ce que ça veut dire dans l'esprit du spectateur, car en cachant The artist signifie, puisque nous savons tous ce qui se passe du côté du couple quand la caméra se détourne, sans que l'on retrouve la même lourdeur que dans OSS 117 avec son gag du miroir. Il y a aussi un geste obscène vite dissimulé, comme rattrapé par une certaine censure.
Les gags sont futés, et assez rares, mais cela vient du fait que l'auteur ne cède jamais à la facilité, là où j'aurais personnellement été tenté de placer une blague, finalement peut être trop attendue.


Il y a par ailleurs d'autres très bonnes idées, et pas forcément comiques.
La scène de rêve est superbe, à partir d'une idée pourtant si simple, et retire presque le côté cliché propre au procédé du songe.
Le passage le plus marquant reste tout de même celle du manteau, trouvaille qui marche incroyablement bien visuellement.
Malheureusement le film épuise au bout d'un certains temps toutes ses merveilleuses idées, traîne en décrivant trop longuement le désarroi du personnage, et desarçonne avec une scène en particulier où une ombre se fait la malle, ce qui est tellement dommage après une première partie si forte.
La fin n'est pas bien plus originale, prévisible puisqu'après tout dans son fond le film suit une trame classique d'un couple qui se trouve puis se retrouve, mais elle conclut comme je l'attendais un film beau et par instants très bon.

Bande-annonce VF :

vendredi 20 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 2)


Samedi 14 mai - Jour 1 (suite) :
J'ai enchaîné avec un documentaire sur Michel Petrucciani, qui a pris du retard. Dans la file d'attente, un type m'a parlé de films Iraniens en me postillonant dessus.

Une fois dans la salle, je me rends compte que ce qu'a dit un chroniqueur sur le blog de Chronic'art dédié au festival était vrai. On m'avait fait lire son avis sur un des premiers jours, où il parlait de l'envie d'une douche durant chaque jour du festival, et incluait ça dans ses critiques, décrivant Sleeping beauty comme une douche glaciale.
Eh bien pendant le documentaire sur Petrucciani, j'ai vraiment eu l'impression que j'avais besoin d'une bonne douche, en effet, et ce indépendamment de la qualité de l'oeuvre en elle-même.
La salle était certes confortable, comme me l'a dit le postillonneur, mais vraiment mal construite : l'écran est trop proche des sièges et les personnes placées sur les côtés voient l'image aplatie.

Michel Petrucciani, body and soul

L'affiche était aussi au festival. Elle n'est pas sur le net.
Fiche du film : Réalisateur : Michael Radford
Année : 2011
Genre : Documentaire
Avis sur le film :
J'ai du choisir entre voir A bronx tale et attendre des heures, ou voir d'autres films. J'ai choisi déjà Porfirio, qui m'intéressait assez, et puis après celui-là, dans les projections m'attirant un minimum, il y avait Michel Petrucciani, que je suis allé voir sans être trop motivé, vaguement intéressé, en tout cas plus que pour aller à une autre séance, et ce parce qu'on m'avait lu la veille que ça parlait d'un musicien nain.
Apparemment très célèbre, il m'était totalement inconnu, et ce documentaire allait être l'occasion pour moi de le découvrir totalement.

Les premières scènes laissent croire à de mauvaises reconstitutions des évènements placées entre les images d'archives, mais en réalité, si la différence de grain est marquée entre les deux, ce n'est pas à cause d'une tentative de reconstitution cheap, mais l'intercalement de vidéos récentes de personnes ayant côtoyé Michel de son vivant. Les intervenants n'étant nullement annoncés par un texte nous indiquant qui ils sont, cela crée une confusion au premier abord, et pour certaines personnes on ne fait que deviner que bien tard qui elles sont.
Il y a cependant à d'autres moments de réelles images de reconstitution pour illustrer de brèves actions, trop visiblement factices pour ne pas gêner. Mais leur usage est-il contestable finalement ? Les réaliser de sorte à ce qu'elles ressemblent davantage à des images d'archives aurait moins dérangé visuellement, mais n'aurait-ce pas été malhonnête de faire croire qu'elles étaient vraies ? L'importance de leur place dans le film tout simplement peut être remise en doute, mais elles servent quelque peu à varier le récit, pour qu'il n'y ait pas à l'image que des témoignages.

