jeudi 30 juin 2011
Second skin
Fiche du film :
Réalisateur : Juan Carlos Pineiro-Escoriaza
Scénariste : Victor Pineiro-Escoriaza
Année : 2008
Genre : Documentaire
Résumé : Une étude du phénomène des MMORPG à partir de témoignages de divers joueurs.
Avis sur le film :
Récemment est apparue la bande-annonce de Life 2.0, un documentaire sur "Second life" ; il ne s'agit pas du premier à traiter du sujet, même si contrairement à d'autres celui-ci se concentre exclusivement sur ce jeu vidéo particulier.
Ce film de Jason Spingarn-Koff a été mis en avant par sa place dans la sélection officielle du festival de Sundance de 2010, mais avant lui il y avait Second skin, autre documentaire au titre et aussi au sujet proche, mais passé presque inaperçu.
En réalité, contrairement à ce que son nom peut laisser penser, le film ne parle que très peu de Second life, ce n'est le cas qu'avec un seul joueur, tandis que le réalisateur se concentre surtout sur World of warcraft et Everquest 2.
Ce que l'on peut voir de fascinant dans le film se trouve avant toute chose dans son sujet-même, c'est à dire la communauté des gamers addicts, ces personnes capables de rester devant un ordinateur des journées entières, happés qu'ils sont par une vie virtuelle meilleure que ce qu'offre la réalité. Pour certains cela devient une passion en même temps qu'un fléau, et ils s'en rendent compte, ce qui ne les empêche pas de continuer. Le fait même que l'on puisse délaisser sa vraie vie pour se consacrer à une autre, virtuelle, de substitution, considérée comme plus attrayante, a de quoi captiver.
Tout cela résume une grande partie de ce que le film traite. Il ne nous apprend rien de nouveau par rapport à ce qu'on peut déjà savoir en ayant une vague idée de ce que font les gamers les plus investis, mais il est au moins intéressant de voir quelques vrais joueurs, qui ont tout de même vécu quelques excentricités à raconter devant la caméra.
Parmi les quelques folies que l'on nous raconte ou dont le spectateur est témoin grâce au documentaire, il y a un homme qui a traversé les USA pour emmenager avec d'autres joueurs ; deux amis qui discutent du temps qu'ils vont passer à jouer avant de tomber dans les pommes ; une femme qui connecte le compte de son mari avant qu'il ne rentre du boulot, pour gagner du temps ; 15000 personnes attendant la sortie du nouveau WoW ; et les histoires plus classiques de bouteille servant à uriner devant l'ordinateur, ou de glacière évitant d'avoir à aller jusqu'au réfrigérateur.
C'est ce genre d'informations peu communes sur des individus particuliers que l'on retient essentiellement du documentaire.
Il n'y a probablement que l'existence des gold-farmers que le grand public doit ignorer, il s'agit de personnes payées pour obtenir des pièces d'or dans le jeu, afin que le client gagne des objets et progresse. C'est un commerce énorme en Chine semblerait-il, et un dirigeant dit voir cela comme un service assimilable à du lavage de voiture. Un employé nous apprend que dans son ancienne société, ils étaient très peu payés et travaillaient vingt heures par jour.
Puisque nous suivons plusieurs personnes durant une certaine durée, outre les jeux online, il y a un autre thème récurrent qui est la vie sociale, et régulièrement les relations amoureuses.
Plusieurs couples apparaissent, nous ne les voyons pas jouer mais ils sont uniquement présents pour témoigner de leur histoire d'amour qui est née sur internet, comme pour dire aux geeks qui regardent le film que c'est possible, même s'il y a une femme pour dix hommes sur les MMORPG.
Nous voyons notamment deux personnes bientôt en couple qui parlent de leurs précédentes relations issues du web, et c'est là aussi assez particulier : l'homme a rencontré une femme qui disait être divorcée alors que ce n'était pas le cas, et une autre qui l'a menacé d'un couteau.
Plus tard le nouveau couple se dispute après quatre mois ensemble, ce qui laisse à penser que, comme pour Life 2.0 à en croire ce que laisse à voir le trailer, les relations nées du virtuel allaient être montrées négativement, mais finalement ce n'est que très peu le cas, et c'est le bon côté qui l'emporte. La fin nous présente même deux mariages, dont un très geek avec des costumes de Dark Vador et de Stormtroopers, ainsi qu'un mariage simultané sur un jeu en ligne.
Globalement Second skin suit tout simplement des gamers, en présentant une vision plutôt positive de leur mode de vie, en dépit de leurs excès. Un développeur intervient à un moment pour défendre le fait que l'on puisse substituer une vie virtuelle à celle réelle, en prenant l'exemple d'une hypothétique femme de 26 ans avec de l'embonpoint, qui vit dans une petite ville et ne peut s'en échapper car elle doit s'occuper de sa mère malade. Selon lui, grâce aux jeux online, cette femme peut être jugée autrement que par son physique, s'échapper, et créer un avatar qui fait ressortir "l'ange qui est en elle".
La façon qu'a cet homme de décrire le sujet occulte le fait que ces personnes qui se plaignent de leur vraie vie, au lieu de chercher à l'améliorer, trouvent une solution de facilité qui est d'oublier la réalité au profit d'un monde factice. Heureusement le film n'en reste pas à sa vision favorable des MMORPG, et présente d'autres cas qui font apparaître des facettes différentes de ce même sujet.
Il y a l'opposé total de ce que nous voyions jusque là, ces réunions entre joueurs et l'amitié naissant entre eux, avec le témoignage d'une mère dont le fils est devenu dépendant et s'est suicidé.
Le documentaire n'en reste toutefois pas là, car survient aussi le témoignage d'un jeune homme handicappé, en fauteuil roulant, incapable de parler, avec une difficulté à bouger les bras et quelques kilos en trop, qui écrit sur son ordinateur à l'intention du cinéaste que grâce à Second life il se sent libre, qu'il a pu s'ouvrir aux autres, et devenir quelqu'un de meilleur. Ces interventions remettent donc en question ce qui était jusque là considéré comme juste ou non dans les deux camps, car dans le cas présent, quelle autre échappatoire possible pour quelqu'un comme ce jeune homme ?
C'est cette variation de points de vue qui arrivent vers la fin du film qui le fait passer au niveau supérieur, et nourrit une réelle réflexion. Cela nous apporte beaucoup plus que les statistiques qui arrivaient de temps à autres, mais qui ne nous en apprenaient pas tellement car les informations fournies correspondaient à ce dont on se doutait déjà, comme le fait que deux joueurs sur cinq quitteraient leur boulot s'ils pouvaient gagner leur vie sur le net, ou que la moitié donnent plus d'importance aux gens qu'ils connaissent virtuellement que dans la vraie vie.
Il y a tout de même le fait qu'un tiers dise à un ami en ligne un secret qu'ils ont jamais dit à personne d'autre, et qu'un tiers des gamers femmes sortent avec quelqu'un connu sur le net, mais ces apports restent minoritaires par rapport aux autres statistiques, certaines encore moins pertinentes car présentées de la mauvaise façon : ainsi il nous est dit que la nouvelle version de World of Warcraft a rapporté plus d'argent que le film qui a le mieux marché en 2007, mais c'est oublier que la différence vient aussi du prix bien distinct entre l'achat d'un jeu et celui d'un place de cinéma.
Le documentaire est plutôt banal, que ce soit dans sa mise en scène, à part quelques effets de transition qui lient la personne avec son avatar, ou dans la présentation du sujet, qui n'explore pas assez ce qui est inconnu du grand public pour en rester à fouiller dans ce que nous savons déjà ; mais il y a néanmoins quelques passages dignes d'intérêt.
