dimanche 22 mai 2011

Festival de Cannes 2011 (Compte-rendu 3)


Dimanche 15 mai - Jour 2 :
Le matin, une fois arrivé à Cannes, je me rends compte que j'ai oublié mon badge.
Je refais l'aller-retour.
J'ai su dès lors que les prochains jours j'allais être animé d'une paranoïa, à me tâter régulièrement le cou pour voir si mon badge y pendait encore, cet objet sacré dans le cadre du festival car permettant, à condition de l'arborer fièrement, d'assister à de nombreuses séances et d'accéder à divers lieux librement.
Heureusement la séance de 11h à laquelle j'avais prévu d'aller ce jour là, à savoir celle de The Prodigies, était en 3D.
De plus, durant ma promenade servant à passer le temps dans le Village international assez dénué d'intérêt, j'apprends que mes compagnons de route n'ont pu rentrer, la presse étant passée en priorité jusqu'à ce qu'il ne reste aucune place de libre.

Après un déjeuner uniquement composé de sandwichs préparés le matin même et consommé sur un rebord d'espace vert à l'extérieur du Palais des festivals, je suis le groupe, qui veut faire la queue dans la file "accès de dernières minutes", pour essayer d'avoir des places pour la projection de The artist. C'est alors que j'ai eu connaissance de ce système : les personnes dotées d'invitation passent de suite, tandis que ceux qui ont uniquement leur badge peuvent essayer d'attendre qu'il reste des places supplémentaires. Ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre de ces objets doivent attendre des heures sous le soleil, parfois en vain comme ils s'en rendent compte en fin de journée, pour que quelqu'un de privilégié daigne leur donner ou leur vendre une invitation.

Nous avons attendu un bon moment sous un soleil mettant à l'épreuve la résistance de la peau de notre nuque. En suivant les autres, j'ai sacrifié ma séance pour Ducoboo, qui devait commencer 30mn avant The artist. Incertain au départ de pouvoir entrer pour ce dernier, j'avais proposé la séance de Polisse à la même heure, mais qui devait quoiqu'il en soit attirer autant de monde, donc il aurait été tout aussi peu sûr de pouvoir le voir en voulant s'y rendre.
Deux d'entre nous se sont fait offrir des invitations, tandis que j'ai attendu avec les autres sous ce même soleil jusqu'à ce qu'on nous fasse passer la grille en nous demandant de jeter nos bouteilles d'eau.
L'accès au Palais ne signifiait pas forcément l'accès à la salle, car, bien qu'en me dépêchant en ne me prenant pas en photo sur le tapis rouge contrairement à d'autres, je suis arrivé sans être sûr de pouvoir rentrer. Heureusement, alors que tout semblait fini, j'ai entendu à une entrée autre que celle où je me trouvais l'annonce d'une place restante, que j'ai pu occuper en dépassant un homme en couple hésitant à attendre sa compagne ou non.

 
The Artist
 

Fiche du film :
Réalisateur : Michel Hazanavicius
Année : 2011
Genre : Comédie
Acteurs principaux : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman
Résumé : Une star du film muet tombe amoureux d'une inconnue sur un tournage. Leurs chemins se séparent en même temps qu'au cinéma apparaît le son, ce changement apportant la faillite pour l'un des deux et la gloire pour l'autre.