Du reste, les vraies images d'archives sont correctement intégrées au film aux côtés des interviews récentes, le lien entre eux se fait par des paroles se rejoignant, une musique du passé illustrant les images et propos du présent, et dans ce cas-là le montage se fait parfois très astucieux et précis.
Fait suffisamment rare pour être signalé : dans ce documentaire, il y a beaucoup de contradictions, et le réalisateur joue là-dessus. C'est lié à la personne de Petrucciani, mythomane qui invente sans cesse des histoires (il dit avoir joué toute la nuit avec un futur collaborateur avec qui il s'est de suite entendu), il ment tout simplement quand il dit ne jamais avoir pris de drogues - et à ce moment il y a comme détail amusant le fait que deux vidéos successives soient liées par le grattement de nez de deux personnes - ou bien il suffit des propos des autres qui lui attribuent eux-même une histoire à caractère prophétique, puisqu'une des personnes avec qui Michel allait travailler a lu des écrits évoquant un homme aux os cassés qui allait venir de l'autre côté de la mer pour le sauver. Il arrive aussi qu'on invente à sa place, à moins que les conteurs se trompent simplement en pensant que Michel a fait ses débuts par hasard en improvisant une démonstration de ses talents devant un musicien star, alors que d'autres affirment qu'il était déjà prévu qu'il joue.

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser en allant voir un documentaire sur un musicien nain et victime de la maladie des os de verre, le film n'est pas triste et ne cherche pas à nous accabler. C'est là aussi lié au personnage de Michel Petrucciani, boute-en-train perpétuel chargé d'énergie, d'humour, d'envie de vivre et de persévérance.
Ce que je retiens facilement du documentaire, c'est aussi le fait que contre toutes attentes, c'était un homme à femmes. Il pouvait en quitter une sans problèmes et en trouver une nouvelle en une semaine. Alors qu'il a abandonné certaines de ses compagnes sans laisser un mot ni répondre à leurs appels, nombre d'entre elles acceptent de répondre face à la caméra, revenant sans rancune et parlant de Michel en de bons termes, alors que la plupart racontent avoir eu le coeur brisé par la séparation, comme si tout indiquait que leur amour se poursuivait encore.

Ce documentaire m'a permis de connaître un personnage atypique qui m'était totalement inconnu, mais en dehors de la connaissance de son histoire, rien que de le voir jouer frénétiquement du piano à s'en briser les os est impressionnant.
Le film n'en reste toutefois pas là, très bien structuré et organisé entre les diverses vidéos à sa disposition, alors même qu'il suit globalement une simple progression chronologique.

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To be continued…

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 1)


Vendredi 13 mai :
Jour de malchance selon une croyance populaire. A l'arrivée à la gare, en voyant que nous devions embarquer sur le quai 13, je m'imaginais un déraillement spectaculaire façon Destination finale 43. Finalement l'évènement le plus dramatique de la journée fut la grève du RER A, qui m'a pris du temps quand j'ai du retourner chez moi avant le départ en TGV pour récupérer le chargeur de portable que j'avais oublié.
Voyage en train de cinq heures qui ont pu passer rapidement grâce aux discussions.
Soirée sans trop d'évènements, durant laquelle nous avons préparé le programme du lendemain, et du surlendemain pour ma part.


Samedi 14 mai - Jour 1 :
La première journée a été une découverte de la ville de Cannes durant le festival s'apparentant à un parcours Antonionien ponctué de changements d'avis et de projets, ce à cause de la constatation que notre badge ne donnait pas accès aux projections du "Club cinéphiles", à cause de choix forcés par des horaires de films qui interfèrent avec d'autres, et l'arrivée en retard à une séance déjà complète, à savoir celle de Polisse. Je retire tout de même un apprentissage de ce dernier point, m'étant dès lors fait une idée un peu plus précise du temps d'arrivée en avance requis.

En début de journée, étant arrivés avant l'ouverture du Palais, nous avons visité les alentours avec ses affiches géantes placardées sur les immeubles et autres dispositifs comme l'exposition des voitures de Cars 2 dans le but de promouvoir des films ; nous avons fait le tour et, émerveillés par une annonce des films à venir se basant sur une telle débauche de moyens, nous avons pris un grand nombre de photos favorisant ce mercantilisme extrême.
Après ce tour à pied, nous avons récupéré nos badges et nos sacs, et un jeune homme nous a demandé à la sortie comment avoir des places, inconscient de tous le processus qui anime Cannes.
Nombreux sont les gens à traîner autour du palais, chaque jour, tenant des pancartes pour réclamer des invitations. Le premier jour se trouvait cette fille au chapeau de pirate, voulant une place pour la projection cinq jours à l'avance du dernier Pirates des caraïbes. Je l'ai revue dans la rue, vers 19h, alors que c'était l'heure de la séance.

