mercredi 12 janvier 2011

Smoking / No smoking


Fiche des films :
Réalisateur : Alain Resnais
Scénaristes : Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui
Année : 1993
Genre : Comédie
Acteurs : Pierre Arditi, Sabine Azéma
Résumé : Un matin, Celia Teasdale sort de chez elle le temps de respirer au milieu de son grand ménage de printemps. Sur la table du jardin, elle aperçoit un paquet de cigarettes et est tentée d'en prendre une. Dans Smoking elle cède, dans No smoking elle résiste. Premier choix anodin mais décisif qui, suivi par d'autres, changera de diverses façons sa vie et celle de ses proches.

Avis sur les films :
Passionné de cinéma comme de littérature, après avoir collaboré avec Marguerite Duras ou David Mercer, Resnais se lance dans une adaptation de la pièce "Intimate exchanges" d'Alan Ayckbourn. L'influence du théâtre est flagrante par la facticité des décors et l'emploi de seulement deux acteurs filmés majoritairement en longs plans fixes, et en dehors de la suppression de deux morceaux de l'oeuvre originale, la version cinéma se veut fidèle. Adepte des expérimentations, Resnais se lance ici un nouveau défi et prend le risque de faire un diptyque dont chaque partie sortirait le même jour en salles, les deux ayant le même point de départ d'où naissent des embranchements distincts que sont Smoking et No smoking.


Entre les deux long-métrages de 2h20 chacun, aucun ordre n'est donné, le spectateur doit choisir lequel voir en premier. Or, dans tout "film à sketchs", il est inévitable de dégager des parties moins bonnes que d'autres, et puisque l'ensemble est ici lui même divisé en deux long-métrages, selon l'ordre de visionnage, l'un peu décevoir par rapport à l'autre tout commme il peut surprendre. Avec une vision d'ensemble, il semblerait que ce soit Smoking qui ait hérité des passages les moins forts de la pièce, et cela peut jouer en sa défaveur lorsque No smoking a été vu auparavant.
Ce diptyque part d'un effet papillon prenant des proportions énormes, du moins c'est ce que l'on croit, et qui peut dévaloriser celui des deux films vu en second, puisque nous remarquons avec le passage de l'un à l'autre que Resnais gâche un potentiel colossal en ne tenant pas sa promesse initiale d'un unique changement qui modifie tout. Cela se remarque surtout dans Smoking où, en dehors d'une action qui diffère, la personne qui doit apparaître quelques secondes après dans la scène n'est pas la même, ce qui, en un si petit laps de temps, ne peut aucunement avoir un lien de cause à effet avec par exemple la cigarette fumée.
Le tabac responsable des titres de ces deux oeuvres n'a donc pas même la moindre importance, tout le concept de base de Smoking / No smoking s'effondre, le cinéaste ne s'étant probablement pas vraiment rendu compte du pouvoir en sa possession. Resnais change arbitrairement une part de sa fiction au point même où il aurait fallu la dévier pour observer ensuite des changements qui seraient, dans ce cas, justifiés et intéressants par le cheminement qui aura mené à eux.


Si l'idée de départ n'est pas proprement exploitée, cela n'en retire pas son audace, et encore moins l'intérêt créé par la vision des possibilités parallèles. Cependant, encore une fois, No smoking détient l'avantage grâce à un respect des règles de la théorie du chaos (ou effet papillon), mais aussi grâce à des personnages passionnants. Smoking se consacre à Celia et Lionel, duo qui se recroise pour quelques passages comiques, alors que le second film se penche sur le cas de Celia et Miles qui, par leur union impossible, apportent au film une interrogation récurrente quant à l'avenir de leur relation. Ces deux êtres maladroits, victimes chacun de leur conjoint, donnent envie de les voir finir ensemble, bien que cette trame de comédie romantique ne semble trop classique. Seulement ce n'est que ce que l'introduction laisse penser, puisque plutôt que de choisir de conter une énième histoire sur un amour inébranlable qui lutte contre l'adversité, la décision peu commune est prise de nous montrer l'autre camp, celui de l'époux alcoolique et de la femme adultère. Bien loin des clichés qui n'auraient dressé de ces personnages qu'une image qui correspondrait aux dires de Miles et Celia, nous pouvons constater qu'ils ne sont pas si antipathiques que cela. Cette vision anti-manichéenne ajoute à la fiction la complexité des rapports humains, et fait s'interroger sur l'identité de la "mauvaise" personne dans chacun des deux ménages. De quoi également se demander si le nouveau couple qui pourrait se constituer ne finirait pas comme l'un des deux anciens qui se décomposent.


Parcourus par des dialogues particulièrement savoureux qui surgissent lors de scènes anodines pour mieux faire éclater de rire, Smoking et No smoking sont aussi dotés de passages indirectement dramatiques. Quelle que soit la réalité alternative parcourue, chacune est découpée en parties séparées par 5 jours, 5 semaines, puis 5 ans. Ces ellipses temporelles de plus en plus longues mènent à des scènes qui n'ont l'air d'être qu'un bilan de ce que le public n'a pas pu voir, dans un passé sur lequel il a d'autant plus l'impression de ne pouvoir agir mais seulement contempler les conséquences, jamais totalement positives ni négatives.
Ces deux films d'Alain Resnais nous confrontent à ce sur quoi nous n'avons plus aucun pouvoir, et qui ne nous satisfait jamais pleinement au moment présent. Bien que nous soient montrées plusieurs alternatives, la question "Aurait-ce été mieux autrement ?" ne trouve pas de réponse car un personnage se retrouve immanquablement délaissé au profit d'autres, à regret pour nous puisque chaque histoire parallèle poursuit le développement des personnages qui, en fin de compte, ont tous un bon fond.
Smoking et No smoking attirent par l'originalité de leur concept, mais celui-ci ne se révèle être qu'une sophistication presque inutile, pour une intrigue qui se montre bien plus captivante et qui finit par créer le principal intérêt de ces deux oeuvres drôles et tragiques à la fois.

Bande-annonce :

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