vendredi 20 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 1)


Vendredi 13 mai :
Jour de malchance selon une croyance populaire. A l'arrivée à la gare, en voyant que nous devions embarquer sur le quai 13, je m'imaginais un déraillement spectaculaire façon Destination finale 43. Finalement l'évènement le plus dramatique de la journée fut la grève du RER A, qui m'a pris du temps quand j'ai du retourner chez moi avant le départ en TGV pour récupérer le chargeur de portable que j'avais oublié.
Voyage en train de cinq heures qui ont pu passer rapidement grâce aux discussions.
Soirée sans trop d'évènements, durant laquelle nous avons préparé le programme du lendemain, et du surlendemain pour ma part.


Samedi 14 mai - Jour 1 :
La première journée a été une découverte de la ville de Cannes durant le festival s'apparentant à un parcours Antonionien ponctué de changements d'avis et de projets, ce à cause de la constatation que notre badge ne donnait pas accès aux projections du "Club cinéphiles", à cause de choix forcés par des horaires de films qui interfèrent avec d'autres, et l'arrivée en retard à une séance déjà complète, à savoir celle de Polisse. Je retire tout de même un apprentissage de ce dernier point, m'étant dès lors fait une idée un peu plus précise du temps d'arrivée en avance requis.

En début de journée, étant arrivés avant l'ouverture du Palais, nous avons visité les alentours avec ses affiches géantes placardées sur les immeubles et autres dispositifs comme l'exposition des voitures de Cars 2 dans le but de promouvoir des films ; nous avons fait le tour et, émerveillés par une annonce des films à venir se basant sur une telle débauche de moyens, nous avons pris un grand nombre de photos favorisant ce mercantilisme extrême.
Après ce tour à pied, nous avons récupéré nos badges et nos sacs, et un jeune homme nous a demandé à la sortie comment avoir des places, inconscient de tous le processus qui anime Cannes.
Nombreux sont les gens à traîner autour du palais, chaque jour, tenant des pancartes pour réclamer des invitations. Le premier jour se trouvait cette fille au chapeau de pirate, voulant une place pour la projection cinq jours à l'avance du dernier Pirates des caraïbes. Je l'ai revue dans la rue, vers 19h, alors que c'était l'heure de la séance.