Nous nous sommes rendus juste après au marché du film.
Je l'avais auparavant vécu à travers les résumés sur internet, cette fois je pouvais réellement pénétrer en ce lieu qui, je le savais, allait regorger d'affiches et de feuillets sur des films farfelus venus du monde entier et qui sortiront en direct-to-video aux USA mais que nous ne reverrons plus jamais en France pour la plupart.
C'était un véritable enchantement, supérieur à celui des affiches à l'extérieur qui présentaient des films encore trop connus.
En vrac, au marché :
-Un mur couvert de prospectus et d'affichettes, dont une pour "Dans la froidure de la nuit", pour "How Nikola Tesla popped my cherry", et "Le boucher, la viande, et l'amour dans tout ça ?".
-Un stand pour un film d'animation asiatique, The mighty green, parlant d'un lapin nerd construisant un robot pour gagner au ping pong. On y a pris des magnets et des post-it à l'effigie des personnages du film.
-Pleins de posters de films aux titres alléchants comme : Dear friend Hitler, With love to Obama, Finding Gandhi, Yakuza weapon, Eddie the sleepwalking cannibal, Amsterdam heavy, Pregnant man, Sand sharks, Fred the movie (mais qui est Fred ?), Naked soldier, ...
-Un feuillet qu'on m'a passé pour This girl is bad-ass, qui est en fait, à ma grande surprise, le titre anglais d'un film Thaïlandais dont j'avais vu le poster sur Movieposterdatabase puis la bande-annonce grotesque : Jakkalan !
-Un film de super-héros Indien : Ra-One.
-Une affiche pour des films Turcs.
-L'affiche, puis plus tard le stand, de Juan of the dead.
-Un stand avec Cougar hunting ("cougar" dans le sens donné au terme dans les années 2000), The toolbox murders 2 et... Night of the living dead : Reanimation 3D, sorte de mélange non-officiel entre le film de Romero et Re-animator, avec lequel le lien implicite est renforcé par la présence de Jeffrey Combs au casting.
-Des escaliers décorés au nom de Dracula 3D, le prochain Dario Argento, avec juste derrière le stand correspondant. Je suis revenu après, quand il n'y avait personne d'autre, pour demander au responsable si le film était déjà en production (réponse : le mois prochain) et quand il sortirait (réponse : en janvier).
-Un écran passant des trailers de films asiatiques étranges.
-Un stand avec des films d'animation cheap et laids.
-Un stand où le responsable nous demandait si on était filmmakers, pour finalement, au fil de la discussion, proposer d'aller voir Exodus falls, road movie incluant Rosanna Arquette. Ne trouvant pas d'invitations, il écrivit un mot pour nous afin d'accéder à la séance.
Je ne le savais pas encore, mais il fallait des invitations pour les projections du marché du film. A ce même stand : les affiches de Animen et Wam bam, pac's the man...
-L'affiche de Cinderella 3D : Cendrillon avec des personnages animaux anthropomorphes au far west.
-Le feuillet pour Some guy who kills people. Par le réalisateur de Mega Shark vs Giant Octopus, signale le verso.
-Un stand avec une affiche en lenticulaire de Conan 3D, accompagnée des pré-affiches de Hercules 3D, The Texas chainsaw massacre 3D, et The expendables 2.
-Un stand avec l'affiche de 2001 maniacs : Field of screams. Le responsable refusait de me donner un feuillet tant que je n'étais pas acheteur. Un de mes acolytes m'a proposé de lui filer une de ses cartes de visites, puisqu'il avait eu un livret à un autre stand grâce à ça. Finalement je ne l'ai pas fait, mais il a eu la bonne idée de me suggérer de prendre des cartes à d'autres stands, pour faire croire qu'elles étaient miennes.
-Affiche de L.A. Zombie, au slogan "He came from the sea... to fuck the dead back to life". Oeuvre de Bruce LaBruce, réalisateur de Otto or up with the undead.

