mardi 22 février 2011

127 heures


Fiche du film :
Réalisateur : Danny Boyle
Scénaristes : Danny Boyle, Simon Beaufoy
Année : 2010
Genre : Drame
Acteur principal : James Franco
Résumé : Randonneur et escaladeur chevronné, Aron Ralston est tellement sûr de lui qu'il ne prévient plus personne du lieu de ses escapades en terrain désertique. C'est, il s'en rend compte, une erreur, et le regrette amèrement le jour où il tombe dans un fossé et qu'un rocher écrase sa main, l'immobilisant totalement.

Avis sur le film :
En avril 2003, alors qu'Aron Ralston, jeune homme de 27 ans, parcourait le Blue John Canyon, il tomba dans une crevasse où un roc écrasa sa main. Il y resta cinq jours, dans l'impossibilité de se débloquer, et finit déshydraté et pris de délires avant de devoir s'amputer, sachant que personne ne viendrait le secourir.
Depuis il écrivit Plus fort qu'un roc, un ouvrage retranscrivant son calvaire, best-seller dans de nombreux pays et base du scénario de Danny Boyle, qui voulait en faire un film depuis déjà quatre ans.


Sans nécessairement avoir retenu le nom de la personne, l'histoire de cet homme qui s'est coupé la main afin de rester en vie est de notoriété publique, ainsi comment faire un long-métrage à partir de ce sujet, en sachant même que le principal protagoniste a écrit sur ce qui lui était arrivé ?
Le film choisit déjà de faire ce qu'il y a de plus simple pour rajouter du temps de pellicule, à savoir montrer en partie le personnage avant l'accident. Si la préparation du casse-cou est banale, et si le récit est déjà connu, Danny Boyle apporte sa réalisation qui change la donne. Pour quelque chose de simple sur le papier, à savoir un homme qui prépare ses affaires et conduit jusqu'à son terrain de jeu géant, nous avons des écrans partagés en trois, une musique très rythmée, et une stylisation de l'image avec par exemple ces traînées de lumière formées par des véhicules sur l'autoroute. Ces effets peuvent paraître gratuits, mais tel que nous le découvrons peu à peu, représentent le personnage de James Franco lui-même. Sportif solitaire et amoureux de la nature, il est néanmoins cool et profite de sa connexion avec la planète Terre pour bluffer les filles qu'il rencontre en chemin. La joie de vivre du personnage, transmise par sa bonne humeur et l'énergie qui se dégage des premières scènes, évite de s'ennuyer durant les passages de randonnée ou de parcours cycliste là où d'autres cinéastes auraient adopté la lenteur pour insister sur la simplicité de la beauté du paysage, ici aussi mis en avant quoi qu'il en soit, par des split-screens et des plans larges succincts mais qui suffisent à aimer momentanément ce panorama autant que ce doit être le cas d'Aron.


L'accident arrive tout de même assez rapidement, de quoi se demander à nouveau comment le reste du film peut se baser sur un randonneur coincé au fond d'un gouffre pendant des jours.
La plupart des spectateurs savent ce qu'il s'est passé au final, sauf que, à l'exception de ceux ayant lu le livre, le film se montre intéressant en montrant ce qui est arrivé entre la chute et l'amputation 127 heures plus tard.
C'est au fil des efforts, des espoirs, des déceptions d'Aron que l'on progresse, mais cela ne suffit pas pour le cinéaste. Il y a donc quelques soulagements comiques, mais plus tard pour relâcher la pression et sortir de cet endroit très étroit, le film nous renvoie de temps à autre à des flashbacks et fait intervenir quelques hallucinations, dont une complètement inutile et déplacée par son caractère clairement comique, qui inclue une poupée gonflable de Scoubidou. Il s'agit de la représentation de l'espace mental et de la vision altérée par les accès de folie de la personne réelle, mais dans une oeuvre fictive cela paraît correspondre à des procédés trop faciles destinés à éviter la monotonie.
Et pourtant il n'y en aurait pas réellement eu besoin, car interviennent déjà dans le fossé suffisamment de micro-évènements, puisqu'ils sont arrivés dans la réalité.
Les retours en arrière ne sont pas tellement utiles, ils ne servent qu'à marquer une pause ou rallonger le temps du film, et en apprennent peu sur le personnage, sur lequel il n'y a par ailleurs pas besoin d'en savoir tant. Peu nous importe sa petite amie passée qui n'intervient pas avant la seconde moitié du film, ou la soeur dont on apprend trente minutes avant la fin qu'elle va se marier, puisque dans l'instant nous sommes déjà en empathie assez forte avec le personnage. Ce n'est pas tant pour lui que l'on souffre, mais les situations dans lequelles il se retrouve suffisent à retenir son souffle dans des moments de problèmes subsidiaires, dont l'issue n'est pas connue de tous même si c'est le cas du fin mot de l'histoire. La perte du couteau ou la réserve d'eau qui se vide ne changent pas l'issue globale, mais peut arranger plus ou moins favorablement ce qu'il se passe entretemps, et là est l'enjeu dramatique de ces scènes.