Nous nous sommes rendus juste après au marché du film.
Je l'avais auparavant vécu à travers les résumés sur internet, cette fois je pouvais réellement pénétrer en ce lieu qui, je le savais, allait regorger d'affiches et de feuillets sur des films farfelus venus du monde entier et qui sortiront en direct-to-video aux USA mais que nous ne reverrons plus jamais en France pour la plupart.
C'était un véritable enchantement, supérieur à celui des affiches à l'extérieur qui présentaient des films encore trop connus.
En vrac, au marché :
-Un mur couvert de prospectus et d'affichettes, dont une pour "Dans la froidure de la nuit", pour "How Nikola Tesla popped my cherry", et "Le boucher, la viande, et l'amour dans tout ça ?".
-Un stand pour un film d'animation asiatique, The mighty green, parlant d'un lapin nerd construisant un robot pour gagner au ping pong. On y a pris des magnets et des post-it à l'effigie des personnages du film.
-Pleins de posters de films aux titres alléchants comme : Dear friend Hitler, With love to Obama, Finding Gandhi, Yakuza weapon, Eddie the sleepwalking cannibal, Amsterdam heavy, Pregnant man, Sand sharks, Fred the movie (mais qui est Fred ?), Naked soldier, ...
-Un feuillet qu'on m'a passé pour This girl is bad-ass, qui est en fait, à ma grande surprise, le titre anglais d'un film Thaïlandais dont j'avais vu le poster sur Movieposterdatabase puis la bande-annonce grotesque : Jakkalan !
-Un film de super-héros Indien : Ra-One.
-Une affiche pour des films Turcs.
-L'affiche, puis plus tard le stand, de Juan of the dead.
-Un stand avec Cougar hunting ("cougar" dans le sens donné au terme dans les années 2000), The toolbox murders 2 et... Night of the living dead : Reanimation 3D, sorte de mélange non-officiel entre le film de Romero et Re-animator, avec lequel le lien implicite est renforcé par la présence de Jeffrey Combs au casting.
-Des escaliers décorés au nom de Dracula 3D, le prochain Dario Argento, avec juste derrière le stand correspondant. Je suis revenu après, quand il n'y avait personne d'autre, pour demander au responsable si le film était déjà en production (réponse : le mois prochain) et quand il sortirait (réponse : en janvier).
-Un écran passant des trailers de films asiatiques étranges.
-Un stand avec des films d'animation cheap et laids.
-Un stand où le responsable nous demandait si on était filmmakers, pour finalement, au fil de la discussion, proposer d'aller voir Exodus falls, road movie incluant Rosanna Arquette. Ne trouvant pas d'invitations, il écrivit un mot pour nous afin d'accéder à la séance.
Je ne le savais pas encore, mais il fallait des invitations pour les projections du marché du film. A ce même stand : les affiches de Animen et Wam bam, pac's the man...
-L'affiche de Cinderella 3D : Cendrillon avec des personnages animaux anthropomorphes au far west.
-Le feuillet pour Some guy who kills people. Par le réalisateur de Mega Shark vs Giant Octopus, signale le verso.
-Un stand avec une affiche en lenticulaire de Conan 3D, accompagnée des pré-affiches de Hercules 3D, The Texas chainsaw massacre 3D, et The expendables 2.
-Un stand avec l'affiche de 2001 maniacs : Field of screams. Le responsable refusait de me donner un feuillet tant que je n'étais pas acheteur. Un de mes acolytes m'a proposé de lui filer une de ses cartes de visites, puisqu'il avait eu un livret à un autre stand grâce à ça. Finalement je ne l'ai pas fait, mais il a eu la bonne idée de me suggérer de prendre des cartes à d'autres stands, pour faire croire qu'elles étaient miennes.
-Affiche de L.A. Zombie, au slogan "He came from the sea... to fuck the dead back to life". Oeuvre de Bruce LaBruce, réalisateur de Otto or up with the undead.

Nous avons raté Polisse. Retour plus succinct au marché :
-Une affiche américaine de L'élève Ducobu, renommé "Ducoboo".
-Stand Eurociné avec des films de feu Jean Rollin et autres bizarreries.
-The wicker tree, une suite à The wicker man, aussi avec Christoper Lee.
Par contre, constatation tragique après la consultation de la liste des exposants : il n'y a pas Troma.

En début de soirée, il y avait une séance de A Bronx tale en présence du réalisateur, soit De Niro. Mes collègues choisissent d'attendre des heures pour le voir, et après une hésitation, je choisis de favoriser le nombre de films vus, ayant en plus de cela déjà visionné le film de Robert.

Avant ça tout de même, un nouveau tour, qui nous permet de faire un tour dans une boutique officielle de souvenirs du 64ème festival. Les t-shirts y coûtent plus de 20€, les posters une dizaine, tout est à un prix exorbitant, et les sacs que nous avons eu gratuitement sont à 15€.
Je me demande à quoi servent ces produits à ceux qui les achète ? Dire "je suis allé au festival de Cannes, puisque je n'avais pas de badge j'ai du rester à la porte des projections, je n'ai donc pas pu réellement profiter des évènements à part en restant des heures à essayer de récupérer une invitation en vain, mais en tout cas ce sac que j'ai payé 15€ est la preuve que j'y étais" ?