Nous avons raté Polisse. Retour plus succinct au marché :
-Une affiche américaine de L'élève Ducobu, renommé "Ducoboo".
-Stand Eurociné avec des films de feu Jean Rollin et autres bizarreries.
-The wicker tree, une suite à The wicker man, aussi avec Christoper Lee.
Par contre, constatation tragique après la consultation de la liste des exposants : il n'y a pas Troma.

En début de soirée, il y avait une séance de A Bronx tale en présence du réalisateur, soit De Niro. Mes collègues choisissent d'attendre des heures pour le voir, et après une hésitation, je choisis de favoriser le nombre de films vus, ayant en plus de cela déjà visionné le film de Robert.

Avant ça tout de même, un nouveau tour, qui nous permet de faire un tour dans une boutique officielle de souvenirs du 64ème festival. Les t-shirts y coûtent plus de 20€, les posters une dizaine, tout est à un prix exorbitant, et les sacs que nous avons eu gratuitement sont à 15€.
Je me demande à quoi servent ces produits à ceux qui les achète ? Dire "je suis allé au festival de Cannes, puisque je n'avais pas de badge j'ai du rester à la porte des projections, je n'ai donc pas pu réellement profiter des évènements à part en restant des heures à essayer de récupérer une invitation en vain, mais en tout cas ce sac que j'ai payé 15€ est la preuve que j'y étais" ?

Nous avons aussi pu voir Samy Naceri s'engueuler à une terrasse, premier contact visuel qui confirme l'image qu'on a de lui.
En allant plus loin que le matin, je découvre une affiche pour Avatar... qui se révèle être en fait "the biggest movie of all time 3D", la prochaine production de ces connards qui ont pondu "big movie".
Peu après, on remplit des formulaires pour participer à un jeu, et des cris de la foule nous mènent au Martinez où on appelle "Vanessa". On ne la verra pas, qui qu'elle soit, et on retourne finalement vers le Palais.
Je pensais voir The slut, titre prometteur, mais je ne peux y avoir accès, la séance étant réservée au Club des cinéphiles, et donc il n'était pas possible de voir Ducoboo le lendemain, film que je voulais absolument voir uniquement pour détester cet affront à mon enfance, ou alors à une autre séance, mais qui m'empêcherait de voir Polisse.
A ce moment là, il n'y avait plus le temps de voir autre chose, ayant suivi mes camarades au lieu d'essayer la séance de courts-métrages, qui avait déjà commencé quand je découvris que je ne pouvais voir The slut.
Une heure après il y avait Bong of the dead ou Naked soldier ; j'ai préfére voir Porfirio.

Porfirio
L'affiche était au marché du film. Elle ne semble pas encore être sur le net.
Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Alejandro Landes
Année : 2011
Genre : Drame
Acteurs principaux : Porfirio Ramirez, Jarrilson Ramirez, Yor Jasbleidy Sanchez
-Résumé du programme de la Quinzaine des réalisateurs : "Dans une ville lointaine à la périphérie de l'Amazone, Porfirio est un homme qui vend des minutes de téléphone portable pour gagner sa vie. Confiné dans un monde réduit à son lit et son fauteuil roulant, contraint de porter des couches, il rêve qu'il peut voler."
-Résumé du programme du marché du film : "A Colombian man confined to a wheelchair hijacks a plane with two grenades in his diaper and the help of his teenage son".

Avis sur le film :
Avec le premier résumé farfelu ci-dessus qu'on m'a lu, je voulais totalement voir le film. Le second, que j'ai lu le lendemain, a apporté une information supplémentaire qui confirmait mon envie, bien qu'à partir de là je me doutais que le délire annoncé par les résumés allait sûrement être absorbé par l'aspect indépendant de ce film Colombien qui allait ressembler à tant d'autres.

J'en profite pour parler des deux vidéos présentées avant le film. L'une présentait divers images violentes et était un message contre la censure. La seconde présentait un asiatique menacé avec une arme, suppliant face caméra ; la scène se finissait par quelque chose comme "Si vous ne parlez pas japonais, nous vous fournissons les sous-titres", message de la part de la société ayant créé ceux de Porfirio... Ces spots étaient plutôt malsains.