Bande-annonce VO :
mercredi 29 juin 2011
Citizen Toxie : The Toxic Avenger IV
Fiche du film :
Réalisateur : Lloyd Kaufman
Scénaristes : Lloyd Kaufman, Trent Haaga, Gabriel Friedman, Patrick Cassidy
Année : 2000
Genres : Comédie / Action
Acteurs principaux : David Mattey, Clyde Lewis, Heidi Sjursen, Joe Fleishaker
Résumé : C'est une mauvaise journée pour Toxie, non seulement il n'a pas pu sauver une école pour enfants handicappés mentaux, mais en plus de cela l'explosion qui a causé leur mort a transporté le héros dans une dimension parallèle, tandis que son double maléfique a pris sa place à Tromaville.
Avis sur le film :
Cela faisait dix ans que le Toxic Avenger avait été absent, hormis quelques courtes apparitions dans d'autres productions de Troma, mais à l'aube du nouveau millénaire, après bien d'autres réalisations d'un tout aussi mauvais goût telles que Tromeo & Juliet ou Terror firmer, Lloyd Kaufman fait revenir pour de bon sur le grand écran le super-héros du New Jersey devenu le symbole de sa société de production, et qui avait donné un coup de pouce à sa carrière à ses débuts.
Le titre du précédent épisode, The last temptation of Toxie, faisait référence au film de Scorsese sur le Christ, sans qu'on puisse donner de réelle signification à ce détournement. Pour Citizen Toxie, puisque le scénario n'a aucun rapport avec la création la plus célèbre d'Orson Welles, à l'exception d'une courte référence au détour d'une scène, il est possible d'y voir une tentative non pas d'égaler ce chef d'oeuvre, mais de faire à Troma l'équivalent de ce que Citizen Kane est au cinéma.
Dans l'introduction, Lloyd Kaufman balaie d'un coup les deux précédents films, les qualifiant de "suites pourries" et dont il s'excuse. Il est surprenant qu'il dénigre soudainement ses oeuvres, lui qui habituellement se démène pour vendre tous ses films, mais quand bien même le créateur en viendrait à rejeter trop vite ce qu'il a réalisé et qui est loin d'être aussi mauvais qu'il le prétend, le public n'est pas obligé de partager son avis ; toutefois cela place la barre plus haut pour ce nouvel opus qui nous est donc présenté comme surpassant ce qui a été vu précédemment dans la saga.
Dans les années 2000, les spectateurs seraient en droit d'attendre de la part de Troma une amélioration dans la qualité vidéo, et c'est le premier élément qui frappe puisqu'il est visuel : l'image ne s'est que peu améliorée au fil des années, et malgré la réputation croissante de la société, leur budget reste visiblement très réduit. Le montage et le mixage du son, très chaotiques, participent aussi à rappeler un manque de moyens, du moins au début, puisqu'ils s'améliorent ensuite, et le monteur a su finalement jongler avec les plans sous différents angles de façon dynamique, et dans l'une des scènes de combat les plus marquantes il ose même des split-screens en pagaille mais à l'organisation maîtrisée.
Quoiqu'il en soit, peu importe la quantité d'argent à disposition, tant qu'est conservé ce qui a jusque là a fait oublier le faible budget dans les films du Toxic Avenger : l'esprit "Troma".
En 1998 sortait Terror firmer, dont le scénario incluait une grande mise en abyme de la société de production, avec Lloyd Kaufman jouant presque son propre rôle, en interprétant un réalisateur aveugle donnant naissance au nouveau chapitre des aventures de Toxie. Cette oeuvre décalée avait alors été considérée à l'époque comme le film Troma ultime, mais Citizen Toxie le détrône, imposant avec plus de puissance ce qu'est l'essence même de cette maison de production.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce nouvel ajout à la série accomplit l'exploit d'être encore plus fous que ses prédécesseurs, les surpassant en concentrant tout ce qu'ils ont toujours contenu de plus douteux, et en y ajoutant de nouveaux éléments qui vont bien plus loin que tout ce que les scénaristes avaient osé jusque là.
Le film s'attaque à des sujets sensibles récents, et notamment se moque sans ménagements du massacre de Columbine, mais derrière la légère dénonciation se trouve surtout un goût malsain pour la provocation violente et gratuite.
Le tournage a été effectué avant les attentats du 11 septembre, les tours jumelles sont d'ailleurs encore visibles dans un plan de New York, sans quoi le film aurait très certainement tourné en ridicule cet autre évènement d'actualité.
Sans raison, totalement arbitrairement, les nouvelles cibles de Kaufman et sa bande sont les attardés, les personnes âgées, les transsexuels, la chirurgie esthétique excessive, et la religion. Cette dernière se fait brutalement saccager, et il est incroyable de voir à quel point l'audace des scénaristes va loin, c'est à se demander à certains moments comment il leur a été possible de placer une insolence telle dans leur film.
Comme dans les épisodes précédents, il y a également cette volonté de se moquer du cinéma et de soi-même, avec un usage de stock-shots qui assume son ridicule, notamment avec le fameux plan de la voiture qui décolle puis explose inexplicablement, déjà utilisé dans Tromeo & Juliette, Sgt. Kabukiman NYPD et Terror firmer, qui est encore une fois repris ici. L'origine du placement de ces images dans ce nouveau film n'est pas si honnête que ça, puisque Kaufman est allé jusqu'à tourner de nouvelles images avec un clown pour justifier sa présence dans les plans de la poursuite et de la cascade en voiture et faire correspondre les images recyclées avec celles inédites, mais par chance il semblerait que l'équipe ait changé d'avis d'ici la post-production et le résultat final fonctionne sans que le spectateur pense que l'on ait voulu le berner, puisqu'il ressort surtout une impression d'auto-dérision de la part de l'équipe de Troma. Ils jouent encore une fois avec les principes du cinéma en faisant ce qu'il ne faut pas, mais sans chercher à dissimuler une tromperie, puisqu'ils laissent à comprendre qu'ils sont conscients de ce qu'ils font.
Avec Troma, l'usage du stock-shot perd sa caractéristique purement nanarde liée à son intention d'embobiner le spectateur, mais d'autres figures plus "nobles" sont aussi détournées, comme la traduction en langage des signes pour les sourds, et la transition en iris, qui voit sûrement ici son utilisation la plus détraquée qui existe, le procédé étant complètement avili. Lloyd Kaufman écrivait "Je suis l'herpès de l'industrie du cinéma... je ne vais pas m'en aller", ce qui s'applique aussi à ce qu'il fait au septième art : il le pervertit, et salit avec plaisir tout ce à quoi il touche.
Quand on croit que ce Citizen Toxie ne peut aller plus loin, il le fait, et pour une fois le grand nombre de scénaristes, quatre dans le cas présent, n'est pas un mal, car c'est certainement à cette polycéphalie que l'on doit une telle profusion d'idées déjantées.
Citons seulement parmi le grand fouillis de personnages hauts en couleurs les mafieux en couches-culottes, les bébés mutants, le scientifique qui se prostitue, et bien sûr les lesbiennes et autres seconds rôles en petites tenues toujours en plus grand nombre.
