vendredi 22 avril 2011

Hobo with a shotgun

Avant-première :


Fiche du film :
Réalisateur : Jason Eisener
Scénaristes : Jason Eisener, John Davies, Rob Cotterill
Année : 2011
Genres : Action / Comédie
Acteurs principaux : Rutger Hauer, Molly Dunsworth, Brian Downey
Résumé : Un vagabond débarque dans une ville où le crime est omniprésent, et en voulant aider des innocents il se rend compte qu'il ne peut rien faire, puisque même la police est corrompue par Drake, le gangster aux commandes de Hopetown. Le "Hobo" fraîchement arrivé va devoir s'armer d'un fusil à pompe s'il veut que justice soit faite.

Avis sur le film :
En 2007, en même temps que sortait Grindhouse, un concours fut lancé pour que des amateurs puissent proposer leurs propres fausses bandes-annonces de films d'exploitation, comme celles situées entre les deux parties du diptyque de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino.
Parmi les trailers fictifs placés au milieu de ce double-programme, Machete est devenu un long-métrage grâce à son succès auprès du public, et Thanksgiving d'Eli Roth est déjà annoncé. De façon plus surprenante, Hobo with a shotgun, gagnant du concours, fut lui aussi prévu pour être développé, offrant au réalisateur jusque là totalement inconnu la chance inespérée d'être propulsé sur le devant de la scène en transformant son court-métrage sans prétention en un vrai film.


Nous pouvions déjà le constater avec les trois nomminés du concours, ces court-métrages s’éloignaient quelque peu de l’esprit du vrai grindhouse pour partir dans leur propre délire déviant. Le brillant Maiden of death n’avait pas grand chose du film d’exploitation si ce n’est une soif de démesure, quoique dans ce cas là celle-ci était alimentée par des effets spéciaux sublimes servant à des scènes hallucinées. Hobo with a shotgun correspondait plus au projet de Tarantino et de Rodriguez, à savoir reprendre des thèmes et la folie du cinéma bis des 80’s en lui donnant les moyens de concrétiser ses envies les plus démentes. Le court-métrage de Jason Eisener avait aussi pour lien l’image abîmée traversée de traits noirs, mais cet aspect vieillot disparaît totalement de la version longue.
Le réalisateur trouve un autre moyen plus original de rendre son image kitsch, grâce à des couleurs complètement saturées, de la surexposition, des éclairages aux tons exagérés et des flares recherchés. Cela donne un autre style au film, entre amateurisme ancien et contemporain, tout comme les looks purement modernes des protagonistes jeunes contrastent avec l’époque dans laquelle l’histoire est censée être ancrée, ce qui peut rappeler les réalisations de Lee Demarbre, un autre Canadien à avoir tenté de concilier environnement des années 2000 avec une esthétique grindhouse. Seule la musique de la bande-originale peut vraiment évoquer une autre époque, tout en étant compatible aux goûts d’aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit, Hobo with a shotgun se distingue car il fait le pont entre le genre qui lui a permis d’exister et les productions de Troma, le résultat présenté pouvant très bien appartenir à cette société de production déjantée.


Nous pourrions bien croire que Lloyd Kaufman est au commandes tant par moments nous croirions voir Toxic avenger 4 : du gore à gogo, des filles en bikini ou topless bien sûr, et une ville sans foi ni loi où tous les excès sont permis, où tout le monde peut tuer n’importe qui aussi bien parmi les ordures que chez les innocents, et tous en prennent pour leur grade : la famille, les enfants, les SDF, les prostituées mineures, il ne manquerait plus que les handicapés pour que le tableau soit complet.
Bien entendu une telle liberté dans les actes de violence implique une absence totale de logique et de crédibilité, puisque tout peut arriver sans que personne ne vienne réprimander les malfaiteurs, n’importe qui pouvant décapiter quelqu’un ou enlever un enfant sans que personne ne réagisse. Et quand un clochard s’arme d’un fusil pour dégommer les criminels en tous genres, il ne gêne pas du tout, au contraire c’est tout naturellement qu’on l’acclame.
La trame n’est bien sûr pas tant développée, et si nous regardons la progression de l’histoire en dehors des scènes de glorification de la brutalité, elle se résume à un justicier arrivant dans une nouvelle ville et qui tue les petites frappes jusqu’à en arriver au grand méchant qu’il finit par abattre. Rien de plus classique, il y a toujours eu ça dans bien des genres différents, du western au vigilante movie. Il n’y a pas à se casser la tête non plus lorsqu'on veut se baigner dans une débauche de geysers de sang, et Jesse Eisener préfère évidemment se creuser la cervelle pour inventer de nouvelles façons de mettre en scène la mise à mort, comme avec cette pinata humaine que l'on frappe avec une batte incrustée de rasoirs, ou de nouvelles armes telles que ces géniaux harpons à pendaison.


