jeudi 30 juin 2011
Second skin
Fiche du film :
Réalisateur : Juan Carlos Pineiro-Escoriaza
Scénariste : Victor Pineiro-Escoriaza
Année : 2008
Genre : Documentaire
Résumé : Une étude du phénomène des MMORPG à partir de témoignages de divers joueurs.
Avis sur le film :
Récemment est apparue la bande-annonce de Life 2.0, un documentaire sur "Second life" ; il ne s'agit pas du premier à traiter du sujet, même si contrairement à d'autres celui-ci se concentre exclusivement sur ce jeu vidéo particulier.
Ce film de Jason Spingarn-Koff a été mis en avant par sa place dans la sélection officielle du festival de Sundance de 2010, mais avant lui il y avait Second skin, autre documentaire au titre et aussi au sujet proche, mais passé presque inaperçu.
En réalité, contrairement à ce que son nom peut laisser penser, le film ne parle que très peu de Second life, ce n'est le cas qu'avec un seul joueur, tandis que le réalisateur se concentre surtout sur World of warcraft et Everquest 2.
Ce que l'on peut voir de fascinant dans le film se trouve avant toute chose dans son sujet-même, c'est à dire la communauté des gamers addicts, ces personnes capables de rester devant un ordinateur des journées entières, happés qu'ils sont par une vie virtuelle meilleure que ce qu'offre la réalité. Pour certains cela devient une passion en même temps qu'un fléau, et ils s'en rendent compte, ce qui ne les empêche pas de continuer. Le fait même que l'on puisse délaisser sa vraie vie pour se consacrer à une autre, virtuelle, de substitution, considérée comme plus attrayante, a de quoi captiver.
Tout cela résume une grande partie de ce que le film traite. Il ne nous apprend rien de nouveau par rapport à ce qu'on peut déjà savoir en ayant une vague idée de ce que font les gamers les plus investis, mais il est au moins intéressant de voir quelques vrais joueurs, qui ont tout de même vécu quelques excentricités à raconter devant la caméra.
Parmi les quelques folies que l'on nous raconte ou dont le spectateur est témoin grâce au documentaire, il y a un homme qui a traversé les USA pour emmenager avec d'autres joueurs ; deux amis qui discutent du temps qu'ils vont passer à jouer avant de tomber dans les pommes ; une femme qui connecte le compte de son mari avant qu'il ne rentre du boulot, pour gagner du temps ; 15000 personnes attendant la sortie du nouveau WoW ; et les histoires plus classiques de bouteille servant à uriner devant l'ordinateur, ou de glacière évitant d'avoir à aller jusqu'au réfrigérateur.
C'est ce genre d'informations peu communes sur des individus particuliers que l'on retient essentiellement du documentaire.
Il n'y a probablement que l'existence des gold-farmers que le grand public doit ignorer, il s'agit de personnes payées pour obtenir des pièces d'or dans le jeu, afin que le client gagne des objets et progresse. C'est un commerce énorme en Chine semblerait-il, et un dirigeant dit voir cela comme un service assimilable à du lavage de voiture. Un employé nous apprend que dans son ancienne société, ils étaient très peu payés et travaillaient vingt heures par jour.
Puisque nous suivons plusieurs personnes durant une certaine durée, outre les jeux online, il y a un autre thème récurrent qui est la vie sociale, et régulièrement les relations amoureuses.
Plusieurs couples apparaissent, nous ne les voyons pas jouer mais ils sont uniquement présents pour témoigner de leur histoire d'amour qui est née sur internet, comme pour dire aux geeks qui regardent le film que c'est possible, même s'il y a une femme pour dix hommes sur les MMORPG.
Nous voyons notamment deux personnes bientôt en couple qui parlent de leurs précédentes relations issues du web, et c'est là aussi assez particulier : l'homme a rencontré une femme qui disait être divorcée alors que ce n'était pas le cas, et une autre qui l'a menacé d'un couteau.