La projection, première mondiale apparemment, était précédée d'une présentation en présence du metteur en scène. L'homme qui parlait de ce dernier évoquait un réalisateur hors du commun, qui filme les corps et les visages de sorte à faire transparaître l'âmes des personnes à l'écran. Il n'y allait pas de main morte, et pourtant je voulais bien le croire ; ainsi j'ai cherché ce qu'il annonçait dans les premières images, crues, me demandant si voir les seins du personnage principal en gros plan, son corps étant montré à nu sans artifices hollywoodiens, ou le regarder astiquer son dentier, nous donnait accès à son essence. Peut être que de ce désir de fouiller l'intériorité de quelqu'un vient l'idée de ne rien cacher poussée à l'extrême, car bientôt nous voyons Porfirio assis dans son fauteuil roulant dans sa salle de bain, ne rien faire, jusqu'à ce qu'un excrément tombe de son arrière-train ; en effet le personnage éponyme était en pleine défecation. Son fils ne tarde pas à laver son père, puis à ramasser ce qu'il a déposé sur le sol carrelé.

Avant la séance, j'ai expérimenté ce qui semblerait être une triste tradition pour les habitués de Cannes, et ce dès le premier jour pour moi : j'ai constaté avec horreur que j'étais pris d'une envie de m'assoupir une fois assis dans le fauteuil. Les applaudissements à l'arrivée d'Alejandro Landes et son équipe m'ont tiré de ma torpeur, mais le sommeil est venu me rattraper dès une dizaine de minutes après le début de la projection, à cause du manque d'action propre à ce genre de film. Heureusement un petit somme a suffit à me requinquer, et l'agitation arrive en quelque sorte plus tard, dans une certaine mesure, ayant été saisi par des images qui vont plus loin encore. Le réalisateur cherche la crudité, il organise son film afin de la mettre en scène, ainsi nombreux sont les plans sur les postérieurs se trémoussant, à croire que c'est de là que l'on peut explorer le corps jusqu'à en arriver à l'âme, et mieux encore : une scène où Porfirio se tripote pendant que les fesses de sa femme arrivent en gros plan pour remplir l'écran, juste avant qu'elle ne retire son short, le cadre ayant été pensé simplement pour cette vision envahissant la salle de cinéma.
Il y a tout de même un vrai investissement de la part du couple, pour se montrer dans le plus simple appareil devant la caméra, ayant tous deux un physique assez ingrat, et pour oser se montrer se faire lécher l'anus par son compagnon.

Concernant l'intériorité des personnages, il y a un plan au début qui peut y faire penser, où une eau en mouvement dans un évier se reflète sur le visage du héros, mais c'est le seul effet du genre dans le film.
Il y a un certain travail de mise en scène tout de même par moments, comme lorsque par une réflexion sur le son au cinéma le montage nous fait croire que le portable de Porfirio vibre alors qu'il s'agit de celui de quelqu'un derrière lui, mais cela ne sert véritablement à rien dans le récit. Il en est de même pour quelques scènes de contemplation purement inutiles, comme lorsque le fils du héros reste en apnée dans une baignoire, et qui parfois n'apportent que le plaisir de voir sur grand écran, par exemple, une pelleteuse démolir un bout de route.
Assez bizarrement, il y a aussi une certaine complaisance à montrer des handicapés, sans que ce soit justifié. Il se trouve que le réparateur de fauteuil roulant soit lui même invalide, incapable de déplier les jambes pour se lever, et se déplaçant accroupi.

Le film semble vouloir montrer la vie sans issue de Porfirio, coincé dans son fauteuil, qui veut faire n'importe quoi pour échapper à la routine, quitte à faire tomber un vase et rouler dessus pour le réduire en miettes.
En attendant ce qu'annonçait le résumé du Marché du film, à savoir le détournement d'avion, qui n'arrive qu'à la fin, comme pour ce qu'annonce Warner bros sur le verso du DVD de Mad Max, le scénariste tente de meubler de sorte à représenter l'existence insipide de son personnage. Il y a quelques tentatives à faire de l'humour, qui a fait rire certains dans la salle sans que je ne comprenne : Porfirio retirant un accoudoir de son fauteuil pour se gratter le dos, et plus tard une femme ayant retiré une TV chez le prêteur sur gages qui jette l'objet à terre en disant "comme ça il ne sera ni à moi, ni à vous"...
Le seul passage qui ait à peu près marché est la présentation de modèles de couches pour adultes par une vendeuse.

