mercredi 14 avril 2010

Kick-Ass

Critique en avant-première.


Fiche du film :
Réalisateur : Matthew Vaughn
Scénaristes : Jane Goldman, Matthew Vaughn
Année : 2010
Genre : Comédie / Action
Acteurs principaux : Aaron Johnson, Christopher Mintz-Plasse, Nicolas Cage, Chloë Grace Moretz, Lyndsy Fonseca
Résumé : Dave Lizewski n'était qu'un ado fan de comic books qui ne se différenciait en rien des autres jusqu'à ce qu'il décide, à partir d'une simple idée lancée au détour d'une conversation, de devenir lui-même un super-héros. Il enfile un costume et s'arme de matraques, et alors qu'il s'attarde à de basses besognes comme la recherche d'un chat disparu, il est mêlé à une affaire concernant la mafia New-yorkaise.

Avis sur le film :
Le comic book écrit par Mark Millar avait déjà eu une belle promotion, mais l'attente créée pour son adaptation cinématographique était d'autant plus grande, la sortie au fur et à mesure des comics étant aussi accompagnée de très nombreuses bande-annonces et extraits vidéos publiés sur le net.
Le réalisateur Matthew Vaughn et le créateur du comic Mark Millar s'étaient rencontrés à la sortie de Stardust, et c'est là que le projet de création du film et de la bande-dessinée en partenariat est né.
L'écriture simultanée des deux fait qu'il y a des ressemblances parfois trait pour trait, et d'autres fois des différences notables. Tant mieux d'un côté, car les deux histoires se complètent, chacun ayant apporté ses idées concernant le même sujet, ce qui empêche une trop grande impression de déjà vu en passant d'un support à un autre et permet de surprendre de nouveau ; mais d'un autre côté ce qui est dommageable c'est que ceux ayant été habitués à l'ouvrage de Mark Millar ne retrouvent pas les mêmes propos qui sont au coeur de sa version.


Les grandes lignes restent néanmoins les mêmes, mais le film développe plus certains aspects d'une histoire qui paraissait trop courte dans les 200 pages dessinées par John Romita Jr. C'est le même Dave Lizewski que l'on retrouve, ses traits de caractère et la façon dont il nous est présenté sont similaires mais ses actes et paroles qui modèlent sa personne sont différents. Le misérabilisme est tout de même accentué, ce qui donne chez le spectateur une réaction mêlée d'apitoiement, de répulsion et d'amusement.
Surgit alors l'idée de devenir un super-héros, réellement lancée par le personnage comme une idée saugrenue qui vient d'émerger dans son esprit, donnant vraiment l'impression que c'est l'ennui qui l'a poussé à mettre ses paroles en application. Car Dave n'a rien d'un héros, bien au contraire, et l'idée sotte qu'il a eu n'est qu'un délire qui l'a mené dans une situation dont il ne pouvait s'échapper. C'est seulement alors que ce justicier de pacotille va jusqu'au bout de son plan, bien malgré lui en réalité.


La violence démesurée des combats du bien contre le mal se retrouve tout de même, mais on voit bien que Kick-ass n'a rien d'un héros ou même d'un bon combattant. L'explication de sa résistance à la douleur est plus détaillée, se rapprochant de Darkman de Sam Raimi, et même avec ce "pouvoir", Kick-ass se fait "ass-kicked". On voit bien cette fois que seul la chance lui permet de survivre, mais la détermination de Dave à protéger non pas forcément les innocents mais les inconnus, ou bien mourir, fait que sa cause est marquée d'une justice aveugle (mais discutable).
Mais il ne suffit pas des quelques coups décochés au hasard par Dave, même avec en fond une musique énergique qui retranscrit très bien l'intensité de sa résolution, pour faire que Kick-ass impressionne par sa violence graphique.
Apparaissent par la suite Hit-girl et Big Daddy qui ajoutent une sérieuse touche de démence et de brutalité crue.
Nicolas Cage joue un papa maniéré et protecteur envers sa fille même s'il l'entraîne à dézinguer des méchants. Le rire est créé par le contraste entre son intonation à la Adam West suivie de ses blagues ringardes rappellant tout papa dépassé par son temps, et la barbarie dont ses ennemis sont victimes. De plus, Cage fait transparraître à l'écran sa passion pour les comic books qui se transforme en une force d'interprétation bluffante marquée par son investissement total, et la prononciation de chacune de ses répliques est d'une justesse éclatante qui nous fait ressentir que l'acteur ne joue pas Big Daddy mais le devient entièrement.
Quant à Chloe Moretz en Hit-girl, son rôle est sensationnel. Rares sont les petites filles qui marquent, mais Hit-girl a de quoi faire pâlir n'importe quel héros de film d'action.
Cette fillette vole la vedette par son humour piquant et irrévérencieux, quand elle n'est pas au milieu d'une des scènes de fusillades qui témoignent de la surpuissance de cette enfant, mise en valeur par le montage, la musique et les effets de lumières qui accompagnent ses coups de feu impitoyables qui se rapprochent parfois d'un style issu d'un jeu vidéo en first-person shooter.


