mercredi 27 octobre 2010

Boulevard de la mort [Grindhouse]


Fiche du film :
Réalisateur et scénariste : Quentin Tarantino
Année : 2007
Genres : Action / Thriller
Acteurs principaux : Sydney Tamaiia Poitier, Rosario Dawson, Vanessa Ferlito, Kurt Russell
Résumé : Dans une petite ville du Texas, des jeunes femmes s'amusant en soirée sont suivies par un tueur bien particulier : Stuntman Mike, le cascadeur usant de sa voiture comme d'une arme.

Introduction :
Ce qui devait devenir le projet Grindhouse trouva ses origines dans l'esprit de Robert Rodriguez avant qu'il ne réalise Sin city, à partir d'idées autour d'un film de zombies qui, une fois assemblées, ne pouvaient que constituer un moyen-métrage d'une heure, et éventuellement un double-programme où se succèderait une autre histoire. Cette idée laissée de côté refit surface lorsque, de visite chez son collègue et ami Quentin Tarantino, Rodriguez remarqua que tous deux possédaient le même poster pour la projection en duo de Dragstrip girl et Rock all night, ce qui fit réémerger en eux des souvenirs de cette époque où le cinéma d'exploitation envahissait les salles de quartiers par ses pellicules abîmées et ses bandes-annonces pour des productions aussi grotesques les unes que les autres.
C'est ainsi que naquit Grindhouse, bannière portant le nom de ces salles de cinéma disparues et sous laquelle se réunirent un groupe de compagnons cinéastes comprenant également Eli Roth, Edgar Wright et Rob Zombie qui participèrent aux bandes-annonces de l'entracte, pour livrer au public l'ambiance Grindhouse au delà des séances privées que Tarantino se fait avec ses amis, jusqu'aux grandes salles de cinéma qui, le temps d'une séance, régressent sciemment vers des temps plus modestes mais à l'ambiance unique. Si ce n'est que, pour l'occasion, Tarantino et Rodriguez cherchèrent à ce que la programmation soit à la hauteur de la folie des affiches et des bandes-annonces qui la promouvait.


Avis sur le film :
A la lumière de l'affection particulière que porte Tarantino pour le cinéma grindhouse nouvellement dévoilée, le reste de sa filmographie est éclairée sous un jour nouveau qui laisse apparaître au moins une référence aux films d'exploitations dans chacune de ses réalisations, comme la séance de trois films de kung-fu dans True romance, quand cela ne va pas jusqu'à l'hommage à la blaxploitation avec Jackie Brown.
Véritable cinéphage qui crée à partir de ce qu'il ingère, Tarantino parsème de clins d'oeil tous ses films, mais ici c'est l'occasion d'en consacrer un entièrement au grindhouse, mais en se penchant particulièrement sur le genre du slasher, avec des courses-poursuites parties de la fascination du scénariste pour ces cascadeurs aux véhicules death-proof, à l'épreuve de la mort.


Tarantino s'amuse d'abord à poser un décor où le rétro s'affiche en tapissant les murs de posters grindhouse et en déteignant les costumes décontractés et les "muscle cars" d'époque déjà tachetés par des imperfections rajoutées sur la pellicule. Plus qu'un traitement de l'image, sur les premières scènes dépourvues d'action c'est un outil comique en partenariat avec un montage qui, feignant une saute, offre des plans alternatifs et enfreint sans problèmes, par un assemblage incorrect de plans, des règles cinématographiques, mais sans trop en abuser non plus. Le n'importe quoi irresponsable d'autrefois, réservé à des salles "restricted", se retrouve dans des plans déplacés et impensables, presque kitschs par leur inesthétisme désormais voulu, qui manifestent par exemple l'envie pressante d'un personnage à l'aide d'un gros plan sur l'entrejambe. Cela reste étrange mais drôle et acceptable de nos jours, le réalisateur traçant des lignes passées et présentes qui se recroisent quand les filles sortent leurs portables, pour ne pas simplement reproduire une époque, bien qu'en dehors de cela l'illusion soit parfaite, mais créer un univers parallèle à la Tarantino dans lequel une machine à remonter le temps se serait enrayé en cours de route, et attribuer à Grindhouse son propre style.