Evidemment, Porfirio est loin d'être le délire envisageable à travers les résumes cités ci-dessus, ceux qui les ont rédigé ayant pioché dans divers éléments du films pour les assembler de façon à concentrer des éléments qui, par leur association immédiate, font penser à un spectacle haut en couleur.
Cette oeuvre est toutefois un curieux mélange, mais tout en lenteur, entre film contemplatif et choc des images, éléments le plus marquant de l'oeuvre, les fesses poilues de Porfirio pouvant suivre une scène de récitation poétique.
L'avancée narrative s'articulant difficilement, le film devient confus, surtout concernant les motivations du personnage principal qui finalement ne semblent être liées qu'à son ennui. Heureusement, le dénouement éclaire certains points, de façon originale qui plus est, puisque cela se fait à travers les paroles d'une chanson simple mais touchante de la part du héros.

Bande-annonce VO :

samedi 7 mai 2011

The Toxic Avenger part II


Fiche du film :
Réalisateurs : Lloyd Kaufman et Michael Herz
Scénaristes : Lloyd Kaufman et Gay Partington Terry
Année : 1989
Genre : Comédie
Acteurs principaux : Ron Fazio, John Altamura, Phobe Legere
Résumé : Grâce au Toxic Avenger, Tromaville a été débarassée de tous ses criminels, mais c'est sans compter sur la société Apocalype, qui veut prendre le pouvoir. Ils envoient Toxie au Japon retrouver son père, et profitent de son absence pour faire régner la terreur.

Avis sur le film :
Avec un budget dérisoire de 500.000$, le premier essai de Lloyd Kaufman dans ce qu'il considère comme du cinéma horrifique rapporte, ayant un certain succès en salles. Il poursuit sur la même voie avec deux autres films que sont Troma's war et Class of nuke'em high, présentant eux aussi de la violence irraisonnée et un humour graveleux, mais il garde en tête l'idée de faire une suite à son Toxic avenger. Tel qu'on le sait depuis, Kaufman est un businessman hors pair capable de vendre n'importe quoi dans n'importe quel pays, et en 1989 c'est au Japon qu'il trouve des investisseurs pour son nouveau bébé. Contre quelques millions pour faire son film, le "premier monstre super-héros du New Jersey" continue ses aventures au pays du soleil levant.


Cela se voit que Kaufman et Herz ont eu à leur disposition plus d'argent, car en dehors du voyage à Tokyo qu'ils offrent à leur équipe de tournage, ils se permettent de voir plus grand concernant les décors et le nombre d'acteurs employés, ou de s'offrir le luxe d'articuler l'oeil droit de Toxie, à savoir celui mal placé sur son visage, et d'avoir plus de titres dans la BO que le premier film qui n'en comportait qu'environ trois, avec même désormais une superbe chanson au nom du Toxic Avenger.
Malgré cela, cette suite ne change pas l'esprit décalé propre à Troma, si ce n'est peut être qu'il y a un air de cartoon qui s'y ajoute, comme si le film avait rendu vie à un dessin-animé de Tex Avery, les effusions de sang en plus, même si le fait que la violence improbable des séries pour enfants soit transposée dans la réalité est déjà assez étrange dans l'idée.
A la fin du premier opus, la corruption et le crime avaient été anéantis, et c'est à partir de là que doit reprendre l'épisode 2. Cependant, nous retrouvons déjà l'esprit railleur de Kaufman et ses confrères dès le début, alors même que Tromaville est en paix, par le fait que le film tourne cette paisibilité en ridicule par une parodie du caractère niais d'une tranquilité utopique excessive. La voix du héros qui commente ces images est de nouveau semblable à celle d'un adolescent, celle de Marty McFly dans la version française, au lieu de celle de gros dur qu'il avait acquis lors de sa mutation, comme si le Vengeur s'était ramolli avec toute cette gentillesse insupportable autour de lui.