Nous avons aussi pu voir Samy Naceri s'engueuler à une terrasse, premier contact visuel qui confirme l'image qu'on a de lui.
En allant plus loin que le matin, je découvre une affiche pour Avatar... qui se révèle être en fait "the biggest movie of all time 3D", la prochaine production de ces connards qui ont pondu "big movie".
Peu après, on remplit des formulaires pour participer à un jeu, et des cris de la foule nous mènent au Martinez où on appelle "Vanessa". On ne la verra pas, qui qu'elle soit, et on retourne finalement vers le Palais.
Je pensais voir The slut, titre prometteur, mais je ne peux y avoir accès, la séance étant réservée au Club des cinéphiles, et donc il n'était pas possible de voir Ducoboo le lendemain, film que je voulais absolument voir uniquement pour détester cet affront à mon enfance, ou alors à une autre séance, mais qui m'empêcherait de voir Polisse.
A ce moment là, il n'y avait plus le temps de voir autre chose, ayant suivi mes camarades au lieu d'essayer la séance de courts-métrages, qui avait déjà commencé quand je découvris que je ne pouvais voir The slut.
Une heure après il y avait Bong of the dead ou Naked soldier ; j'ai préfére voir Porfirio.

Porfirio
L'affiche était au marché du film. Elle ne semble pas encore être sur le net.
Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Alejandro Landes
Année : 2011
Genre : Drame
Acteurs principaux : Porfirio Ramirez, Jarrilson Ramirez, Yor Jasbleidy Sanchez
-Résumé du programme de la Quinzaine des réalisateurs : "Dans une ville lointaine à la périphérie de l'Amazone, Porfirio est un homme qui vend des minutes de téléphone portable pour gagner sa vie. Confiné dans un monde réduit à son lit et son fauteuil roulant, contraint de porter des couches, il rêve qu'il peut voler."
-Résumé du programme du marché du film : "A Colombian man confined to a wheelchair hijacks a plane with two grenades in his diaper and the help of his teenage son".

Avis sur le film :
Avec le premier résumé farfelu ci-dessus qu'on m'a lu, je voulais totalement voir le film. Le second, que j'ai lu le lendemain, a apporté une information supplémentaire qui confirmait mon envie, bien qu'à partir de là je me doutais que le délire annoncé par les résumés allait sûrement être absorbé par l'aspect indépendant de ce film Colombien qui allait ressembler à tant d'autres.

J'en profite pour parler des deux vidéos présentées avant le film. L'une présentait divers images violentes et était un message contre la censure. La seconde présentait un asiatique menacé avec une arme, suppliant face caméra ; la scène se finissait par quelque chose comme "Si vous ne parlez pas japonais, nous vous fournissons les sous-titres", message de la part de la société ayant créé ceux de Porfirio... Ces spots étaient plutôt malsains.

La projection, première mondiale apparemment, était précédée d'une présentation en présence du metteur en scène. L'homme qui parlait de ce dernier évoquait un réalisateur hors du commun, qui filme les corps et les visages de sorte à faire transparaître l'âmes des personnes à l'écran. Il n'y allait pas de main morte, et pourtant je voulais bien le croire ; ainsi j'ai cherché ce qu'il annonçait dans les premières images, crues, me demandant si voir les seins du personnage principal en gros plan, son corps étant montré à nu sans artifices hollywoodiens, ou le regarder astiquer son dentier, nous donnait accès à son essence. Peut être que de ce désir de fouiller l'intériorité de quelqu'un vient l'idée de ne rien cacher poussée à l'extrême, car bientôt nous voyons Porfirio assis dans son fauteuil roulant dans sa salle de bain, ne rien faire, jusqu'à ce qu'un excrément tombe de son arrière-train ; en effet le personnage éponyme était en pleine défecation. Son fils ne tarde pas à laver son père, puis à ramasser ce qu'il a déposé sur le sol carrelé.

