jeudi 17 février 2011

Black swan


Fiche du film :
Réalisateur : Darren Aronofsky
Scénaristes : Mark Heyman, Andres Heinz, John J. McLaughlin
Année : 2010
Genre : Drame / Thriller
Acteurs principaux : Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel
Résumé : Après des années de rigueur et d'efforts, Nina, danseuse de ballet, se fait enfin remarquer. Elle obtient le rôle le plus convoité dans "Le lac des cygnes", une chance inespérée pour elle, mais aussi un poids considérable qui va l'obliger à faire face à la pression de son travail et de ses collègues envieuses.

Avis sur le film :
Le réalisateur de Requiem for a dream, Darren Aronofsky, commença à s'intéresser à la danse classique par le biais de sa soeur qui en fit ses études, mais c'est suite à la vision d'une représentation du "Lac des cygnes" qu'il coupla à un scénario nommé The understudy qu'il établit son projet de Black swan. Celui-ci était déjà prévu depuis le début de cette décennie, avec Natalie Portman attachée en tant qu'actrice ; c'est ce dernier point qui attira plus tard l'attention des studios, mais jusque là aucun script n'était encore rédigé.
Entretemps, Aronofsky réalisa en 2008 The wrestler, qu'il considéra comme la pièce d'un diptyque avec Black swan, les deux évoquant des performances éprouvantes dans des domaines bien différents.


Contrairement à The wrestler l'histoire primait malgré une réalisation qui se faisait remarquer, ici c'est la mise en scène, sublime, qui porte le film. Sans oublier de nous offrir des images magnifiques, tout est fait pour que l'identification visuelle avec le personnage de Nina soit poussée au maximum, la caméra se déplaçant par des mouvements amples pour suivre les pas de danse et virevoltant lorsque la danseuse tournoie jusqu'au vertige. Cette proximité avec l'actrice n'empêche pas des plans avec plus de recul, non moins beaux et qui présentent de très bonnes idées de construction du cadre. Ce plan en mouvement où le professeur de danse suit du regard Nina tandis que le spectateur la voit réfléchie dans les miroirs derrière est d'une ingéniosité qui combine l'esthétique à une simplification narrative évitant le champ/contre-champ, et projete déjà symboliquement le dédoublement du personnage.
La salle d'entraînement, recouverte de surfaces réfléchissantes mises en valeur par le réalisateur, se prête judicieusement bien à l'histoire du double maléfique. Il s'agit d'un des thèmes forts qui s'allie à celui du monde de la danse, évoquant la pression sur les danseuses, la jalousie entres elles, dont certaines qui consacrent leur vie à la danse sans être récompensées ; des problèmes déjà vus et connus du public mais qui restent intéressants. Le monde du ballet est correctement exploité, comme souvent dans les films traitant du spectacle les limites entre vérité et représentation sont brouillées, ici il s'agit plus précisément du jeu de séduction réel ou simulé, dans lequel on peut encore une fois voir une autre forme de représentation de l'aliénation graduelle de Nina.


Allant de pair avec le "Lac des cygnes", les performances de Natalie Portman, pour le peu qu'on puisse voir de son année d'exercice intensif, et la musique retravaillée de Tchaikovsky sont un plaisir pour la vue et l'ouïe ; mais les qualités de Black swan s'arrêtent là, le reste étant principalement un grand amas de clichés accablant.
Dès lors que Vincent Cassel déclare à ses danseuses que tout le monde connaît l'histoire du "Lac des cygnes" sans s'empêcher de la résumer à l'intention du public, le film est déjà tout tracé : il sera question d'une rivalité entre un "cygne noir" et un "cygne blanc", ce dernier y laissant la vie. Le scénario trace ainsi dès les premières minutes une intrigue prévisible, adressée aux membres du public les moins vifs d'esprit, auxquels Aronofsky continuera de faire attention par sa réalisation en se plaçant aux antipodes de la subtilité.
Nina est la fille sage habillée dès le début d'un manteau blanc dont la fourrure n'est pas sans rappeller des plumes et qui n'ose pas se masturber même lorsque son professeur le lui demande, tandis que Lily est la dévergondée tout de noir vêtue qui consomme de l'ecstasy et qui, pour ceux qui n'auraient pas encore compris ce que tout cela signifie, a des ailes noires tatouées dans le dos.
De même avec la musique du "Lac des cygnes", présente jusqu'à la boîte de musique de l'héroïne ou sa sonnerie de portable. Que la mélodie soit imaginée par le personnage qui sombre dans la folie, ou qu'elle soit réellement présente et que la danseuse se tourmente d'elle-même en s'assenant la même symphonie symbole de souffrance pour elle, l'idée est inepte et l'insistance du réalisateur à vouloir tout rendre extrêmement compréhensible est trop pesante.


La représentation de la descente aux enfers de Nina fait pire, aussi bien en matière de clichés que d'acharnement pour faire rentrer une notion dans le crâne du spectateur. La folie de la ballerine est inexpliquée et inexeplicable, et entre sa démence et les visions qui y sont liées, il y a une relation de prétextes allant dans les deux sens. Pour cause d'incapacité à faire intervenir le déséquilibre mental autrement, des hallucinations sont présentes afin de dire que tout ne va pas au mieux dans l'esprit de l'héroïne, et la seule façon trouvée par le film pour que l'on comprenne qu'il y a une aliénation chez elle est de montrer son reflet prendre un air méchant en coupant son doigt. Inversement, la folie nourrit des clichés issus du cinéma d'horreur, un genre vers lequel Black swan se dirige par moments, à se demander pour quelles raisons, surtout au vu du résultat médiocre lors de ces écarts vers le fantastique. Il y a ainsi toujours quelqu'un derrière Nina pour la faire sursauter, et avec aussi peu de finesse que précédemment afin de faire passer un message, elle croit qu'un double d'elle-même la traque. Encore plus incompréhensibles sont ces scènes où l'héroïne croit s'arracher la peau, perdre des ongles, ou voir une rivale se planter une lime à ongle dans la tête ; des moments laids par leur principe et par leur concrétisation visuelle, mais qui n'égalent pas la transformation littérale de Nina en cygne, des plumes sortant de son dos et ses jambes se pliant pour les dernieres personnes en salles à ne pas encore avoir totalement saisi ce qu'il se passait depuis une heure et demie.


La beauté de Black swan est sa plus grande qualité et est ce qui frappe en premier, et si l'harmonie visuelle reste la même tout du long, elle se fait rattraper et ne fait pas le poids contre une histoire qui vire au grotesque, contre une lourdeur explicative qui devient pénible, et contre des clichés insupportables qui ne peuvent pas même trouver leur justification dans la folie.

Bande-annonce VOST :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire