samedi 23 avril 2011

Mondo cane


Fiche du film :
Réalisateurs : Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi
Scénaristes : Paolo Cavara et Gualtiero Jacopetti
Année : 1962
Genre : Documentaire

Avis sur le film :
Genre apparu suite au succès international de Mondo cane, le "mondo movie" consiste en un assemblage d'images documentées à travers tout le globe, parfois non pas tournées pour le film mais récupérées, et qui suivent une même idée générale qui est de montrer la décadence du monde. Pour se lier au film original, la plupart ont placé le mot "mondo" au début de leur titre, même s'il n'a plus aucun signification ; certains se sont spécialisés dans des domaines, "Mondo topless" ou "Mondo teeno", ou dans des lieux comme avec "St Tropez interdit", "L'amérique à nu" ou "Suède : enfer et paradis".
Le tout premier du genre en tout cas a un titre qui a du sens et qui indique clairement de quoi il va être question : "monde chien", c'est à dire l'horreur partout sur notre planète.
 
 
Nous passons de l'Italie à une île près de la Nouvelle Guinée, des lieux bien différents mais unis par un même caractère grotesque dans les scènes présentées. Malgré le propos tenu, il y a bien vite de quoi se demander si les réalisateurs ont pensé pouvoir faire croire à ce qu'ils donnent à voir et les faire passer pour des images de documentaire, tant la mise en scène est visible par l'exagération de ce qu'il se passe. Un homme est assailli par une cinquantaine de femmes qui lui arrachent sa chemise, et un autre dans un décor plus éxotique se fait poursuivre jusque dans un arbre par des furies en pagne.
Il y a en tout cas un lien logique par une association d'idées qui se fiche de la continuité de l'espace tant que celle du thème est respectée. Tout l'enchaînement des vidéos dans Mondo cane est basé sur ce principe, car une analogie, même des plus simples, permet de passer à un lieu et un sujet atypique différent ; seulement en plus du grotesque des images s'ajoute un lien souvent forcé, grossissant les traits des situations pour que l'une réponde à la précédente, retirant encore plus de sérieux au film. Pour exemple le passage des indigènes aux seins nus sur l'île susmentionnée à une femme marchant sur la croisette à Cannes, suivie par une dizaine de marins, et considérée par le commentateur comme ayant elle aussi la poitrine découverte alors qu'elle porte un bikini.

Il y a pourtant par la suite, dans une certaine mesure, de la finesse dans Mondo cane, qui ne dénonce pas ses sujets directement comme l'ont fait plus tard ses imitateurs, mais présente les images affreuses telles quelles. Les vidéos parlent d'elles-même, le commentaire ne prend pas de haut les cultures différentes que l'on voit, il n'y a aucun racisme apparent envers les tribus présentées, et quoiqu'il en soit le film critique aussi le mode de vie occidental. La perte du poids des femmes aux Etats-Unis est mise en lien avec le gain de poids en Afrique, les deux ayant pour but mutuel de plaire aux mâles, et la comparaison crée un ridicule réciproque entre eux. De même avec ce pays du tiers-monde où l'on nourrit les chiens, suivi d'un autre plus riche où certains propriétaires donnent un tombeau à leur animal de compagnie ; heureusement la caméra est toujours là pour capter ce qu'il faut pour ridiculiser ces pratiques, ici il s'agit de canidés qui urinent sur les tombes, le comportement des humains tel qu'ils le voient étant désigné comme étant aussi étrange que le leur du point de vue des hommes.
Si le film veut montrer du doigt par moments, il le fait de façon assez réfléchie, ne cédant pas trop à la facilité, puisque le message passe par le montage qui utilise des façons simples mais efficaces de se faire comprendre, notamment avec cette scène à procédé purement comique où les femmes noires obèses ayant accouché de plusieurs enfants sont présentées avant celui à qui elles appartiennent, le chef de la tribu, qui arrive en dernier afin que l'on constate avec surprise qu'il s'agit d'un vieil homme maigrelet.


Mondo cane montre des éléments insolites qui existent indubitablement comme la corrida ou cette pratique religieuse italienne où des gens se blessent les jambes avec du verre, d'autres sont plus douteuses comme avec ces enfants qui nettoyent des crânes dans un sanctuaire monastique, mais ce qui est vraiment révoltant est le fait de présenter au public des reconstitutions peu crédibles en prétextant dévoiler la vérité sur l'horreur du monde. Se ressent une grande part de mensonge et d'invention dans ce "shockumentary", le plus honteux étant certainement lorsque la voix-off prétend retranscrire les paroles d'un homme chargé de l'accueil à l'arrivée d'un navire à Hawaï, en se servant de cet alibi du report des propos sur une autre personne pour ridiculiser des touristes retraités américains qui apparaissent peut après, à l'aide d'un assemblage d'images et de texte, l'un étant en décalage avec l'autre.


Etonnamment, Mondo cane n'est pas filmé avec un si grand voyeurisme, à en juger par la façon dont son cadrées les femmes "pinceaux humains" de Yves Klein, nues, mais dont les parties du corps les plus intimes sont respectées, cependant la façon dont les images sont utilisées durant tout le film donnent un résultat tout aussi malsain.
Ce premier mondo-movie se montre très malin dans les deux sens du terme, car le film sait être suffisamment intelligent en même temps que ce qu'il fait est chargé en immoralité.
En dehors de l'atrocité de certaines images incluant des estropiés ramassant des ailerons de requins ou des poissons hideux qui sortent de l'eau pour se retrouver dans des arbres, ce pseudo-documentaire est extrêmement insidieux de par sa capacité à faire passer comme excuse le fait de se poser comme simple observateur, et l'astuce a fonctionné auprès des spectateurs puisque le film a même été nomminé à Cannes en tant que "meilleur documentaire".

Bande-annonce VO :

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