Dans ce cadre déjà enchanteur s'immisce le slasher en disposant un groupe de victimes typiquement 80's composé de filles au langage cru des années 2000, et le loup qui a en après elles. Mais quel que soit le genre où il s'installe, Tarantino fait les choses à sa manière dans de longues scènes qui se font écho dans les deux parties du film. La musique, même en fond sonore, est soigneusement sélectionnée parmi les titres de son propre juke-box apporté sur le plateau, s'imposant à un moment grâce à une fameuse scène de lap-dance. Les dialogues toujours aussi copieux demeurent primordiaux, décrivant les filles branchées, les pervers autour d'elles, le cascadeur désabusé car dépassé, qui lui aussi parle de jours glorieux maintenant derrière lui ; ou tout simplement parce que les répliques se font mordantes, on ne s'ennuie pas tant que l'on se raccroche aux mots. En somme Death proof se regarde comme un Tarantino comme les autres, mais avec un tueur en série qui assassine en se servant de son bolide, et la quiétude des discussions alentour donne alors l'impression que la décharge de violence au montage coup-de-poing est plus forte.


Cette brutale interlude suffit pour être rassasié lors des autres dialogues qui suivent, en parallèle au mode opératoire du meurtrier qui s'apprête à se répéter. Le rythme retombe sans dommages, quelques rires ponctuent l'attente d'une nouvelle dose d'action dont la venue est signalée par des références à Point limite zéro ou La grande casse de la part de cascadeuses dont Zoë Bell qui prend place comme actrice avant de justifier sa présence en mettant ses talents à éxecution.
Tarantino jugeant qu'il n'y a plus de bonnes poursuites depuis des années, Terminator 2 et Destination finale 2 seulement sortant du lot, il ramène sur le devant de la scène des poursuites à l'ancienne, brutes, sans ces CGI contre lesquels Stuntman Mike s'oppose également.
Tout ce qui fait une bonne poursuite, sans la surenchère des effets numériques remplaçant les images réelles, est distillé en une longue séquence où le rythme est soutenu par une grande variété de plans qui se succèdent dans un montage prenant qui s'allie à l'envie viscérale des femmes de rattrapper leur assaillant et de l'attaquer à tout prix, du moins le heurter, et ce désir se ressent, se partage, le suspense se créant, provoqué par la volonté de savoir si elles vont réussir ou non à riposter coupant le souffle comme sous l'effet d'une ceinture trop serrée crispant les muscles, et canalisant la concentration sur le moindre rapprochement éventuel de pare-chocs ; sans toutefois oublier le spectaculaire.


Seule la fin peut paraître en décalage avec ce qui a été vu jusque là, mais poursuit en fait sur un thème continu du film où les femmes dominent sur les hommes, et même si le réalisateur replace Kurt Russell dans un rôle de badass, il reprend ses interrogations concernant la personnalité des cascadeurs en transformant celui qu'il dépeint un moins que rien sans son engin.
Faisant de ce qu'il sait faire de mieux concernant l'écriture, même sans autant de répliques cultes que dans Pulp fiction, Tarantino associe à son style unique un ton moins sérieux, entraîné qu'il est par son ami Robert Rodriguez et sa seconde partie dédiée aux zombies, se rapprochant légèrement du film d'horreur de l'époque de l'inimitable Une nuit en enfer. Et encore, quel que soit la nature du divertissement, Quentin Tarantino offre un plaisir audio et visuel à chaque niveau tout en ouvrant plus amplement au grand public les portes d'un cinéma oublié.

Bande-annonce Death proof VOST :


Bande-annonce Grindhouse VO :

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