Des personnages déjà existants de l'univers de Troma font aussi une apparition, comme Sergent Kabukiman, auquel Lloyd Kaufman est peut être attaché puisqu'il est le personnage principal d'un de ses films, mais qui est bien moins attachant que le Toxic Avenger, et qui heureusement est ici montré comme un loser, ce qui évite qu'il fasse de l'ombre au véritable héros. D'autres personnages sont créés spécialement pour l'occasion, tels que Dolphin man ou The vibrator, et ce juste pour apporter quelques gags supplémentaires ; cela fait partie des éléments de surenchère, ces détails qui demandent toutefois de dépenser de l'argent pour les mettre en place, et qui sont d'autant plus honorables pour Troma en ayant connaissance de leur budget. Cela renforce leur image de société indépendante qui fait tout pour mettre en oeuvre ce qu'ils souhaitent, pour apporter un petit plaisir supplémentaire au public, et ce peu importe leurs moyens.
Attirés par la renommée de la société, du moins c'est le cas de Corey Feldman qui s'est proposé pour un rôle, des acteurs plus connus viennent apporter leur pierre à l'édifice. Entre célébrités internationales et grands noms de séries Z, le spectateur peut s'amuser à remarquer entre autres Eli Roth et Lemmy qui sont déjà des habitués, la star du porno Ron Jeremy, Debbie Rochon, Julie Strain et James Gunn toujours fidèles, et plus étonnament Stan Lee ; tous sont aussi un ravissement de plus, pour le spectateur qui les reconnaît.
Il y a également ces acteurs inconnus en dehors du cercle des oeuvres de Troma, qui ont interprété des personnages secondaires et qui reviennent, que ce soit Lauren Heather McMahon issue de Class of Nuke'em high ou Joe Fleishaker qui est de plus en plus apparent dans les films de Lloyd Kaufman, ils favorisent l'idée que Troma est une grande famille dont on aime revoir des membres de temps en temps.
Comme le montre le fascinant documentaire de près de deux heures Apocalypse soon sur le tournage de Citizen Toxie, qui par ailleurs ne cache rien des déboires sur le plateau, Troma est aussi un géant du cinéma indépendant qui pousse les fans à un élan de participation, et ainsi comment ne pas être touché par ce vieil homme qui spontanément décide d'interpréter le fou qui court nu au début d'une scène à l'hôpital, ou par cet autre individu qui a tout fait pour avoir le rôle du "reporter #3" ?
Il y a enfin ces inconnus complets mais marquants, qui se prêtent au jeu pour incarner un personnage dégénéré rien qu'un instant, ces acteurs survoltés qui cabotinent à l'extrême tout comme le font Heidi Sjursen qui joue la blonde complètement à côté de la plaque caricaturale ou Corey Feldman déchaîné, avec en sus sa moustache on ne peut plus factice en travers de son visage. Ayons ainsi une pensée pour cet afro-américain qui n'apparaît qu'une seconde, au milieu de la foule, hilare alors qu'en face de lui est censé se trouver le chef de la police se faisant arracher les bras, sorte de soldat inconnu du cinéma bis.
Citizen Toxie est sans nulle doute l'apogée de la série d'aventures du Toxic Avenger, mais aussi des réalisations de Lloyd Kaufman qui porte l'esprit Troma à des sommets. Le film est d'un irrespect affolant, d'une audace inimaginable et donc totalement jouissive. Plein de surprises, jamais à bout de souffle, The Toxic Avenger IV dépasse largement les limites mais parvient encore à ne pas aller trop loin dans son exploration du mauvais goût ; en tout cas il trouve le bon dosage pour continuer à plaire.
Réplique culte :
"Oh my god ! It's the Toxic Avenger, Tromaville's favourite hideously deformed creature of superhuman size and strength !" - Dex Diaper
Bande-annonce VO :
Libellés :
Corey Feldman,
Eli Roth,
James Gunn,
Lloyd Kaufman,
Ron Jeremy,
Stan Lee,
Trent Haaga,
Troma
mercredi 22 juin 2011
The Toxic Avenger part III : The last temptation of Toxie
Lors de la rédaction du brouillon, un bug de Blogger a effacé une grande partie de ce qui a été écrit, d'où le fait que cet article n'ait pas donné suite à celui de The Toxic avenger part II publié le mois dernier.
Fiche du film :
Réalisateurs : Lloyd Kaufman et Michael Herz
Scénaristes : Lloyd Kaufman et Gay Partington Terry
Année : 1989
Genres : Comédie / Action
Acteurs principaux : Ron Fazio, John Altamura, Phoebe Legere, Rick Collins
Résumé : De retour à Tromaville, Toxie se remet à se débarasser des truands, qui ont précédemment profité de son départ pour faire ce qu'ils souhaitaient. Tout va alors pour le mieux concernant la criminalité, mais c'est ce qui pose problème au super-héros toxique, qui se retrouve sans travail.
Le leader de la société Apocalypse, qui s'était échappé par le passé, revient et profite de la situation pour se mettre Toxie dans sa poche, en sachant qu'il a besoin d'argent pour payer l'opération qui rendra la vue à sa petite amie.
Avis sur le film :
La même année que l'épisode 2 sort The Toxic Avenger part III, non pas parce que les deux ont été réalisés parallèlement, comme ça a été le cas avec Retour vers le futur II et III à la même époque, mais parce que le film prévu originellement était trop long, avec une durée d'environ quatre heures, et a dû être coupé en deux.
La scission de l'oeuvre peut expliquer quelques passages bâclés, comme la course-poursuite expédiée dans les dernières minutes du second film. Toutefois, la coupure ne se remarque pas tant en prenant les deux films séparément, les problèmes évoqués dans la première suite ayant trouvé leur solution d'ici le générique de fin, et c'est d'ailleurs probablement la raison pour laquelle les distributeurs français ne se sont pas gênés pour ne pas sortir dans l'hexagone le troisième opus.
Outre le retour de certains personnages dont "Cigare-face" de l'épisode un, le lien avec le film précédent s'effectue tout d'abord par un montage récapitulatif énergique et entraînant revenant sur les évènements récents, mais pour un résumé curieusement erroné et outrancier dans ses promesses d'exploits à venir.
La connexion se fait quoiqu'il en soit par une continuité dans le traitement de thèmes récurrents. Comme d'habitude, Troma ne fait pas dans la finesse, et ce n'est pas avec ce troisième épisode des aventures de leur mascotte que les choses changent. D'entrée de jeu, le film affiche un message assez clair, présentant un groupe de braqueurs, chacun nommé d'après une grande compagnie de production cinématographique, et se faisant appeller à eux tous les "Warner brothers". Ils privent les clients d'un videoclub de leur liberté à choisir ce qu'ils veulent voir, bien que curieusement ces derniers semblent tous adeptes des réalisations de Troma, par ailleurs largement promues par diverses affiches dans la boutique. Toxie ne peut tolérer les propos des malfrats tels que "Screw Troma movies", et en tant que garant du bon goût ainsi que défenseur d'un libre-arbitre assez questionnable, il s'amuse à mettre en morceaux les malfaiteurs.
Le gore est toujours aussi réjouissant, et fait encore une fois preuve d'une grande inventivité par rapport à ce que le héros peut trouver à portée de main : un magnétoscope, un effaceur de cassettes, des bandes magnétiques, ou des tripes avec lesquels jouer à la corde à sauter.
The Toxic Avenger part III poursuit également son entreprise de tourner en dérision le film classique, avec un développement de personnage dans le cas présent volontairement forcé et ridicule concernant Claire, dont on apprend les causes de sa cécité tout juste avant que ne soit évoqué un remède possible. Le film tourne simplement en ridicule cette sorte de passage obligatoire dans les suites, tout comme dans l'épisode précédent étaient présentés des hommes de mains caricaturaux en arrière-plan, qui poussaient plus loin le cabotinage habituel en exhibant leurs muscles sans raisons, comme si c'était naturel.