Avant la séance, j'ai expérimenté ce qui semblerait être une triste tradition pour les habitués de Cannes, et ce dès le premier jour pour moi : j'ai constaté avec horreur que j'étais pris d'une envie de m'assoupir une fois assis dans le fauteuil. Les applaudissements à l'arrivée d'Alejandro Landes et son équipe m'ont tiré de ma torpeur, mais le sommeil est venu me rattraper dès une dizaine de minutes après le début de la projection, à cause du manque d'action propre à ce genre de film. Heureusement un petit somme a suffit à me requinquer, et l'agitation arrive en quelque sorte plus tard, dans une certaine mesure, ayant été saisi par des images qui vont plus loin encore. Le réalisateur cherche la crudité, il organise son film afin de la mettre en scène, ainsi nombreux sont les plans sur les postérieurs se trémoussant, à croire que c'est de là que l'on peut explorer le corps jusqu'à en arriver à l'âme, et mieux encore : une scène où Porfirio se tripote pendant que les fesses de sa femme arrivent en gros plan pour remplir l'écran, juste avant qu'elle ne retire son short, le cadre ayant été pensé simplement pour cette vision envahissant la salle de cinéma.
Il y a tout de même un vrai investissement de la part du couple, pour se montrer dans le plus simple appareil devant la caméra, ayant tous deux un physique assez ingrat, et pour oser se montrer se faire lécher l'anus par son compagnon.

Concernant l'intériorité des personnages, il y a un plan au début qui peut y faire penser, où une eau en mouvement dans un évier se reflète sur le visage du héros, mais c'est le seul effet du genre dans le film.
Il y a un certain travail de mise en scène tout de même par moments, comme lorsque par une réflexion sur le son au cinéma le montage nous fait croire que le portable de Porfirio vibre alors qu'il s'agit de celui de quelqu'un derrière lui, mais cela ne sert véritablement à rien dans le récit. Il en est de même pour quelques scènes de contemplation purement inutiles, comme lorsque le fils du héros reste en apnée dans une baignoire, et qui parfois n'apportent que le plaisir de voir sur grand écran, par exemple, une pelleteuse démolir un bout de route.
Assez bizarrement, il y a aussi une certaine complaisance à montrer des handicapés, sans que ce soit justifié. Il se trouve que le réparateur de fauteuil roulant soit lui même invalide, incapable de déplier les jambes pour se lever, et se déplaçant accroupi.

Le film semble vouloir montrer la vie sans issue de Porfirio, coincé dans son fauteuil, qui veut faire n'importe quoi pour échapper à la routine, quitte à faire tomber un vase et rouler dessus pour le réduire en miettes.
En attendant ce qu'annonçait le résumé du Marché du film, à savoir le détournement d'avion, qui n'arrive qu'à la fin, comme pour ce qu'annonce Warner bros sur le verso du DVD de Mad Max, le scénariste tente de meubler de sorte à représenter l'existence insipide de son personnage. Il y a quelques tentatives à faire de l'humour, qui a fait rire certains dans la salle sans que je ne comprenne : Porfirio retirant un accoudoir de son fauteuil pour se gratter le dos, et plus tard une femme ayant retiré une TV chez le prêteur sur gages qui jette l'objet à terre en disant "comme ça il ne sera ni à moi, ni à vous"...
Le seul passage qui ait à peu près marché est la présentation de modèles de couches pour adultes par une vendeuse.

Evidemment, Porfirio est loin d'être le délire envisageable à travers les résumes cités ci-dessus, ceux qui les ont rédigé ayant pioché dans divers éléments du films pour les assembler de façon à concentrer des éléments qui, par leur association immédiate, font penser à un spectacle haut en couleur.
Cette oeuvre est toutefois un curieux mélange, mais tout en lenteur, entre film contemplatif et choc des images, éléments le plus marquant de l'oeuvre, les fesses poilues de Porfirio pouvant suivre une scène de récitation poétique.
L'avancée narrative s'articulant difficilement, le film devient confus, surtout concernant les motivations du personnage principal qui finalement ne semblent être liées qu'à son ennui. Heureusement, le dénouement éclaire certains points, de façon originale qui plus est, puisque cela se fait à travers les paroles d'une chanson simple mais touchante de la part du héros.

Bande-annonce VO :

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