Pour ajouter à la moquerie de l'introduction le gore nécessaire pour compléter le tableau Troma-esque, le récit fait intervenir de nouveaux méchants faisant partie de la "société Apocalypse", qui débarquent sans problèmes, à se demander comment la criminalité a pu être totalement tenue à l'écart de la ville jusque là. Peu importe car les scénaristes sont loins d'être soucieux de la logique. Un membre du Ku Klux Klan, un homme-chien, un redneck, un travesti, un nain et autres sbires hauts en couleurs s'alignent pour affronter Toxie, sans qu'il n'y ait besoin de justifications autres que l'envie de mettre en scène un bain de sang insensé.
Par contre, malgré les efforts pour trouver une excuse, cette dernière étant placée à la fin d'un long discours censé faire qu'elle soit acceptée plus facilement du public, le périple forcé au Japon est amené de façon ridicule. Le film, toutefois, s'en accomode bien finalement, car n'en est pas à une invraisemblance ou excentricité près et se tourne lui-même en ridicule, comme en témoigne le déplacement au Japon effectué en planche à voile qui achève d'écarter toute prise au sérieux.
Les cinéastes profitent de ce séjour en Asie pour intégrer des références à des armes typiques du film de kung-fu ou des influences du manga, la présence de Gô Nagai en caméo n'étant sûrement pas un hasard, mais quoiqu'il en soit Toxic avenger part II est un grand melting-pot d'éléments divers unis par le goût du n'importe quoi hilarant : des blagues et jeux de mots que les réalisateurs n'ont pas eu honte d'avoir placé dans leur film, un mépris admirable de la cohérence au nom de l'humour trash rocambolesque, et une utilisation inventive et brutale de tout ce qui peut se trouver dans l'environnement, que ce soit des poissons ou un panier de basketball.


Ce second film est aussi l'occasion d'en savoir plus sur le Vengeur Toxique favori du New Jersey, puisque nous rencontrons son père, découvrons les "Tromatons", ce qui arrive quand il pleure et quand il défèque, après l'avoir vu uriner par le passé. Melvin a également une nouvelle copine, Claire, une autre blonde aveugle, qui nous donne un aperçu de ce qu'est la vie en couple avec le monstre-super-héros, et dont l'hystérie et le manque de pudeur sont bien représentatifs de tout le film.
Il n'y a que lors d'une des dernières séquences que l'on peut reprocher à cette production de Troma une narration bâclée, la course-poursuite motorisée ayant visiblement été placée au dernier moment, agencée par la voix-off qui explique précipitamment la situation, et elle sert surtout à écouler de l'argent supplémentaire avec ce passage rempli en action. Il s'agit du défaut le moins excusable de Toxic avenger part II, qui autrement est un spectacle jubilatoire hallucinant de bêtise assumée et maîtrisée, beaucoup plus poussé et délirant que son prédécesseur.
Et cette fois encore, le doublage français participe au caractère rétro grotesque et risible, avec quelques accents et intonations complètement exagérées et une traduction parfois approximative.

Bande-annonce VO :

jeudi 5 mai 2011

The Toxic Avenger


Fiche du film :
Réalisateurs : Lloyd Kaufman, Michael Herz
Scénaristes : Lloyd Kaufman, Stuart Strutin, Joe Ritter, Gay Partington Terry
Année : 1984
Genres : Comédie / Horreur
Acteurs principaux : Mitch Cohen, Mark Togl, Andree Maranda, Pat Ryan
Résumé : Freluquet travaillant comme balayeur dans un club de sports, Melvin Junko est le souffre-douleur des clients. Un jour quelques uns d'entre eux lui font une blague qui va beaucoup trop loin, et le pauvre employé finit dans un fût de déchets toxiques. Subissant d'horribles mutations, il est défiguré mais sa musculature s'est développée, et avec son nouveau physique il devient un justicier peu ordinaire, le "Toxic Avenger", qui va faire le ménage dans Tromaville.

Avis sur le film :
Lloyd Kaufman, créateur de la société "Troma entertainment", était alors superviseur de pré-production pour le tournage de Rocky quand il décida de réaliser un film d'épouvante à sa façon, ayant lu dans un magazine que le genre était mort. Il choisit de planter une partie du décor dans un club de gym pour son premier long-métrage horrifique, qui se révèle finalement être une comédie subversive avec pour personnage principal un super-héros n'hésitant pas à abuser de la violence.
Alors que Troma ne se chargeait jusque là de produire que des teen comedies osées, à l'exception du thriller Mother's day, la compagnie s'est spécialisée depuis dans les films déviants les plus fous, avec le Vengeur Toxique devenu son emblême.