Il est toujours agréable d'en voir encore plus à propos de nos héros, dans des domaines probablement plus triviaux, mais rendus intéressants par les particularités du personnage de Toxic, que l'on voit en agent du Fisc, employé de vidéo-club, garagiste, chanteur de gospel ; il tente même de se suicider, avant de devenir un odieux yuppie. Concernant ce dernier point, il est dû au retour de la société Apocalypse, qui avait déserté Tromaville à la fin du second film et qui revient ici sans explications -ce qui expose un des problèmes causés par la coupure du montage originel en deux long-métrages distincts- et sans aucun problème non plus, à se demander comment il ait été possible que les criminels se tiennent à l'écart jusque là.
Avec l'intrigue de la manipulation de Toxie par Apocalypse, dont le boss aux méthodes radicales cache en fait le Diable en personne, tel que nous l'indique clairement un passage de la Bible récité un peu plus tôt, les scénaristes font preuve d'une naïveté cette fois totalement dépourvue de second degré et qui n'est qu'un ploiement vers la facilité, sans le recul comique nécessaire pour le faire accepter par le spectateur. De plus, ce qui arrive est ennuyeux ; la nouvelle situation est source de peu de gags dont on a vite fait le tour, puisque la plupart consistent surtout à simplement montrer un monstre toxique s'habiller et parler comme un yuppie, déjà qu'il était presque navrant de le voir trop longtemps dans son rôle de contrôleur fiscal. On en reste donc à la mise en situation qui ne va pas bien loin, et qui ne permet pas de partir dans des délires poussés comme lors du voyage au Japon peu de temps avant, avec ses combats à influence asiatique.
Même quand le héros se révolte contre le chef d'Apocalypse, le film reste trop lent, trop peu énergique. L'acteur jouant Toxie semble lui-même fatigué et montre peu d'entrain, et ce depuis le début de ce long-métrage.
Pour ce qui est de l'interprète de son double, Melvin, ce n'est plus le même que dans le premier épisode de la saga, et avec ce nouvel acteur est lié un problème peut être inverse, car son trop-plein d'énergie rend le personnage agaçant de par son cabotinage insupportable.
Le montage n'arrange rien, car il insiste sur des passages à effets spéciaux dont le cinéaste devait être fier, mais de ce fait dilate trop le temps, perdant totalement l'impact d'une scène lorsque les personnages crient durant des minutes qui semblent de plus en plus longues tandis que Satan s'extirpe difficilement d'un corps.
En fin de film, l'idée de mettre Toxie à l'épreuve dans des niveaux de jeux vidéos peut se montrer originale, mais cette partie comporte le même problème que précédemment, à savoir que les personnages secondaires hurlent comme s'il y avait de quoi s'inquiéter alors que nous assistons à un héros attaqué avec lenteur par une tondeuse à gazon.
De plus les effets spéciaux sont très faibles, certains se résumant à des retours en arrière de la pellicule pour donner vaguement l'impression que Toxie fait un salto arrière, ou qu'un bus remonte en haut d'une falaise d'où il est tombé. Il n'y a qu'un seul autre moment fort qui vient faire écho au début, et il faut pour cela attendre 1h30, il s'agit de la transformation du super-héros en Melvin, tout aussi peu rythmée mais constituée d'un effet gore digne d'un feu d'artifices de couleurs dégoulinantes issu de Street trash, mais en dehors de cela il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent.
Il est tout de même surprenant qu'à l'origine ce troisième film devait faire partie du deuxième, au vu de la différence de qualité entre eux. Heureusement que The Toxic Avenger part II a été séparé de cette seconde moitié particulièrement faible, sans quoi il aurait effectué une plongée phénoménale en plein milieu du recit, mais du coup Troma nous fournit un autre film très décevant, un épisode des aventures de Toxie à oublier.
Bande-annonce VO :
Libellés :
Lloyd Kaufman,
Troma
dimanche 19 juin 2011
A Serbian film [Mise à jour]
Il existe de ces films dont on ne peut se rendre compte du pouvoir immédiatement, et dont la force réside dans sa capacité à faire travailler le spectateur longuement après l'avoir délaissé.
A Serbian film en fait partie, la réaction première après sa vision ne correspond pas à ce qui ressort d'une réflexion plus poussée sur ce qu'est exactement cette oeuvre unique, ainsi une mise à jour de l'avis précédent publié sur ce blog se devait d'être faite, et ce en regroupant ce que l'on peut voir dans le film en lui-même mais aussi au-delà.
Ancien article :
http://mayhemcinema.blogspot.com/2010/08/serbian-film.html
New and improved :
Ancien acteur porno qui s’est retiré maintenant qu’il a une famille, Milos (Srdjan Todorovic) s’est récemment vu offrir un nouveau travail par une ancienne collègue désormais reconvertie dans l'animalier. Il n’aura qu’à faire ce qu’il a toujours si bien fait, en échange de quoi un réalisateur peu enclin à dévoiler le sujet de son œuvre lui donnera assez d’argent pour qu’il n’ait pas à se soucier de ses finances jusqu’à la fin de sa vie.
En suivant les instructions qui lui ont été données, Milos monte dans le véhicule d’un chauffeur patibulaire qui reste muet durant tout le trajet. Arrivé sur le lieu de tournage, un orphelinat, et à peine descendu du véhicule, l’acteur est déjà filmé par un jeune homme mâchant impassiblement son chewing-gum, sans mot dire. Milos sent qu’il doit y avoir une embrouille, il s’en doute depuis qu’il sait quelle somme on va lui offrir, mais tandis qu’il entre dans la gueule du loup sous le regard froid de la caméra qui le suit partout, seul le spectateur peut envisager l’ampleur de ce qui se prépare.
Les personnages ne le perçoivent pas, mais le public peut remarquer que le désir de choquer est omniprésent, et ce dès la première scène, avant même que le film n’entre dans le vif de son sujet.
Il y a d’abord un aspect ordinaire dans la représentation de la cellule familiale, qui peut être raccrochée à la réalité par les petites attentions entre Milos, sa femme, et leur fils, mais elle est de suite souillée par l’introduction régulière d’éléments-coup-de-poing : le frère de Milos qui désire la femme de ce dernier, ou l’enfant qui voit un des films de son père et qui le questionne dessus plus tard, sorte d’équivalent de nos « papa, comment on fait les bébés ? » en plus indélicat.
Le film suit une progression constante vers le trash, et après cette incursion dans la vie de famille de l’ex-star d’Acockalypse now, déjà chargée en évocations du thème sexuel, à se demander d’ailleurs s’il y a une scène dans le film qui en soit dépourvue, le tournage du snuff s’occupe de prendre le relais.
Le réalisateur, Vukmir Vukmir, est une source inépuisable de répliques qui sont des perles d’obscénités lancées au hasard, et si parfois il est pertinent en évoquant certains aspects de l’industrie dans laquelle Milos travaille, la plupart du temps ses paroles sont l’occasion de rire tout en étant atterré : « The unique magic of rigor mortis ».
Son discours se pare d’un certain sérieux dans sa façon d’énoncer ses intentions artistiques, similaires à celles de Burt Reynolds dans Boogie nights en plus glauque. En accumulant ses idées, Vukmir crée des liens entre elles, son propos ayant donc du sens pour lui avec cette idée de livrer des innocents déshonorés sur un écran.