Plus tard le nouveau couple se dispute après quatre mois ensemble, ce qui laisse à penser que, comme pour Life 2.0 à en croire ce que laisse à voir le trailer, les relations nées du virtuel allaient être montrées négativement, mais finalement ce n'est que très peu le cas, et c'est le bon côté qui l'emporte. La fin nous présente même deux mariages, dont un très geek avec des costumes de Dark Vador et de Stormtroopers, ainsi qu'un mariage simultané sur un jeu en ligne.
Globalement Second skin suit tout simplement des gamers, en présentant une vision plutôt positive de leur mode de vie, en dépit de leurs excès. Un développeur intervient à un moment pour défendre le fait que l'on puisse substituer une vie virtuelle à celle réelle, en prenant l'exemple d'une hypothétique femme de 26 ans avec de l'embonpoint, qui vit dans une petite ville et ne peut s'en échapper car elle doit s'occuper de sa mère malade. Selon lui, grâce aux jeux online, cette femme peut être jugée autrement que par son physique, s'échapper, et créer un avatar qui fait ressortir "l'ange qui est en elle".
La façon qu'a cet homme de décrire le sujet occulte le fait que ces personnes qui se plaignent de leur vraie vie, au lieu de chercher à l'améliorer, trouvent une solution de facilité qui est d'oublier la réalité au profit d'un monde factice. Heureusement le film n'en reste pas à sa vision favorable des MMORPG, et présente d'autres cas qui font apparaître des facettes différentes de ce même sujet.
Il y a l'opposé total de ce que nous voyions jusque là, ces réunions entre joueurs et l'amitié naissant entre eux, avec le témoignage d'une mère dont le fils est devenu dépendant et s'est suicidé.
Le documentaire n'en reste toutefois pas là, car survient aussi le témoignage d'un jeune homme handicappé, en fauteuil roulant, incapable de parler, avec une difficulté à bouger les bras et quelques kilos en trop, qui écrit sur son ordinateur à l'intention du cinéaste que grâce à Second life il se sent libre, qu'il a pu s'ouvrir aux autres, et devenir quelqu'un de meilleur. Ces interventions remettent donc en question ce qui était jusque là considéré comme juste ou non dans les deux camps, car dans le cas présent, quelle autre échappatoire possible pour quelqu'un comme ce jeune homme ?
C'est cette variation de points de vue qui arrivent vers la fin du film qui le fait passer au niveau supérieur, et nourrit une réelle réflexion. Cela nous apporte beaucoup plus que les statistiques qui arrivaient de temps à autres, mais qui ne nous en apprenaient pas tellement car les informations fournies correspondaient à ce dont on se doutait déjà, comme le fait que deux joueurs sur cinq quitteraient leur boulot s'ils pouvaient gagner leur vie sur le net, ou que la moitié donnent plus d'importance aux gens qu'ils connaissent virtuellement que dans la vraie vie.
Il y a tout de même le fait qu'un tiers dise à un ami en ligne un secret qu'ils ont jamais dit à personne d'autre, et qu'un tiers des gamers femmes sortent avec quelqu'un connu sur le net, mais ces apports restent minoritaires par rapport aux autres statistiques, certaines encore moins pertinentes car présentées de la mauvaise façon : ainsi il nous est dit que la nouvelle version de World of Warcraft a rapporté plus d'argent que le film qui a le mieux marché en 2007, mais c'est oublier que la différence vient aussi du prix bien distinct entre l'achat d'un jeu et celui d'un place de cinéma.
Le documentaire est plutôt banal, que ce soit dans sa mise en scène, à part quelques effets de transition qui lient la personne avec son avatar, ou dans la présentation du sujet, qui n'explore pas assez ce qui est inconnu du grand public pour en rester à fouiller dans ce que nous savons déjà ; mais il y a néanmoins quelques passages dignes d'intérêt.
Bande-annonce VO :
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