dimanche 27 juin 2010

Wanted [Autour du cinéma]


Fiche du comic :
Auteur : Mark Millar
Dessinateurs : J.G. Jones, Dick Giordano
Années : 2003 à 2005
Résumé : Wesley Gibson est un loser qui se fait exploiter par pratiquement toutes les personnes qu'il connaît alors que son père était, sans qu'il le sache, le plus grand tueur de tous les temps. Après sa mort, Wesley pénètre dans l'univers de son géniteur, et est à son tour entraîné pour rejoindre les super-vilains de la Fraternité.

Avis sur le comic :
Durant son enfance, Mark Millar fut émerveillé par la découverte de Superman, ce défenseur tout-puissant de la justice. Ainsi, quelle ne fut pas sa déception lorsque son frère aîné lui raconta que si le monde assiste à autant de désastres, c'est parce que les super-méchants ont tous pris le pouvoir en anéantissant leurs opposants. L'inspiration tirée de son enfance avait déjà assuré à l'auteur le succès avec Superman : Red son, et c'est à partir du récit de son frère qu'est imaginé un monde dominé et réglé par le mal dans Wanted.

Les premières pages nous présentent pourtant Wesley Gibson, un perdant comme tant d'autres dans le monde normal, un simple humain qui se croit être au 36ème dessous et dont le seul échappatoire est fait de ses pensées injurieuses. C'est ainsi que la surprise se crée à l'arrivée du Killer et ses compagnons, des individus improbables aux paroles et actes insensés, en décalage avec la norme jusque dans les détails des costumes ou les postures qui évoquent discrètement des bribes de Spiderman ou Batman, alors qu'ils sont placés là comme si de rien n'était, au cours de discussions qui leur semblent banales. Mais le lecteur qui croit déjà se trouver au coeur de la folie de Wanted n'a encore rien lu.
Wesley Gibson avait déjà un grain de par ses pensées ahurissantes, mais il les laisse s'échapper hors de son esprit dérangé seulement une fois placé dans l'environnement déroutant des tueurs de masse qui se situe hors de toute raison, les membres de la Fraternité soutenant par exemple que le don pour le meurtre est inscrit dans l'ADN. Le groupe entraîne le "héros" pour qu'il devienne un vrai homme, lui faisant perdre toute once de morale et de remords impliqués par ce principe futile, ce qui constitue un passage obligé pour le lecteur lui aussi s'il ne veut pas haïr ce qu'il a devant les yeux.


Effectivement, Wanted est totalement immoral et véhicule une sensation de stupidité permanente à travers les dialogues effarants, quoique l'auteur n'est pas si sot lorsqu'il remplit chaque case d'une imagination insensée qui fait appel à tout ce qu'il y a de plus trash et brutal, et pioche régulièrement dans les classiques du comic book, hésitant entre hommage et parodie cruelle, témoignant toutefois d'une vaste connaissance du genre avec un recul suffisamment grand pour placer des allusions subtiles malgré leur grossièreté, que l'on comprend avec stupéfaction sans que le jeu de devinette ne soit trop aisé.
Ayant découvert que le paradis n'existe pas et pouvant faire n'importe quoi grâce au pin's accroché à leur veste, les tueurs se permettent tout en l'absence de dieu et de maître, mais comme ses prédécesseurs Wesley en arrive à un point où cet excès de liberté personnelle dépasse les limites de la violence décérébrée pour renverser le plaisir procuré au personnage et au lecteur. Mais l'équilibre est retrouvé en apposant une légère restriction dans ce trop-plein d'impunité, et c'est reparti pour le délire malsain quoique divertissant.


Ce comic est une folie furieuse réjouissante de bout en bout, ou presque, car arrivé aux deux dernières pages le ton change radicalement. Le message que Millar veut faire passer est comparable à celui de Kick-ass, où seul un comportement anormal correspondant au déchaînement des passions nous permet de sortir du troupeau. Sauf que le personnage de Wanted nous prend de haut, comme s'il était à la portée de tous d'obtenir la gloire en étant un super-méchant qui atteint sa cible à chaque balle tirée. Le propos est comparable mais la différence se situe dans le contexte dissemblable, le message de Wanted tombe à l'eau là où celui de Kick-ass parvenait à nous atteindre grâce à un traitement de l'histoire proche de la réalité. Dans l'ouvrage dont il est question ici, seule la raillerie demeure de ce message, qui a d'autant plus de mal à passer au vu de la voie indiquée par le personnage.
Le comic book est donc très bon tout du long lorqu'il nous emmène aux tréfonds de la démence du "Millarworld", à condition de bien vouloir oublier l'échec de l'auteur en fin de parcours.

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