L’acteur, Sergej Trifunovic, est totalement pris par son rôle, soit austère pour donner du poids à ce qu’il dit, soit complètement emporté par la démence du projet de son personnage, qui ne conçoit pas qu’on puisse ne pas comprendre son projet. Il n’empêche que quoiqu’il fasse ou dise, son entreprise ne peut être défendue par Milos ou le spectateur, trop insensée et immorale qu’elle est, voire risible lorsqu’il dit que son acteur est la preuve qu’il y a de l’art dans la pornographie. Du moins il y a de quoi rire jusqu’à ce que nous arrivions à un certain point où la gravité de la situation fait qu’on ne peut plus autant prendre avec humour les répliques décalées, aussi grotesque qu’elle soient.
En suivant essentiellement le parcours de Milos jusqu’à ce qu’il se rende vraiment compte de ce qu’il se passe, le scénario se montre assez simpliste, toutefois ce défaut ne se fait pas trop sentir, puisque le film réussit à étirer cette trame dans le temps. La prise de conscience complète du personnage principal est retardée, notamment par la disposition de scénettes qui rendent compte au jour le jour de l’avancée du tournage, qui n’a au départ rien de particulièrement anormal pour un acteur expérimenté comme Milos.
Le film souffre par contre d’incohérences dans son récit, qui peuvent déjà concerner l’existence du cercle snuff, mais surtout le fait que les hommes de main de Vukmir puissent tuer des passants en pleine rue sans se poser de questions.
Il est probable qu’à force de se fixer comme but de choquer à tout moment, le scénario en est handicapé, puisque certains twists sont prévisibles, et les auteurs ont aussi tendance à oublier la construction dramatique autour du héros, dont on ne se sens jamais vraiment proche, et sans laquelle certains des drames dont le personnage est victime peuvent laisser indifférent.
A Serbian film n’est pas pour autant bâclé, du moins il ne l’est pas concernant sa réalisation. Certains plans disposent d’un bel éclairage, et du reste l’ambiance visuelle terne n’est pas trop caricaturale, contrairement à d’autres films qui abusent de la correction colorimétrique en post-production.
Concernant les idées de mise en scène, toujours dans une optique de perturber le spectateur, le réalisateur a su trouver des procédés malins pour le faire participer d’autant plus aux atrocités qu’il voit, que ce soit par des flashs qui impriment furtivement des images malsaines sur notre rétine, ou des plans qui correspondent visiblement à ce que tournent les cameramen du film dans le film, comme si le public était emmené malgré lui au sein du snuff.
Au lieu d’imposer ses idées avec lourdeur, c’est par ce genre d’astuces que le film cherche à signifier, sans que le spectateur ne s’en rende forcément compte, ce qui est probablement plus vicieux.
A Serbian film a attiré l’attention dès sa sortie dans divers festivals, de par la réaction de critiques révoltés, mais aussi le fait que des projections aient provoqué vomissements et évanouissements, dont un cas particulier où quelqu’un se serait cassé le nez en tombant.
Une rumeur a circulé comme quoi le film avait été produit avec l’aide du gouvernement Serbe, une erreur que le réalisateur a corrigé, en précisant que son œuvre a été confondue avec une autre production de son pays, Life and death of a porn gang.
La Serbie a mauvaise presse depuis le massacre de Srebrenica, perpétré au cours de la guerre de Bosnie-Herzégovine, et ce n’est pas avec des films pareils que son blason va être redoré, surtout qu’un titre comme « A Serbian film » joue la carte de la provocation, comme s’il s’agissait après tout d’ « un film serbe » parmi d’autres.
Il est donc naturel que le gouvernement ne cautionne pas un produit pareil, mais néanmoins, comment les auteurs défendent-ils leur création ?
Selon les occasions, il s’agit tantôt d’une critique sur le pouvoir de dirigeants capables de pousser à faire ce qu’on ne veut pas, tantôt une métaphore de la violence qui sévit dans le monde, tantôt une parabole dénonçant le fait que les fonds pour le cinéma en Serbie sont attribués à des soi-disant « artistes », prisonniers du politiquement correct, qui se conforment à des comédies ou mélodrames afin de vendre ce que le grand public attend.
Ces explications, que ce soit sciemment ou non, dissimulent un message qui ne va pas chercher aussi loin et qui se trouve réellement présent, de façon visible, dans le film.
Si le spectateur pense avoir de l’avance sur Milos lorsqu’il arrive sur le lieu de tournage, ce qu’il ignore c’est que lui aussi est observé par la caméra, l’introspection s’appliquant également à lui, puisqu’il ne fait pas que regarder le film, mais l’écran aussi pose sur nous un regard, prêt à juger.
Nous pouvons le remarquer dans la scène où Milos, drogué par ses tortionnaires, titube dans un magasin où il tombe sur un stand de boucher et sur un présentoir rempli de magazines X : le sexe et la violence sont omniprésents dans notre société contemporaine, disposés sous nos yeux chaque jour.
Justement, si un film comme celui-ci est possible, c’est parce que les deux éléments qui sont à sa base sont déjà acceptés par tous au quotidien ; A Serbian film ne fait que les pousser à leurs extrêmes, ce qui peut décupler aussi bien le plaisir que le dégoût.
Il est ainsi douloureux de se décider à apprécier ou non le film, celui-ci faisant se battre à mains nues l’homme civilisé et la bête qui se trouve en chacun de nous de façon bien plus violente que Fight club.
C’est là aussi l’histoire de Milos dans le film : un homme qui a voulu oublier son passé sauvage, un temps où, devant la caméra, il en revenait à un état où seuls les envies primaires comptaient. Seulement il lui suffit d’une gifle de sa femme pour que l’animal ressurgisse, et c’est cet aspect enfoui en lui que le réalisateur Vukmir veut faire apparaître au grand jour, lui inoculant un produit aphrodisiaque qui le transforme en une bête qui ne pense que par le bas-corps et qui efface presque totalement l’être policé. Milos lutte pourtant désespérément contre sa bestialité, quitte à devoir pour cela couper son instrument de travail.
Il se passe quelque chose de similaire devant l’écran, plus assurément chez les membres masculins du public, puisqu’il y a de quoi être écartelé entre la jouissance permise par les images et la gratuité complètement immorale avec laquelle elles sont disposées dans le film.
Car en dehors de la seule scène véritablement révoltante, celle dont l’intention est réellement de révulser n’importe quelle personne sensée en incluant de la pédophilie, A Serbian film propose tout simplement d’aller plus loin dans la monstration de ce qui est déjà accepté et apprécié par le public mâle contemporain.
Le conflit intérieur évoqué est de plus résolu par le fait que cette œuvre ne franchit pas la limite ultime, qui métamorphoserait réellement la satisfaction en aversion : celle entre réalité et fiction. Et c’est d’ailleurs par ce goût pour l’excès de la part des cinéastes, qui déréalise leur spectable, que l’on reconnaît la différence.
Ce qui distingue A Serbian film d’un Cannibal holocaust, c’est qu’il n’affiche pas aux yeux de tous et avec prétention son message de dénonciation de la violence, et qu’il ne se sert pas de brutalité réelle pour le faire, contrairement à Ruggero Deodatio qui avait tué des animaux.
Il serait difficile de dire que le film Serbe en question fasse preuve de subtilité, car ce terme serait peu approprié pour décrire une œuvre comme celle-ci, mais en tout cas il livre son message de façon implicite, avec une réalisation qui sait habilement suggérer.