Alors que Mark Millar nous montrait le anti-héros parfait rêvant de devenir un super-héros et qui se prenait une grosse claque en revenant sur terre, Matthew Vaughn fait presque le choix inverse en faisant de Kick-ass un piètre héros qui ne réussit qu'en étant lui-même. Mais s'il n'est qu'un couard armé de matraques, ce qui est tout de même plus tangible, comment expliquer sa victoire en dehors d'une chance qui a ses limites ?
C'est sur ce point que le film décide de s'affranchir des limites du réel dans lequel le comic book se basait, même dans ses égarements. Grâce à des gadgets sophistiqués, c'est celui qui a l'arme la plus grosse qui gagne, dans un bain de sang enjolivé d'explosions de gags et de tirs au bazooka.
Mais comme Millar l'a ironiquement fait remarqué à Vaughn et Jane Goldman, le duo a écrit un "film de filles", se concentrant également d'avantage sur les émotions. Le développement des personnages grâce aux deux heures de film ne nous montre pas qu'un déchaînement d'aggressivité même si c'est ce qui est attendu, car la relation entre Big Daddy et Hit-girl se construit pour en arriver presque au touchant lorsque le père calciné adresse ses dernières paroles à sa chère fille qu'il a éduqué pour la vengeance. L'insensibilité meurtrière de la Hit-girl sur le papier devient tiraillement à l'écran lorsqu'elle doit choisir entre sa propre vie ou celle de son paternel.
Mais une autre relation conflictuelle est celle entre Kick-ass et Red Mist, joué par Christopher Mintz-Plasse qui s'était fait remarqué pour son rôle de McLovin dans Supergrave. L'acteur joue de façon moins exagérée mais son intonation bien spécifique apporte une touche comique à n'importe laquelle de ses répliques.
Pour lui aussi, le personnage est devenu légèrement plus complexe car il est désormais partagé entre sa sincère admiration pour Kick-ass et son désir de suivre la voie de son père mafieux.


Kick-ass a plus de liberté que le comic book délimité par les lignes de ses cases, mais même si l'hémoglobine coule généreusement, le film donne l'impression de s'être restreint pour ne pas trop choquer le grand public, en substituant par exemple les testicules électrocutées par un supplice par le feu plus traditionnel, même si cela reste bien cruel. Ce qui est surtout à regretter c'est que la fin nous réserve un happy end alors que Mark Millar se plaisait et faisait plaisir en enfonçant encore plus ses personnages.
Malgré des changements qui peuvent sembler mineurs, le message passé est résolument différent, les auteurs ayant sûrement eu des points de vue divergents à ce sujet.
Mais dans ce cas là il ne faut plus voir Kick-ass le film comme une adaptation du comic book mais une version d'un sujet qui au départ était le même. Les deux oeuvres se complètent sans toujours se correspondre ; le comic book visait l'héroïque et le trash bien crade, le film plus grand public et donc sûrement plus limité, notamment pour éviter les contestations d'associations et les enfants voulant jouer chez eux à être Kick-ass, nous fait comprendre pourquoi les super-héros n'existent pas dans la vraie vie, mais reste cependant suffisamment en marge pour nous faire vibrer dans ses passages d'apothéoses et nous laisser ébahis dans un plaisir jubilatoire.

Réplique culte :
"Switch to kryptonite" - Big Daddy

Bande-annonce VOST :

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