jeudi 10 février 2011

Time code


Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Mike Figgis
Année : 2000
Genre : Drame
Acteurs principaux : Salma Hayek, Stellan Skarsgård, Jeanne Tripplehorn, Richard Edson
Résumé : Le parcours de quatre personnes en simultanée au cours d'une heure et demie décisive de leur vie.

Avis sur le film :
Mike Figgis, dont le film le plus connu est Leaving Las Vegas avec Nicolas Cage, n'a jamais vraiment percé dans le milieu du cinéma, même avec son film-concept révolutionnaire Time code réalisé en 2000. Qu'un film aussi ambitieux ait pu se concrétiser avec la faible notoriété de son créateur est une chance pour le cinéaste lui-même, et également pour le public qui peut découvrir une oeuvre dont la seule évocation de la promesse de départ attire inévitablement l'attention : celle d'un long-métrage uniquement constitué de quatre plans séquences. En même temps.
L'écran partagé en quatre portions égales suit quatre personnages principaux pendant une heure et demie en temps réel, sans aucune coupe, ce qui représente une performance ayant nécessité d'être répétée 15 fois avant d'en arriver au résultat final.


L'utilisation de chaque case est à la hauteur du concept de base, et contrairement à ce qui aurait pu arriver, une case seulement est régulièrement délaissée. Pour les trois autres, le passage à vide se fait rare, et l'ennui est évité par l'importance portée au timing et au pouvoir d'improvisation des acteurs. Malgré un mixage sonore indiquant vers quelle partie de l'image se tourner, l'impression qu'il se passe quelque chose digne d'intérêt quelque part sur l'écran est quasi-permanente, et dans les quelques cas où le son d'une des vidéos n'est pas prédominante, le spectateur a le choix de ce qu'il veut voir.
Le concept est déjà doué d'une grande puissance mais le cinéaste ne se repose pas sur ses lauriers et ne laisse pas stagner sa création, puisques les personnages échangent leur case, certains se croisent, d'autres disparaissent pour laisser sa caméra filmer une personne sous deux angles différents, et sans jamais que les coulisses ne nous soient accidentellement dévoilées, alors même que des miroirs et des surfaces réfléchissantes viennent apparaître derrière les protagonistes.
Mike Figgis joue avec le feu alors qu'une seule erreur pourrait gâcher en même temps quatre prises uniques, ce qui rend le projet d'autant plus admirable rien qu'à l'idée qu'une faute puisse être commise. Et pour corser davantage l'affaire, trois tremblements de terre simulés viennent mettre à l'épreuve la synchronisation de chaque acteur faisant semblant de tomber et de chaque cameraman obligé d'imiter le phénomène sismique par les secousses qu'ils infligent à leur outil de travail.


Time code sait aussi varier les genres, usant facilement de son principe pour en tirer des scènes de comédies, mais passe aussi par le drame via son scénario. La musique, comme les prises, ne s'arrête jamais ou preque, et arrive à s'adapter à chaque situation sans que le ton ne change brusquement. Il lui arrive par moments de correspondre à un même état d'esprit présent dans chaque case, une impression à quelques instants renforcée lorsque chacun des quatre protagonistes effectue une action similaire, requérant encore une fois un timing impeccable. Le plus impressionnant restant la situation où une musique jouée par un personnage, agréable à l'écoute qui plus est, correspond à ce qu'il se passe ailleurs au même moment.
Une surprise qui ne soit pas purement formelle attend le spectateur vers la fin par une mise en abyme, entre auto-dérision parodique et note d'intention du réalisateur, à travers la figure fictive d'une jeune cinéaste citant Vertov et Eisenstein à tout-va pour appuyer son discours pompeux censé présenter sa prochaine création qui, contrairement aux débuts de l'art cinématographique, ne représenterait pas l'innovation par le montage mais par son absence totale. Figgis surprend encore une fois, différemment, en même temps qu'il amuse et qu'il prend à contre-courant de potentielles critiques quant à la prétention de son long-métrage.


Avec un tel exercice de style en son noyau, Time code n'est pas exempt de quelques défauts, que ce soit l'apparition furtive de la réfléxion de la main d'un cameraman ou l'interpellation d'une actrice par son vrai nom, mais ce ne sont que des détails mineurs qui peuvent passer inaperçus et qui ne nuisent aucunement à l'ensemble et à l'admiration qu'il peut susciter.
Le corps humain n'est pourvu que de deux oreilles, sans quoi le son aurait lui-même certainement été divisé en quatre, à condition que le cerveau puisse traiter toutes les informations reçues, mais l'oeuvre de Mike Figgis joue justement sur la discordance entre les possibilités offertes par la vue et par l'ouïe. Le film jouit déjà d'une grande interactivité visuelle pleine de libertés avec le spectateur, de quoi pouvoir revoir l'oeuvre à plusieurs reprises et différemment à chaque fois. L'image seule suffit quoi qu'il en soit pour que Time code transcende la perception classique du cinéma, donnant sens à cette citation de Suck my geek : "Ce n'est pas un film que j'ai vu, c'est une expérience que j'ai vécue".

Bande-annonce VO :

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