Si le début en plein air nous faisait admirer la nature, le traitement est différent à l'intérieur de la crevasse, bien qu'il rejoigne ce lien entre l'humain et la nature présent auparavant avec ce James Franco traînant sa main le long de la roche, puisque les sensations prennent une place particulière dans le film. En dehors de contraintes spatiales, puisque toutes les scènes dans l'interstice rocheux n'ont pas été tournées en décor naturel à en croire certains positionnements de la caméra, l'image est tout de même resserrée autour du visage et des objets. La sensation d'enfermement est renforcée, et à l'écran se recrée le nouvel espace de vie d'Aron, où tout est beaucoup plus proche, à cause du resserrement, et où le tactile a une plus grande importance. Les bruits de bouche asséchée sont amplifiés, la vue des objets et des liquides va au coeur du sujet : la caméra plonge dans la bouteille, ou elle rentre à l'intérieur de la montre.
A vivre si longtemps dans ce lieu, le personnage et le spectateur ont de nouveaux repères, que ce soit le corbeau qui passe chaque jour à la même heure ou les 15mn de soleil quotidiennes, qui dans ce dernier cas poussent le personnage à exposer autant que possibles ses membres à la lumière. C'est là que s'explique toute cette perception soulignée, puisque les sens sont aux aguets, l'homme essayant de profiter autant que possible du peu qu'il a, et c'est ainsi que chaque bruit infime est accentué, et que des objets prennent une dimension hyperbolique.


James Franco a peu de répliques mais, justement probablement parce que son jeu ne se base pas sur les paroles, livre une sacrée performance. Drôle parfois sans être trop macabre, comme peut l'être la scène de sitcom dans Tueurs nés dont l'équivalent ici est l'imitation par Aron d'un talk-show, et tragique la plupart du temps, exprimant la détresse d'un homme dans une situation pareille.
La fameuse scène d'amputation en elle-même, quoiqu'intense, est courte, probablement de par l'intérêt du réalisateur qui se porte plus sur la durée générale que sur cet évènement bien que ce soit un pivot de l'intrigue. Par son arrivée abrupte, ce passage est aussi significatif d'un état du personnage dans lequel il agit en se disant qu'il est temps sans réellement y réfléchir et avoir l'occasion de se rétracter. C'est certainement ce qui rend le caractère trash de ce moment encore plus percutant, et heureusement le film n'a pas cherché à ménager le public, présentant à d'autres instants des éléments incorrects que d'autres cinéastes auraient coupé, pour ne pas avoir à montrer le personnage urinant ou hésitant à se masturber.
127 heures tombe effectivement dans quelques facilités, mais celles-ci correspondent à la réalité de ce qu'il s'est passé, ne dérangent pas, et son mineures dans le film, qui excepté cela est bien réalisé et a su traiter correctement son sujet sans se calquer sur une narration propre à un livre, ni ennuyer.

Bande-annonce VOST :


Message de la grand-mère de James Franco :

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