A Serbian film a de quoi perturber, et ce non pas seulement par ses images crues mais aussi par ce qu’il provoque en nous comme réaction, à notre insu, afin de pousser plus tard à s’interroger.
Malgré ses défauts, A Serbian film a du mérite pour ce qu’il parvient à faire vivre au spectateur, pour se greffer à son inconscient et revenir plus tard le hanter par ce qu’il pose comme questions sur l’animalité propre à l’humain.
A Serbian film en fait partie, la réaction première après sa vision ne correspond pas à ce qui ressort d'une réflexion plus poussée sur ce qu'est exactement cette oeuvre unique, ainsi une mise à jour de l'avis précédent publié sur ce blog se devait d'être faite, et ce en regroupant ce que l'on peut voir dans le film en lui-même mais aussi au-delà.
Ancien article :
http://mayhemcinema.blogspot.com/2010/08/serbian-film.html
New and improved :
Ancien acteur porno qui s’est retiré maintenant qu’il a une famille, Milos (Srdjan Todorovic) s’est récemment vu offrir un nouveau travail par une ancienne collègue désormais reconvertie dans l'animalier. Il n’aura qu’à faire ce qu’il a toujours si bien fait, en échange de quoi un réalisateur peu enclin à dévoiler le sujet de son œuvre lui donnera assez d’argent pour qu’il n’ait pas à se soucier de ses finances jusqu’à la fin de sa vie.
En suivant les instructions qui lui ont été données, Milos monte dans le véhicule d’un chauffeur patibulaire qui reste muet durant tout le trajet. Arrivé sur le lieu de tournage, un orphelinat, et à peine descendu du véhicule, l’acteur est déjà filmé par un jeune homme mâchant impassiblement son chewing-gum, sans mot dire. Milos sent qu’il doit y avoir une embrouille, il s’en doute depuis qu’il sait quelle somme on va lui offrir, mais tandis qu’il entre dans la gueule du loup sous le regard froid de la caméra qui le suit partout, seul le spectateur peut envisager l’ampleur de ce qui se prépare.
Les personnages ne le perçoivent pas, mais le public peut remarquer que le désir de choquer est omniprésent, et ce dès la première scène, avant même que le film n’entre dans le vif de son sujet.
Il y a d’abord un aspect ordinaire dans la représentation de la cellule familiale, qui peut être raccrochée à la réalité par les petites attentions entre Milos, sa femme, et leur fils, mais elle est de suite souillée par l’introduction régulière d’éléments-coup-de-poing : le frère de Milos qui désire la femme de ce dernier, ou l’enfant qui voit un des films de son père et qui le questionne dessus plus tard, sorte d’équivalent de nos « papa, comment on fait les bébés ? » en plus indélicat.
Le film suit une progression constante vers le trash, et après cette incursion dans la vie de famille de l’ex-star d’Acockalypse now, déjà chargée en évocations du thème sexuel, à se demander d’ailleurs s’il y a une scène dans le film qui en soit dépourvue, le tournage du snuff s’occupe de prendre le relais.
Le réalisateur, Vukmir Vukmir, est une source inépuisable de répliques qui sont des perles d’obscénités lancées au hasard, et si parfois il est pertinent en évoquant certains aspects de l’industrie dans laquelle Milos travaille, la plupart du temps ses paroles sont l’occasion de rire tout en étant atterré : « The unique magic of rigor mortis ».
Son discours se pare d’un certain sérieux dans sa façon d’énoncer ses intentions artistiques, similaires à celles de Burt Reynolds dans Boogie nights en plus glauque. En accumulant ses idées, Vukmir crée des liens entre elles, son propos ayant donc du sens pour lui avec cette idée de livrer des innocents déshonorés sur un écran.
L’acteur, Sergej Trifunovic, est totalement pris par son rôle, soit austère pour donner du poids à ce qu’il dit, soit complètement emporté par la démence du projet de son personnage, qui ne conçoit pas qu’on puisse ne pas comprendre son projet. Il n’empêche que quoiqu’il fasse ou dise, son entreprise ne peut être défendue par Milos ou le spectateur, trop insensée et immorale qu’elle est, voire risible lorsqu’il dit que son acteur est la preuve qu’il y a de l’art dans la pornographie. Du moins il y a de quoi rire jusqu’à ce que nous arrivions à un certain point où la gravité de la situation fait qu’on ne peut plus autant prendre avec humour les répliques décalées, aussi grotesque qu’elle soient.
En suivant essentiellement le parcours de Milos jusqu’à ce qu’il se rende vraiment compte de ce qu’il se passe, le scénario se montre assez simpliste, toutefois ce défaut ne se fait pas trop sentir, puisque le film réussit à étirer cette trame dans le temps. La prise de conscience complète du personnage principal est retardée, notamment par la disposition de scénettes qui rendent compte au jour le jour de l’avancée du tournage, qui n’a au départ rien de particulièrement anormal pour un acteur expérimenté comme Milos.
Le film souffre par contre d’incohérences dans son récit, qui peuvent déjà concerner l’existence du cercle snuff, mais surtout le fait que les hommes de main de Vukmir puissent tuer des passants en pleine rue sans se poser de questions.
Il est probable qu’à force de se fixer comme but de choquer à tout moment, le scénario en est handicapé, puisque certains twists sont prévisibles, et les auteurs ont aussi tendance à oublier la construction dramatique autour du héros, dont on ne se sens jamais vraiment proche, et sans laquelle certains des drames dont le personnage est victime peuvent laisser indifférent.
A Serbian film n’est pas pour autant bâclé, du moins il ne l’est pas concernant sa réalisation. Certains plans disposent d’un bel éclairage, et du reste l’ambiance visuelle terne n’est pas trop caricaturale, contrairement à d’autres films qui abusent de la correction colorimétrique en post-production.
Concernant les idées de mise en scène, toujours dans une optique de perturber le spectateur, le réalisateur a su trouver des procédés malins pour le faire participer d’autant plus aux atrocités qu’il voit, que ce soit par des flashs qui impriment furtivement des images malsaines sur notre rétine, ou des plans qui correspondent visiblement à ce que tournent les cameramen du film dans le film, comme si le public était emmené malgré lui au sein du snuff.
Au lieu d’imposer ses idées avec lourdeur, c’est par ce genre d’astuces que le film cherche à signifier, sans que le spectateur ne s’en rende forcément compte, ce qui est probablement plus vicieux.
A Serbian film a attiré l’attention dès sa sortie dans divers festivals, de par la réaction de critiques révoltés, mais aussi le fait que des projections aient provoqué vomissements et évanouissements, dont un cas particulier où quelqu’un se serait cassé le nez en tombant.
Une rumeur a circulé comme quoi le film avait été produit avec l’aide du gouvernement Serbe, une erreur que le réalisateur a corrigé, en précisant que son œuvre a été confondue avec une autre production de son pays, Life and death of a porn gang.
La Serbie a mauvaise presse depuis le massacre de Srebrenica, perpétré au cours de la guerre de Bosnie-Herzégovine, et ce n’est pas avec des films pareils que son blason va être redoré, surtout qu’un titre comme « A Serbian film » joue la carte de la provocation, comme s’il s’agissait après tout d’ « un film serbe » parmi d’autres.
Il est donc naturel que le gouvernement ne cautionne pas un produit pareil, mais néanmoins, comment les auteurs défendent-ils leur création ?
Selon les occasions, il s’agit tantôt d’une critique sur le pouvoir de dirigeants capables de pousser à faire ce qu’on ne veut pas, tantôt une métaphore de la violence qui sévit dans le monde, tantôt une parabole dénonçant le fait que les fonds pour le cinéma en Serbie sont attribués à des soi-disant « artistes », prisonniers du politiquement correct, qui se conforment à des comédies ou mélodrames afin de vendre ce que le grand public attend.