Avis sur le film :
Mel Brooks avait déjà essayé de faire un film muet dans un contexte contemporain, ce n'était pas une réussite selon moi, et ça fait peut être partie des éléments qui ont fait que je n'étais pas tenté par The artist.
La grande différence ici, c'est tout de même qu'il y a de la musique au piano, comme dans les salles de cinéma d'avant les années 30, alors que Brooks optait pour le silence complet, forcément ennuyeux au bout d'un moment.
La musique du film d'Hazanavicius est magistrale, et évidemment une grande importance lui est accordée puisqu'elle couvre tout le film. Je pensais qu'elle allait finir par lasser à la longue, mais au bout d'un moment on est trop pris par le film pour que ça n'arrive.
Comme pour Mel Brooks, l'imaginaire du film muet, repris dans un contexte moderne, est lié aux grands studios de cinéma vus depuis les coulisses auxquels on attribué une esthétique rétro. Dans Silent movie, Brooks ne faisait pas dans la finesse, aussi bien concernant ses gags que pour son scénario dans lequel il se mettait en scène essayant d'instaurer son film muet à Hollywood.
Hazanavicius se montre plus malin. La mise en abîme du début, où le film dans le film est vu en plein écran ou intégré sur l'écran d'une salle de cinéma des années 20 où le public est hilare, fait déjà preuve d'un regard empli de tendresse sur une autre époque, et ça se poursuit dans le scénario mêlant une histoire d'amour avec celle d'une ère du cinéma reproduite avec respect, liant la rupture réelle entre le muet et le parlant à la difficulté de la relation entre deux personnages.


Bien que français, le film se permet d'avoir des stars américaines grâce à l'absence de paroles unifiant le casting par un langage seulement gestuel, ainsi John Goodman a-t-il un rôle important, tandis que Malcolm McDowell fait lui aussi acte de présence mais pour une scène mineure où il ne sert qu'à montrer sa tête.
L'acteur principal est tout de même francophone, il s'agit de Jean Dujardin, qui fait le clown comme d'habitude, toujours doté du même visage souriant d'un air niais ; mais il arrive à s'adapter aux mimiques caractéristiques du muet.
Le film arrive à ressembler énormément aux vrais films de l'époque, de par son esthétique travaillant sur les ombres ou des plans comme celui frontal sur un grand escalier, ou des coups de génie dans la mise en scène qui ramènent dans le passé en faisant penser à de réels films muets, comme avec l'ingénieux passage du rideau qui se lève pour dévoiler progressivement les jambes d'une actrice, astuce purement visuelle qui fonctionne à merveille. Ce faisant, The Artist arrive à éviter le cliché de la représentation trop directe, en faisant subtilement appel à la vision que nous avons de ces films.


L'usage des codes du cinéma muet est à la limite de la parodie sans non plus être exagéré, au contraire, puisque les règles sont respectées, mais leur utilisation se place intelligemment à la frontière de la dérision. Le scénariste parvient à réintégrer les cartons de texte, ou les retirer pour créer un trouble, mais de sorte à leur offrir une fonction nouvelle qui correspond à un regard neuf et analytique sur ce qui fait le film muet.
Avec des éléments connus, Hazanavicius arrive à innocere et à créer de la surprise.
Le long-métrage se place également entre film muet crédible et oeuvre aux éléments que l'on n'aurait pas oser utiliser à l'époque, jouant notamment sur les principes du code Hayes mais en étant conscient de ce que ça veut dire dans l'esprit du spectateur, car en cachant The artist signifie, puisque nous savons tous ce qui se passe du côté du couple quand la caméra se détourne, sans que l'on retrouve la même lourdeur que dans OSS 117 avec son gag du miroir. Il y a aussi un geste obscène vite dissimulé, comme rattrapé par une certaine censure.
Les gags sont futés, et assez rares, mais cela vient du fait que l'auteur ne cède jamais à la facilité, là où j'aurais personnellement été tenté de placer une blague, finalement peut être trop attendue.


Il y a par ailleurs d'autres très bonnes idées, et pas forcément comiques.
La scène de rêve est superbe, à partir d'une idée pourtant si simple, et retire presque le côté cliché propre au procédé du songe.
Le passage le plus marquant reste tout de même celle du manteau, trouvaille qui marche incroyablement bien visuellement.
Malheureusement le film épuise au bout d'un certains temps toutes ses merveilleuses idées, traîne en décrivant trop longuement le désarroi du personnage, et desarçonne avec une scène en particulier où une ombre se fait la malle, ce qui est tellement dommage après une première partie si forte.
La fin n'est pas bien plus originale, prévisible puisqu'après tout dans son fond le film suit une trame classique d'un couple qui se trouve puis se retrouve, mais elle conclut comme je l'attendais un film beau et par instants très bon.

Bande-annonce VF :

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