Des traces des précédents films de Troma persistent, avec la présentation de jeunes idiots caricaturaux à l'extrême, préoccupés principalement par leur physique et un thème ayant alimenté le teen movie de toutes époques depuis sa création : le sexe. L'humour aux antipodes de la légèreté issu d'autres films de Kaufman comme The first turn-on est reporté dans un environnement propre à la violence, puisque le groupe de loubards régnant en maîtres sur la salle de gym s'adonnent à un jeu bien particulier qui consiste à écraser impunément des gens sur la route, quand ils ne martyrisent pas simplement les plus faibles au "Tromaville health club". Ces voyous annoncent déjà ceux de Class of nuke'em high sorti deux ans plus tard, par le mélange de la figure de la brute adolescente avec une exagération démesurée, aussi bien dans les actes de violence du gang que leur jeu tout en grimaces, veines du cou qui se gonflent et yeux exorbités, rictus sur lesquels la VF en rajoute une bonne couche.
Les situations de comédie classiques les plus bêtes se voient augmenter en vilenie en étant transposées dans un monde pernicieux au possible. Le fameux gag où il est question de glisser dans le dos d'un professeur de sport quelque chose qui le démangera tandis que ses élèves l'imiteront est repris ici mais avec l'utilisation d'un serpent ; et ainsi quand vient le moment de se moquer du loser de service, le film passe aussi au cran au dessus. Melvin est une figure hyperbolique du raté, et se fait avoir avec une mauvaise blague proportionnelement égale, par sa cruauté, ses répercussions et son exagération, à la bêtise invraisemblable du personnage concerné.


Transporté par des conducteurs drogués et peu soucieux de la sécurité, le baril de déchets toxique achève de faire passer le film d'un genre à un autre en métamorphosant son personnage principal. Malgré l'introduction du long-métrage par une voix-off évoquant la pollution excessive de New York, le thème des déchets et rejets nocifs, comme un parodie de films d'exploitation qui ont la prétention de porter un message, ne sert qu'à faire naître le Toxic Avenger. Super-héros crade et hyper-violent qui urine bleu, pur symbole de la justice personnelle aussi trash que possible, puisqu'il s'agit en somme d'un être qui fait le bien en punissant les méchants, même s'il le fait parfois avec la vengeance en tête et de manière inventive et malsaine, non sans passer un coup de serpillère après les meurtres les plus salissants.
En dehors de cela, cette oeuvre de Lloyd Kaufman suit la trame typique du minable qui devient un héros en dépit des quelques doutes émis sur ses intentions et qui trouve l'amour en route, en la personne d'une femme aveugle dans le cas présent, mais dans un contexte complètement décadent.
Lieu aux conditions de vie déplorables, Tromaville, littéralement "la ville de Troma", annonce l'esprit complètement dérangé que va adopter cette société de production pour devenir le porte-étendard du cinéma qui compense son faible budget par son côté dégénéré. Les scénaristes modèlent leur cité fictive qui présente une vision attardée des réalités politiques, avec un chef de la police agissant comme un nazi ou un maire si corrompu qu'il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas s'en rendre compte ; un monde traversé de sottises, de blagues douteuses, d'incohérences volontaires, d'un humour burlesque couplé avec des gags qui visent sous la ceinture, et un irrespect total, à travers les personnages des criminels, envers les enfants, les personnes âgées, les homosexuels, les obèses et les handicapés.


Drôle, insensé, et à l'air aussi benêt que son personnage principal, Toxic avenger est un film sur la notion de justice qui n'est pas toujours bien rendue par les institutions, mais avant tout sur la tolérance. Lloyd Kaufman présente au monde un héros auquel quiconque peut se fier, redresseur de tords issu des strates les plus basses de la société mais qui a su arriver au sommet grâce à sa bonté, et qui porte bien haut des valeurs justes avec une finesse assimilable à une voiture roulant sur la tête d'un enfant innocent.
Immoral derrière son air de défense des bonnes causes, le film détourne surtout les enjeux des grosses productions américaines des 80's avec ses vaillants héros. Cependant, entre description d'un monde défaillant et héros moralement discutable qui jaillit de cette saleté pour faire le ménage, ce film Troma ne se place finalement nulle part et, par une série de discordances par rapport à des modèles bien trop propres sur eux, ne cherche tout simplement qu'à faire rire.

Bande-annonce VO :


Bande-annonce VF :