Ces explications, que ce soit sciemment ou non, dissimulent un message qui ne va pas chercher aussi loin et qui se trouve réellement présent, de façon visible, dans le film.
Si le spectateur pense avoir de l’avance sur Milos lorsqu’il arrive sur le lieu de tournage, ce qu’il ignore c’est que lui aussi est observé par la caméra, l’introspection s’appliquant également à lui, puisqu’il ne fait pas que regarder le film, mais l’écran aussi pose sur nous un regard, prêt à juger.
Nous pouvons le remarquer dans la scène où Milos, drogué par ses tortionnaires, titube dans un magasin où il tombe sur un stand de boucher et sur un présentoir rempli de magazines X : le sexe et la violence sont omniprésents dans notre société contemporaine, disposés sous nos yeux chaque jour.
Justement, si un film comme celui-ci est possible, c’est parce que les deux éléments qui sont à sa base sont déjà acceptés par tous au quotidien ; A Serbian film ne fait que les pousser à leurs extrêmes, ce qui peut décupler aussi bien le plaisir que le dégoût.
Il est ainsi douloureux de se décider à apprécier ou non le film, celui-ci faisant se battre à mains nues l’homme civilisé et la bête qui se trouve en chacun de nous de façon bien plus violente que Fight club.
C’est là aussi l’histoire de Milos dans le film : un homme qui a voulu oublier son passé sauvage, un temps où, devant la caméra, il en revenait à un état où seuls les envies primaires comptaient. Seulement il lui suffit d’une gifle de sa femme pour que l’animal ressurgisse, et c’est cet aspect enfoui en lui que le réalisateur Vukmir veut faire apparaître au grand jour, lui inoculant un produit aphrodisiaque qui le transforme en une bête qui ne pense que par le bas-corps et qui efface presque totalement l’être policé. Milos lutte pourtant désespérément contre sa bestialité, quitte à devoir pour cela couper son instrument de travail.
Il se passe quelque chose de similaire devant l’écran, plus assurément chez les membres masculins du public, puisqu’il y a de quoi être écartelé entre la jouissance permise par les images et la gratuité complètement immorale avec laquelle elles sont disposées dans le film.
Car en dehors de la seule scène véritablement révoltante, celle dont l’intention est réellement de révulser n’importe quelle personne sensée en incluant de la pédophilie, A Serbian film propose tout simplement d’aller plus loin dans la monstration de ce qui est déjà accepté et apprécié par le public mâle contemporain.
Le conflit intérieur évoqué est de plus résolu par le fait que cette œuvre ne franchit pas la limite ultime, qui métamorphoserait réellement la satisfaction en aversion : celle entre réalité et fiction. Et c’est d’ailleurs par ce goût pour l’excès de la part des cinéastes, qui déréalise leur spectable, que l’on reconnaît la différence.
Ce qui distingue A Serbian film d’un Cannibal holocaust, c’est qu’il n’affiche pas aux yeux de tous et avec prétention son message de dénonciation de la violence, et qu’il ne se sert pas de brutalité réelle pour le faire, contrairement à Ruggero Deodatio qui avait tué des animaux.
Il serait difficile de dire que le film Serbe en question fasse preuve de subtilité, car ce terme serait peu approprié pour décrire une œuvre comme celle-ci, mais en tout cas il livre son message de façon implicite, avec une réalisation qui sait habilement suggérer.
A Serbian film a de quoi perturber, et ce non pas seulement par ses images crues mais aussi par ce qu’il provoque en nous comme réaction, à notre insu, afin de pousser plus tard à s’interroger.
Malgré ses défauts, A Serbian film a du mérite pour ce qu’il parvient à faire vivre au spectateur, pour se greffer à son inconscient et revenir plus tard le hanter par ce qu’il pose comme questions sur l’animalité propre à l’humain.
dimanche 12 juin 2011
Balada triste
Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Alex de la Iglesia
Année : 2010
Genres : Drame / Comédie / Action
Acteurs principaux : Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang
Résumé : Dans une troupe de cirque ambulant, Javier, un clown triste, tombe amoureux de la belle acrobate Natalia. Le problème c'est qu'elle est la compagne de Sergio, un clown joyeux qui amuse les enfants, mais très violent en dehors du spectacle, surtout s'il a bu.
Avis sur le film :
Alex de la Iglesia était présent lundi dernier en France pour présenter son dernier film, et il a fait sa présentation, où il prévenait qu'il allait gâcher deux heures de notre vie, que nous allions haïr, et il nous autorisait à le taper après, de quoi se vanter par la suite d'un "j'ai tapé Alex de la Iglesia". Il annonçait aussi les thèmes du film, parmi lesquels la violence et l'humour, mais en précisant qu'il montrait finalement que l'humour, ce n'est pas quelque chose de drôle.
Le générique présente les divers logos des sociétés de production, et à l'apparition de chacun, des rires d'enfants se font entendre. On rit au bout d'un moment par contamination, mais aussi à cause de l'absurde de ce qui se passe, car après tout il n'y a rien de comique. Le procédé de démantèlement de l'humour a commencé ; on rit en effet, mais en se disant que ces esclaffements d'enfants, injustifiés par ailleurs, vont donner suite à un spectacle hors normes, connaissant le réalisateur.
Violence et humour sont à retenir avant tout, car ce sont deux thèmes faciles à lier, et qui se trouvent au centre du film, déjà rien qu'avec ces figures de clowns déviants.
Quand le film démarre, alors même que la face grimée farceuse est, dans son contexte, censée amuser les bambins face à elle dans le public, il y a déjà quelque chose de détraqué avec ce gros plan qui rend monstrueux et grimaçant le clown souriant.
Nombreux sont ceux que les clowns ont traumatisés étant enfants, l'actrice principale nous a confié qu'elle en faisait partie, et le film développe cette phobie en partant de quelques personnages du monde du cirque, normaux, jusqu'à ce que certains évènements les transforment en monstre, leur statut originel contrastant avec ce qu'ils sont devenus.
Alex de la Iglesia voulait faire un film avec un clown tueur depuis 15 ans, sur quelqu'un qui assassinerait des enfants qui ne riraient pas à ses blagues. Malheureusement, d'après le réalisateur, c'est impossible à faire... et tant pis car son film est déjà assez déjanté comme ça.
Il a vu une vidéo sur youtube avec le chanteur Raphaël grimé en clown et son "Balada triste de la trompeta", ce qui a donné le titre du film et toute la suite de l'intrigue qui s'est déroulée semble-t-il d'un coup dans la tête du scénariste.
Le métier de clown, au delà du simple caractère cocasse qu'il apporte aux situations, est assez bien exploré. Comme le dit l'un d'eux, "on ne devient pas clown par hasard", et dans le cas présent le héros veut perpétuer une tradition de famille. Alors qu'il le fait de son plein gré, il y a comme une pression que s'impose le personnage de lui-même pour faire comme ses parents, en voulant devenir précisément le clown joyeux, et non celui triste qui ne fait pas rire mais qui subit simplement. Il y a là-dedans une sorte de notion de destin, d'héritage transmis d'un clown à un autre, qui revient aussi quand, dans la salle de cinéma, Javier regarde sur l'écran un chanteur maquillé comme lui, et qu'il voit comme son père. Privé de son enfance et ayant vécu trop d'horreurs, le personnage cherche toujours à être comme son paternel, mais est condamné à être un clown triste.
