dimanche 7 février 2010

99 francs [Autour du cinéma]


Fiche du livre :
Auteur : Frédéric Beigbeder
Année : 2000
Résumé : Octave, publicitaire de 33 ans, en a assez de son travail qui l'enrichit tandis qu'il fabrique un monde d'illusions aux dépends des consommateurs. C'est pourquoi il écrit un livre dans lequel il dénonce ses employeurs et collègues, dans l'espoir de pouvoir se racheter.

Avis sur le livre :
Ce livre est celui d'Octave, ou plutôt celui de Beigbeder derrière le personnage d'Octave. Employé à l'agence de publicité Young & Rubicam, il démolit l'image de rêve des publicités dans son roman 99 francs, entre fiction et réalité, en affichant les magouilles de la société Rosserys & Witchcraft, ce qui vaut à l'auteur son licenciement la même année.
C'est d'ailleurs le projet du personnage d'Octave : se faire licencier, quitter son boulot tout en touchant des indemnités.

Beigbeder annonce la couleur dès les premières pages, il joue la carte de la provocation et le déclare ouvertement lorsqu'il s'adresse directement au lecteur. Le personnage antipathique n'est pas trop aggressif non plus, il arrive à trouver le juste équilibre pour nous secouer tout en nous faisant rire de notre situation actuelle contre laquelle on ne peut rien faire. C'est d'ailleurs sûrement la meilleure façon d'atteindre sa cible, avec l'aide de constatations qu'on ne peut nier et dont on ne peut que rire faute de pouvoir changer ce qui est accepté comme étant normal par la société de consommation.
L'auteur ne cherche pas de toute façon à faire changer les choses, il annonce dès le départ qu'il ne fait que décrire. Sa motivation, ou celle d'Octave, est son licenciement, en attente duquel son excuse est qu'il se révolte de l'intérieur du système.

Pour ce faire, Beigbeder pousse la provocation très loin, avec de nombreuses reprises des allusions religieuses, rendues encore plus immorales par le fait qu'il dise vouloir se confesser ; les comparaisons avec le nazisme se trouvent aussi très régulièrement.
L'écrivain n'a pas peur non plus de citer ceux qu'il attaque, en s'appuyant par moments sur des exemples ahurissants de faits bien réels placés dans les dialogues.
Au travers du personnage d'Octave et son univers, Beigbeder se lâche dans la vulgarité la plus crue, mais mêlée à une grande culture littéraire. Les sources et citations sont nombreuses et variées, d'Hitler à Blaise Pascal en passant par la Bible ou Gorbatchev qui côtoient par la même occasion des références faisant plus appel à la culture populaire et menant pourtant à de grandes réflexions métaphoriques, comme l'illustre la comparaison entre la série Le prisonnier et la situation de salarié d'Octave.
A certaines occasions, Beigbeder innove dans le domaine littéraire en incluant un vocabulaire de publicitaires dans un univers décalé avec jeux de mots à foison, l'auteur ne fait pas que jouer avec les mots, il s'amuse véritablement avec, prouvant souvent son habileté à les manier. L'originalité vient aussi de la structure du roman, dans lequel sont intercalées quelques publicités et dont les chapitres sont des pronoms. Le récit commence par "Je", symbole de l'égocentrisme d'Octave, pour ensuite progresser jusqu'à "Ils" tandis que le personnage pert peu à peu sa personnalité à cause de ce monde de pubs le manipulant et le sortant de son être.

Beigbeder s'éloigne légèrement de son histoire au milieu de l'ouvrage pour nous marteler de réflexions et messages anti-publicitaires, mais ce n'est pas pour nous déplaîre. Nous retrouvons Octave, ce grand enfant irresponsable, vers la fin essentiellement.
Seule la conclusion du roman est trop chaotique, retranscrivant à l'écrit la folie du (des ?) personnage(s) sans aucun indice pour discerner la réalité du cauchemar. Mais en dehors de ça, le livre en lui-même est très prenant, rapide à lire, arrive à divertir, faire rire et réagir.

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