Cependant, nous pouvons voir dans le choix de l’histoire trop simpliste un exemple de cette volonté de tout salir qui guide le film, y compris le schéma narratif basique et ses moments clés. Le monologue pseudo-attendrissant du Hobo est accompagné d’une musique romantique alors qu’il ne s’agit que de paroles d’un clochard assez timbré ; le projet de création d’une entreprise qui l’unit avec son amie autour d’un même avenir est clairement sot et minable ; la fausse remise en question du Hobo par « do you think you can solve all the problems in the world with a shotgun ? » ; et le discours de prise de conscience d’Abby qui parvient à toucher la foule en colère par sa comparaison entre la rue et le foyer est d’une stupidité bien pensée par le scénariste.
Les personnages principaux non plus ne correspondent pas à ce que l’on attendrait de héros classiques, en dehors même de leur statut de SDF et de prostituée. Ils sont plus proches du Toxic avenger que de John McClane, on oublie l’image du surhomme intouchable qui vainc tout le monde en s’en sortant avec quelques égratignures et une ou deux cicatrices tout au plus, les justiciers dans Hobo with a shotgun ne sont pas des idoles sacrées que l’on ne doit jamais abîmer, bien au contraire. Les protagonistes sont découpés, mutilés, marqués à vie, ils sacrifient leur corps pour une cause juste, et il arrive même de croire qu’ils devraient être morts, car le film ne fait aucun compromis, on y torture sévèrement et le son de viande tranchée décuplé participe à faire penser que le pire arrive aux pauvres bougres qui s’opposent au Mal.
Rutger Hauer, connue pour son rôle de Roy Batty dans Blade runner, a désormais un visage parcheminé parfait pour son rôle de rebut de la société abîmé par une vie de misère, mais par contre il est surprenant de le voir accepter un rôle pareil après avoir côtoyé de grands réalisateurs. C’est tout à son honneur d’accepter de tourner dans un délire pareil, d’accepter de jouer un Hobo qui doit se mettre à genou pour subir son sort, mais qui livre cependant des répliques percutantes à ses « shitlicker » d’ennemis, juste avant de les descendre pour « dormir dans leur carcasse ce soir ».
« A different kind of hero » clamait l’un des posters du premier Toxic avenger. C’est dans ce même état d’esprit que se place Hobo with a shotgun, avec l’idée d’un retour au concept d’anti-héros qui en prend plein la gueule et qui tire sa victoire de sa souffrance extrême.

 
C’est un film violent, fun, impitoyable, fou, inventif, et il est réjouissant de constater que de nos jours on puisse continuer à réaliser des oeuvres pareilles, surtout que celle-ci prend une certaine ampleur avec un budget conséquent dont on se rend compte avec la star en tête d’affiche et avec les lieux utilisés, car il est surprenant que l'équipe ait pu mobiliser des quartiers entiers pour les métamorphoser en gros dépotoirs où la vermine humaine grouille. Cependant, bien que Hobo with a shotgun se place dans la catégorie des films en marge ahurissants qui font abondamment couler l’hémoglobine, et alors même qu'il ne déçoit pas par rapport aux bandes-annonces survoltées, il aurait pu aller plus loin dans son trip, s'il faut le comparer à des long-métrages similaires. Espérons tout de même que Jason Eisener ou d'autres réalisateurs continuent sur la même voie à l'avenir.
 
Fausse bande-annonce :


Bande-annonce VO :


Un autre concours a été organisé avec la sortie de Hobo with a shotgun, les vidéos participantes sont visibles sur le site officiel :

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