Le réalisateur cherche aussi à explorer les origines de la violence, ce qui fait de quelqu'un un monstre. C'est assez mal développé, les racines du mal pouvant se retrouver dans des évocations de certains thèmes la plupart du temps vite évoqués par quelques lignes de dialogues qui passent presque inaperçues par la rapidité avec laquelle elles sont expédiées par les acteurs, sûrement pressés de par une pensée du montage de la part du réalisateur déjà sur le tournage, puisque ces scènes même où cela s'inclut sont trop courtes. On nous évoque donc des histoires d'amour et des disputes conjugales qui vont donner à Javier une chance à saisir, tout ça compréhensible dans ses grandes lignes essentiellement parce que ça a déjà été vu ailleurs.
Par contre, plutôt que les raisons, le film se plaît à montrer les conséquences d'un amour fou, et "fou" retrouvant ici sa signification première en même temps que désignant quelque chose d'insensé, puisqu'Alex de la Iglesia ne manque pas d'insister sur la brutalité à laquelle peut pousser la passion.
C'est rare de se dire ça de nos jours, après tout ce que l'on voit, mais ce film est d'une grande violence. Il parvient encore à faire réagir, et ce par divers procédés. Il y a ces passages où c'est en faisant marcher l'imagination seulement, aux moments où c'est nécessaire et possible sans que cela ressemble à un manque de moyens pour représenter visuellement ce qui nous est décrit, par des répliques comme "elle a implosé" ou "remets ses dents en place, tires plus fort".
Il y a ensuite un travail sur le son formidable, rendant compte de la violence d'une situation en l'amplifiant, ou en la créant tout simplement : que le personnage morde un canard n'est pas si dérangeant, jusqu'à ce qu'on entende le son qui y est ajouté.
Finalement, il y a une exagération dans la violence, en décuplant la force d'un personnage ou en faisant supporter à d'autre des coups auxquels il serait impossibles de survivre dans la réalité, et pourtant il n'y a rien de comique ni de ridicule, le dosage est assez bon pour que l'on souffre pour les victimes.
Alex de la Iglesia va à fond dans son trip, apparemment il a eu les moyens pour, et ne fait pas de compromis, bien heureusement.
Parallèlement, il va aussi plus loin dans la précision de sa mise en scène, qui est plus appliquée que dans ses précédents films. Iglesia utilise des CGI pour reproduire ce qu'il n'a pu filmer comme évènement ou comme lieu, de nombreuses corrections colorimétriques au début pour rendre l'image grisâtre, mais en tout cas l'usage n'est pas abusif, contrairement à d'autres films. Par contre en dehors de ça, il y a des plans subtilement pensés. La première apparition de Natalia est présentée de sorte à la faire paraître sortir d'un songe, sans pour autant oublier de donner une justification réaliste à cette vision. Sur le même thème de la sublimation, l'actrice est à disposition du réalisateur pour réaliser un fantasme purement onirique, lorsque dans une scène de rêve, telle une déesse, elle est couverte de quelques voiles qui couvrent ses parties intimes en même temps qu'ils montrent le reste, formant ainsi un procédé d'érotisation et d'idéalisation totalement irréel et magnifique.
Dans un autre contexte que la beauté, il y a cet élément visuel qui a laissé une trace sur le décor, à savoir le poulet écrasé sur la vitre, justifié par le fait qu'il ait fait partie de la mise en scène d'une blague précédemment, et qui reste apparent dans les scènes d'après, notamment lors du retour du clown violent vers sa femme, et conserve ainsi une tension présente à l'image en rappellant ce qui s'est passé.
La scène antérieure évoquée ci-dessus est une parfaite illustration de ce que voulait dire le réalisateur : la blague chargée en humour noir fait rire par la mise en scène excessive du personnage, qui mime l'histoire macabre qu'il raconte, et on rit là encore en se demandant s'il le faut ou non, le film jouant quelque peu sur cette violence qui fait éclater de rire, et qui peut devenir dramatique avec seulement un petit renversement de situation. Parfois au sein d'une même scène nous pouvons vouloir s'esclaffer et se retenir d'anxiété juste après : c'est le cas lors du lancer du bébé, Alex de la Iglesia arrivant parfaitement à nous manipuler à ce moment là.
Doivent aussi s'ajouter à l'humour et la violence, surtout par rapport à ce dernier élément, le sexe et l'amour, eux aussi évoqués par le réalisateur lors de sa présentation. Des films comme Hellraiser ou Dellamorte dellamore l'avaient déjà fait remarquer : un lien fort peut se créer entre la douleur et le plaisir, lors de scènes de sexe où il arrive que la frontière entre les deux soit fine. C'est plutôt bien rendu dans Balada triste dans une scène adjacente à celle du poulet, où la violence se transforme en jeu sexuel, avec en plus de cela une ironie dramatique qui souligne la souffrance du héros. Le réalisateur arrive en tout cas à réutiliser ces thèmes mais en y ajoutant quelque chose qui change la donne.
Un délire assumé et poussé suffisamment loin, une séquence de guerre entre militaires et gens du cirque très plaisante, de nombreuses bonnes idées, ... mais il y a une scène particulièrement marquante, renforçant ce qui a été évoqué : la scène de transformation physique de Javier, qui ne se grime plus en clown mais devient clown, métamorphose non seulement d'une grande violence et d'un jusqu'au-boutisme fou, mais qui concentre aussi plusieurs idées déjà évoquées, dont la démence poussée à bout, les actes insensés provoqués par des sentiments comme l'amour, et cette obsession et à la fois tourment et malédiction de devoir être un clown.
Après ce passage, il y a trop de poursuites et d'affrontements tous deux vains, d'hésitations de la femme face à l'engagement dément des hommes qui sont après elle, et de rebondissements dans les évènements ainsi que dans les décisions et sentiments incertains des personnages, et plus particulièrement Natalia, finalement conquise malgré, ou grâce à, la folie déployée par le héros à cause de son amour pour elle. Et peu importe s'il est devenu un psychopathe qui s'est transfiguré de son plein gré.
Ce n'en est pas fini pourtant, et l'action continue à traîner, non plus à cause des tentatives de conquête par l'un ou l'autre des personnages, mais maintenant à cause de leur affrontement pour obtenir la même femme, qui tire trop en longueur pour sensibiliser par rapport à ce qu'il se passe. Et si le public réagit quand même à un moment, pris d'inquiétude même, c'est en prévision d'une souffrance extrême que va subir un personnage d'ici peu, et qui nous projette déjà dans une empathie avec lui, en s'imaginant à quel point ça va faire mal. Et ça fait mal, en effet, là encore grâce au travail du bruitage.
Il fallait attendre la fin pour voir si elle allait rattraper certains défauts. La toute dernière scène est extrêmement simple, en réalité, mais pourtant si forte, ce qui tire effectivement un peu plus le film vers le haut.
Alex de la Iglesia avait parlé d'une métaphore de ce qu'était l'Espagne en 1973, sorte de grand cirque, mais cela reste obscur à la vision de l'oeuvre en elle-même. Il présente bien deux camps qui s'affrontent, et d'après ce qu'il avait dit, il offrait une solution dans son film à ce genre de confrontation, qui selon ses dires était basée sur l'acceptation de la différence, et non pas en incluant seulement deux groupes mais bien plus. On ne retrouve pourtant pas ce message de tolérance dans le film, ni de solution quelconque ; on y voit simplement une dénonciation de tout conflit, qui mène à la perte des deux adversaires.
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